Comme chaque semaine, nous retrouvons Olivier Costa, directeur au département d'études politiques et de gouvernance européenne au Collège d'Europe pour sa carte blanche sur la Présidence française de l'Union européenne.
On dit que la France n’exerce pas la présidence de l’Union européenne, mais uniquement celle du Conseil de l’Union.
Oui, l’appellation « PFUE » est trompeuse : la France préside uniquement le Conseil de l’Union européenne, et pas toute l’Union. Il y a 4 institutions principales dans l’Union. Le Conseil européen est un peu le chef d’État collectif de l’Union, composé des chefs d’État ou de gouvernement des 27 ; il est présidé par Charles Michel. La Commission, est une sorte de gouvernement européen ; elle est présidée par Ursula von der Leyen. Le Parlement européen est la chambre basse, équivalent de l’Assemblée nationale ; elle est présidée par Roberta Metsola. Le Conseil de l’Union est composé des ministres des 27 États membres, qui changent selon le sujet de la réunion : agriculture, environnement, recherche… Il est présidé, à tour de rôle pour six mois, par un État membre. La France, ce semestre-ci.
De quel type d’organe s’agit-il ? Est-ce un organe exécutif ou législatif ?
C’est un peu les deux … Quand il s’agit d’adopter une norme européenne ou le budget, ou d’approuver un accord international, le Conseil fonctionne comme une chambre haute, l’équivalent du Sénat aux États-Unis. La Commission élabore un texte, et il est discuté, amendé et approuvé conjointement par le Parlement européen et le Conseil. C’est le même système que dans les États fédéraux, où il y a toujours une chambre basse, qui représente les citoyens, et une chambre haute, qui représente les États. Les deux doivent s’entendre pour adopter la loi. Le Conseil est donc une sorte de Sénat de l’Union.
Mais, et c’est là que ça se complique, le Conseil de l’Union a aussi des fonctions exécutives, par exemple en matière de politique étrangère et de sécurité. C’est lui qui met en œuvre les grandes orientations définies par le Conseil européen. Et le Conseil est aussi un lieu de débat entre les 27, qui peuvent y évoquer toutes sortes de sujets, qui entrent ou non dans les compétences de l’Union, sans qu’il y ait de texte en discussion. C’est aussi l’endroit où ils coordonnent leurs politiques, notamment économiques. Ca reste donc un organe hybride…
Donc, la France anime uniquement les réunions des ministres ?
Elle anime toutes les réunions des ministres, à l’exception de celles des ministres des affaires étrangères, qui sont présidées par le Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell. Elle anime aussi beaucoup d’autres réunions, car les ministres n’interviennent qu’à la fin d’un long processus de négociation.
Quand il s’agit, par exemple, d’adopter un texte, il est d’abord discuté au sein d’un « groupe de travail » spécialisé (il y en a 150 différents), où des fonctionnaires qui représentent les 27 États amorcent la négociation. Une fois que le terrain est déblayé, c’est le Comité des Représentants permanents (appelé le « COREPER » dans le jargon européen) qui se saisit du dossier. Comme son nom l’indique, il est composé des « Représentants permanents » des États membres, qui sont les ambassadeurs des États auprès de l’Union. Les ministres n’interviennent que dans un troisième temps, pour finaliser la négociation.
L’État qui exerce la présidence du Conseil préside tous ces organes, et y conduit les négociations. Il doit veiller à construire les majorités nécessaires, à proposer des compromis et des amendements, à convaincre les différents représentants des États. La présidence est aussi chargée de négocier, au nom du Conseil, avec les représentants du Parlement européen et de la Commission.
Le travail de la présidence française se déploie donc à différents niveaux, de celui des experts à celui des ministres, au fil de centaines de réunions souvent très techniques.
Olivier Costa au micro de Cécile Dauguet