Cette semaine, QD, vous vous demandez combien de temps la guerre en Ukraine peut encore durer, c’est bien cela ?...
Je vous l’accorde, cette interrogation n’a rien de vraiment original, vu que c’est celle que tout le monde se pose, à commencer par les principaux protagonistes russes et ukrainiens.
Évidemment, la guerre est avant tout une affaire militaire, dont on ne voit aujourd’hui aucune issue immédiate – d’ailleurs, même le Président ukrainien Zelensky n’hésite pas à affirmer que les affrontements armés pourraient encore « durer des années ». Et, compte tenu des colossales fournitures en armes que ses forces reçoivent des Occidentaux et d’un retrait russe qui serait politiquement fatal pour Vladimir Poutine, cette prédiction n’a rien de fantaisiste.
Mais la guerre est aussi une lutte permanente, acharnée, où tous les coups sont bons, pour convaincre l’opinion publique en Europe et en Amérique du Nord.
Ainsi, les Russes ont-ils une vieille habitude de la manipulation des esprits dans les pays de l’OTAN ; on se souvient des incessantes manifestations pour la paix au Viêt-Nam, qui finirent par conduire les États-Unis à se replier sans gloire de ce pays, abandonné aux Viêts-Congs, affidés de Moscou. Plus récemment, la même méthode (qui avait fait ses preuves) a connu un début de mise en œuvre en Europe, quelque peu freinée cependant par François Mitterrand, qui faisait observer que les manifestants étaient à l’ouest, alors que les missiles étaient à l’est.
Autre époque, mêmes recettes, alors ?...
Oui, on peut le constater : en Europe, ces jours-ci, des réseaux sociaux charrient en continu la propagande russe, et de nombreux élus et quelques médias en sont les dociles porte-voix. On peut donc se demander combien de temps sera nécessaire pour que le doute finisse par s’instaurer dans la tête d’une section significative de la population, par exemple en période préélectorale, ce qui ne manquerait pas d’infléchir la parole publique des candidats et de leurs partis. On note toutefois que dans ce domaine-là aussi, les Ukrainiens savent se montrer efficaces.
Mais il y a plus préoccupant encore : ce sont les limites de l’acceptation par les citoyens européens des inconvénients qu’ils commencent déjà à subir du fait de la guerre en Ukraine, qu’il s’agisse de l’augmentation du prix du gaz, du carburant, voire du pain, qu’il s’agisse des délais de livraison ou du choix de marchandises – bref, tout ce qui pèse sur leur pouvoir d’achat et leur confort (y compris fonction d’éléments qui n’ont rien à voir avec l’Ukraine, mais à qui l’ont en attribuera très injustement la responsabilité). Les prévisions de la Banque mondiale pour 2022 ne rassureront personne non plus : elle vient, il y a quelques heures, de prédire un recul de plus de 4 % de la production économique en Europe, dans le contexte d’un risque de récession mondiale.
Et vous pensez que d’autres facteurs pourraient venir noircir davantage le tableau ?...
Oui : c’est pénible à constater, mais la capacité à l’émotion, à l’indignation, à la compassion de nos concitoyens partout en Europe a ses limites, dans un monde où une actualité abominable vient avec régularité en chasser une autre. Le génocide au Rwanda, le sort des Tamouls au Sri-Lanka, celui des Karènes en Birmanie, ou, plus près de nous, le massacre de Srebrenica ont ému les Européens, qui sont ensuite passés à autre chose.
Voilà donc autant d’éléments susceptibles d’éroder, avec le temps, le soutien – aujourd’hui quasi-général – des Occidentaux à la cause ukrainienne, et par conséquent, à la durée de la guerre.