Comme chaque semaine, nous retrouvons Joséphine Staron, directrice des études et des relations internationales chez Think Tank Synopia, le laboratoire des gouvernances.
La Présidence française de l’Union européenne qui entre dans sa quatrième semaine d’exercice va brasser de nombreux sujets pendant les six prochains mois. L’un d’entre eux est bien sûr l’environnement à travers deux enjeux : le dérèglement climatique et la transition énergétique.
Depuis l’arrivée d’Ursula Von der Leyen en 2019, les questions environnementales sont devenues le cheval de bataille de la Commission européenne ?
Depuis l’arrivée d’Ursula Von der Leyen en 2019, les questions environnementales sont devenues le cheval de bataille de la Commission européenne ?
Oui, la majorité des règlements et des actions européennes sont désormais conditionnés à des objectifs de « verdissement » - un nouveau mot pour désigner toutes les politiques qui contribuent à une économie plus responsable d’un point de vue environnemental. Avec le Plan Fit for 55 qui est la traduction opérationnelle du Green Deal ou Pacte Vert pour l’Europe, l’objectif est clair : aboutir à la neutralité climatique d’ici 2050.
Alors bien sûr, la crise sanitaire a mis du plomb dans l’aile au Green Deal puisqu’elle a freiné les négociations et les avancées législatives. Mais la Commission n’a rien lâché pour autant puisqu’elle a fait du Plan de relance européen un des outils principaux du Green Deal. En clair, en échange des financements européens prévus par le Plan de relance, les États s’engagent à consacrer au minimum 37 % des dépenses à des objectifs environnementaux.
Comment la France, pendant sa présidence, va contribuer à cet objectif ?
Et bien parce que si l’Europe est déjà championne en termes de lutte contre le réchauffement climatique et que ses standards sont déjà très élevés, ses partenaires commerciaux en revanche, notamment la Chine et les États-Unis, sont encore loin de satisfaire nos critères en matière de responsabilité environnementale. Donc le risque et bien c’est que, pour ne pas se priver de partenariats commerciaux stratégiques, les standards imposés par l’Europe restent relativement bas en comparaison avec nos ambitions et ce qu’on fait déjà.
Alors pour que toutes ces initiatives soient des succès et que l’Europe accroisse sa capacité d’influence en termes d’exigences environnementales, elle doit avant tout miser sur l’attractivité de son marché économique qui constitue sa plus grande force : l’UE figure toujours parmi les principales puissances commerciales au monde avec plus de 20 % de la richesse produite mondialement.
En renforçant encore notre marché intérieur, nous renforcerons en même temps notre capacité à imposer aux autres nos standards s’ils veulent continuer à commercer avec nous. C’est donc pour l’Europe à la fois un enjeu d’influence et un enjeu de protection. La protection, et bien c’est la raison d’être première de l’Union européenne.
Est-ce que c’est un des objectifs de la PFUE ?
Oui puisqu’on peut lire dans le programme de la PFUE que la France a pris acte d’un tournant vers une Europe plus protectrice et donc – attention ce mot peut faire peur ! – d’une forme de protectionnisme économique européen. Contre toute attente, ce tournant a été amorcé par la Commission européenne d’Ursula Von Der Leyen, et il s’est vu confirmé par la crise sanitaire qui a accéléré une prise de conscience des Européens : cette prise de conscience, c’est que les toutes les autres grandes puissances se protègent de plus en plus et pratiquent un protectionnisme économique qui nous dessert, nous Européens puisque nous continuons d’appliquer consciencieusement les règles de l’OMC, mais force est de constater que nous sommes a peu près les seuls !
Alors j’en suis persuadée, l’Europe est capable de développer une forme de protectionnisme qui ne soit pas synonyme de fermeture et de repli sur soi. C’est ce nouvel équilibre que recherche la Commission à travers le Plan de relance et que la Présidence française, on l’espère, va contribuer à encourager.
Photo geralt via Pixabay
Joséphine Staron au micro de Laurence Aubron