L'Europe vue de Bruges

UE-Afrique : Un nouveau chapitre du partenariat grâce au Global Gateway

Commission européenne UE-Afrique : Un nouveau chapitre du partenariat grâce au Global Gateway
Commission européenne

Hatim El Otmani est étudiant en études politiques et de gouvernance européennes au Collège d’Europe à Bruges. Il est diplômé d’un Master en droit de l’environnement et développement durable et une licence en économie à l’Université Mohammed V de Rabat. Il a travaillé comme chef de projet au Bureau National Erasmus+ au Maroc pendant 3 ans, et dans d’autres organisations internationales telles que Search For Common Ground et le Bureau des Nations unies pour les services d'appui aux projets. Il est également actif au niveau de la société civile ayant gagné le prix de l’ONU – UN SDG Action Campaign - comme meilleur mobilisateur pour les Objectifs du Développement durable en 2018 et a mené un plaidoyer réussi au Maroc pour la signature et la ratification de la charte africaine de la jeunesse en 2021.



L’Afrique et l’Union européenne entretiennent un partenariat solide et historique qui a connu plusieurs changements au fil du temps. Pouvez-vous nous guider un peu sur ce partenariat et son évolution ?

En effet, l'Union européenne et l'Afrique entretiennent des relations et des partenariats historiques, passant d’une relation coloniale, qui était asymétrique et inégalitaire, vers une relation de partenariat. Le premier accord liant la Communauté européenne et l’Afrique remonte au Traité de Rome qui a établi une association entre les États membres et les territoires sous leur colonisation, et la convention de Yaoundé entre 1963 et 1969, avec la phase de la décolonisation, tout en gardant les mêmes objectifs qu’auparavant qui étaient autour de l’échange commercial et l’aide.

Avec le premier élargissement en 1970, les pays africains membres du Commonwealth et d’autres colonies britanniques ont négociés un nouveau cadre de partenariat qui est connu sous le nom de la Convention de Lomé, signée en 1975 et expiré en 2000, entre la communauté économique européenne et la région ACP regroupant les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique afin de renforcer l’échange commercial avec l’accès des biens et produits de la région ACP en Europe sans barrières tarifaires à l’exception des produits couverts par la politique d’agriculture commune.

Donc, ce sont les pays africains qui ont pris l’initiative de revoir l’ancienne convention ?

Exactement. Mais cette convention a reçu plusieurs critiques, notamment par la Commission européenne en 1996, qui a appelé à mettre fin à la phase post-coloniale et à réfléchir à une convention plus adaptée aux aspirations de la région et également aux nouveaux défis, d’où l’adoption de la convention de Cotonou en 2000 et qui a été signée en 2005.

Et qu’est-ce qui est différent avec cette nouvelle convention ?

En effet, cette convention a mis l’accent sur le dialogue politique et économique, le renforcement de la coopération au niveau de la sécurité, la bonne gouvernance et la migration, avant de l’étendre dans le domaine de protection de l’environnement et le changement.

Entre-temps, plusieurs changements ont eu lieu tels que le renforcement de l'agence de l'Union africaine, avec la réadmission du Maroc au sein de l'Union africaine en janvier 2017, la présence accrue d’autres acteurs mondiaux en Afrique tels que la Chine avec son initiative « La Ceinture et la Route » (‘Belt and Road Initiative’, en anglais) lancée en 2013, mais également l’ambition de l’UE d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Tenant compte de ces changements géopolitiques, l’UE a lancé une nouvelle stratégie axée sur l’investissement vert, qui est le Global Gateway.

Qu’est-ce que ce Global Gateway ?

Alors, le Global Gateway est une stratégie qui a pour but de stimuler l'investissement en infrastructure, la digitalisation, mais aussi le capital humain, cela à travers la promotion de la croissance verte, la création d'emplois et le soutien à la transition verte. En Afrique, le paquet d’investissement ‘Global Gateway’ s’élève à 150 milliards d’euros et l’UE a déjà commencé la concrétisation de cette stratégie avec ses partenaires en Afrique : une convention sur l’investissement en hydrogène vert a été signée avec la Namibie en marge de la COP27.

Il s'avère que le Global Gateway n’est pas qu'un simple instrument financier, mais également un instrument géopolitique, n’est-ce pas ?

Effectivement. Le Global Gateway est un instrument géopolitique également, qui vise à renforcer l'influence de l'UE sur la scène internationale et à contrebalancer la présence croissante des acteurs globaux tels que la Chine. L’avantage du Global Gateway est l’idée de mettre en place un nouveau cadre de partenariat avec l'Afrique, dépassant la relation traditionnelle donateur-bénéficiaire au profit d'un partenariat vert gagnant-gagnant.

Quel est l'impact de ce Global Gateway sur le long terme pour le partenariat Union Européenne - Afrique ?

Je pense qu’il est un peu tôt pour évaluer le Global Gateway, vu que c’est une stratégie assez récente. Néanmoins, si sa mise en œuvre est efficace, elle peut constituer une opportunité de transformation réelle pour l'Union européenne et l'Afrique.

Pour ce faire, l'UE doit faciliter le transfert de technologies vertes et d'expertise, mais également faire face à d'autres problèmes de nature endogène, tels que la cohésion entre les différentes institutions et en particulier la rapidité de la prise de décision, et je pense que l'Union européenne et les États membres sont conscients de ce défi bureaucratique qui entrave l’adaptabilité de l’UE et l’empêche de répondre de manière efficace aux changements mondiaux via l’adoption de l'approche "team Europe", avec laquelle l’UE vise à produire un impact plus important et de meilleure qualité en mettant en place une coopération européenne conjointe, coordonnée et plus efficace, en termes de politique de développement.

Entretien réalisé par Laurence Aubron.