Aujourd’hui, Quentin Dickinson, on ne vous avait pourtant rien fait, mais vous insistez pour nous infliger un cours d’économie
Oui, car comme tous les Français qui n’ont aucun diplôme dans ce domaine, je me sens parfaitement qualifié pour en causer. D’ailleurs, qu’est-ce que c’est qu’un économiste ? C’est quelqu’un (le plus souvent un monsieur blanc de plus de cinquante ans, mais n’en déduisez rien, s’il vous plaît) qui est intarissable, dès lors qu’il s’agit de vous convaincre que si vous pensez qu’il s’est trompé dans ses prévisions, c’est comme pour les sondeurs, c’est parce que vous n’avez pas bien compris ce qu’il avait dit.
Alors, ne nous laissons pas abuser, l’économie, pour un État, comme pour chacun d’entre nous, ça n’a que deux règles : 1. On ne doit pas dépenser l’argent que l’on n’a pas, et 2. Emprunter, c’est mal.
Et donc ?
On entend plusieurs fois par jour les politiques et les experts autopatentés brandir l’épouvantail de la récession économique, cette fatalité qui risque de tout emporter sur son passage.
Or, quand on y regarde de près, la définition de la récession reste somme toute moins apocalyptique qu’on voudrait nous le faire accroire : il s’agit simplement pour un pays d’enregistrer un taux de croissance négatif pendant deux trimestres consécutifs.
A cette aune, les États-Unis, techniquement, sont déjà en récession ; or, l’indicateur qui mesure à la fois la dynamique d’une économie développée et la confiance des ménages, c’est l’immobilier – et, Outre-Atlantique, celui-ci s’est rarement aussi bien porté, alors même que le taux hypothécaire a triplé, de 2% à 6% en l’espace de quelques mois...
Est-ce à dire que les motifs d’inquiétude ont tous disparu ?
Non, certainement pas. Depuis une dizaine d’années, les États comme les individus ont joyeusement emprunté à tout-va, vu que l’argent ne coûtait rien. Et l’injection massive d’argent public dans l’économie a retardé d’autant la nécessaire correction boursière.
Autre facteur préoccupant : la mauvaise santé de l’économie chinoise. Cette nation d’épargnants pâtit de la cherté de l’immobilier et du peu de rendement des actions, ce qui pénalise la classe moyenne, qui seule porte l’industrie comme le commerce. Et les très strictes mesures anti-Covid perturbent considérablement l’économie.
Alors, à quoi, selon vous, faut-il s’attendre ?
On approche donc d’une phase de vérité, où l’on devrait assister à un recadrage des marchés, qui retrouveront au moins en partie leur vocation initiale, qui est de soutenir l’économie réelle, et non l’inverse.
On verra sans doute aussi s’estomper la mondialisation sans frein ni limite, au profit de circuits d’approvisionnement plus courts et de la diversification des importations, afin d’éviter toute surdépendance.
Alors, c’est clair, la gestation de tout cela se fera dans la douleur, et incontestablement, l’année 2023 sera pénible, surtout pour les particuliers.
Cependant, les efforts à consentir seront par nature limités dans la durée, et l’on n’imagine pas que la récession – qui sera, en réalité, une forme de purge des scories qui contribuent à dérailler les circuits financiers – on n’imagine pas qu’elle puisse durer dix ans.
On peut donc raisonnablement penser que la mauvaise passe de l’année prochaine pourra être contenue en Europe par un effort substantiel de soutien aux quelque 15 à 20% de la population les moins favorisés, c’est-à-dire les plus exposés au renchérissement du panier de la ménagère.
Vous êtes par conséquent optimiste, mais prudemment ?
Et je ne suis pas seul à l’être ! Vous n’allez pas me croire, LA, mais à peine avais-je fini de rédiger cet édito’, que je tombe sur un article très savant d’un professeur des universités, certes belge mais quand même ancien Vice-président de la Bourse de NEW-YORK, et que dit-il, ce Georges UGEUX ? Tout simplement que "la récession n’est pas une catastrophe"
Et si, comme des millions de Français et d’Européens, j’étais économiste sans le savoir ?...CQFD.
Entretien réalisé par Laurence Aubron