Comme chaque semaine, nous retrouvons Olivier Costa, directeur au département d'études politiques et de gouvernance européenne au Collège d'Europe pour sa carte blanche sur la Présidence française de l'Union européenne.
La Présidence du Conseil est-elle en charge de la politique étrangère de l’Union ?
A priori non : elle est entre les mains du Président du Conseil européen, pour ce qui concerne les enjeux militaires, de sécurité et de diplomatie ; et celles de la Présidente de la Commission, pour ce qui a trait aux politiques « civiles » de l’Union. Mais la Présidence du Conseil peut orienter l’action de l’Union, notamment en organisant des sommets. La France l’avait déjà fait en 2008, en lançant l'Union pour la Méditerranée lors du sommet de Paris. Cette fois-ci, Emmanuel Macron a décidé de faire du sixième sommet Union européenne - Union africaine, organisé à Bruxelles la semaine dernière, un moment fort de la présidence.
Un sommet, ça sert à quoi ?
Le précédent sommet, organisé à Abidjan en 2017, avait été l’occasion d’une succession de discours creux, et les engagements pris n’ont pas été tenus. La priorité a donc été donnée aux discussions en table ronde sur des thématiques précises. En outre, un comité de suivi du sommet a été créé – malgré les réticences des institutions européennes – afin de suivre la réalisation des promesses et des projets.
L’UE est-elle solidaire vis-à-vis de l’Afrique ?
Globalement oui, et il y a une longue tradition en la matière, depuis la signature des accords de Lomé en 1975. Dans la pandémie du Covid-19, l’Union a fait preuve de solidarité : elle pourrait faire plus, mais personne n’a fait mieux. D’ici l’été, elle aura fourni à l’Afrique 450 millions de doses de vaccins. Lors du sommet, un budget de 425 millions d’euros a été décidé pour soutenir la vaccination en Afrique. La Commission investira notamment dans le projet de l’OMS de fabrication de vaccins sur place. Les Africains n’ont pas obtenu la levée des brevets, mais les discussions se poursuivent sur cette question. Au sommet, on a aussi discuté de la réallocation à l’Afrique d’une partie des 650 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS) émis par le FMI pour contrer la crise sanitaire. La France a proposé de les affecter à des économies démunies, notamment en Afrique, mais le dossier est complexe. Enfin, la déclaration finale du sommet annonce un plan de développement de 150 milliards d’euros – même si ses contours exacts restent à définir.
Et Emmanuel Macron dans tout ça ?
Il tenait beaucoup à ce sommet, car les relations entre la France et l’Afrique sont cruciales pour des raisons historiques, stratégiques et économiques. La Présidence du Conseil est l’occasion de réorienter, un tant soit peu, les relations internationales de l’Union – alors qu’une large partie des États membres s’intéressent peu à l’Afrique. C’est une opération réussie.
Emmanuel Macron s’est aussi illustré en évitant un second « sofagate ». L’an passé, en visite officielle en Turquie, Ursula von der Leyen avait dû s’asseoir sur un sofa, tandis que Charles Michel accaparait l’unique fauteuil disponible. Le manque de courtoisie de celui-ci avait été sévèrement critiqué. À l’ouverture du sommet EU-Afrique, les représentants de l’Union ont accueilli leurs invités : Ursula von der Leyen pour la Commission, Charles Michel pour le Conseil européen et Emmanuel Macron pour la PFUE. Le représentant de l’Ouganda a ignoré la Présidente de la Commission pour saluer directement Charles Michel. Comme à Ankara, il n’a pas réagi. C’est Emmanuel Macron qui a signalé à Sam Kutesa, le ministre ougandais, la présence d'Ursula von der Leyen. C’est sans doute anecdotique, mais c’est cette séquence du sommet que les réseaux sociaux ont retenue.
Olivier Costa au micro de Laurence Aubron
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