Lucas Blanc est étudiant en POL au Collège d’Europe, diplômé de la Sorbonne en histoire et de Sciences Po Paris en affaires européennes. Il est sensible aux sujets fédéralistes européens et aux questions liées au changement climatique.
Vous allez aujourd’hui nous parler du défi que représente la transition écologique de nos voitures.
En effet, les voitures et vans représentaient en 2021 1/6e des émissions de CO2 de l’UE. Cette source d’émission majeure est en théorie facile à décarboner, puisque le secteur est fondé sur l’utilisation d’une seule énergie fossile, le pétrole, il suffirait d’en sortir pour verdir le transport routier.
Qu’a fait l’UE pour ça ?
Un règlement européen a été adopté en 2019 et établit des objectifs de réduction d’émission de CO2 par année pour les constructeurs automobiles. Le but était d’augmenter progressivement la part de véhicules neutres en émissions carbones dans le parc automobile européen, afin d’atteindre le net zéro émissions de CO2 en 2050, prévu par le Green Deal. Dans ce nouveau système, un constructeur comme Volkswagen devait en 2030 avoir atteint une réduction de 37,5 % des émissions de CO2 pour ses voitures neuves par rapport à l’objectif de 2021.
Les avancées permises par ce texte sont-elles suffisantes pour atteindre les objectifs du Green Deal ?
Pas réellement, c’est pour cette raison que la Commission a fait des propositions pour modifier ce texte avec le paquet « Fit for 55 ». À l’automne dernier, le trilogue est arrivé à un accord sur une date d’interdiction de la vente de véhicules thermiques neufs dans l’Union européenne en 2035. Étant donné qu’au bout de 15 ans la moitié des véhicules dans l’UE sont mis à la casse et que cela monte à la quasi-totalité des véhicules après 20 ans, l’interdiction en 2035 permet à l’Union de faire un pas de plus vers le net zéro émission carbone en 2050. À cette date, la majorité des véhicules devrait donc être électrique.
Mais ces véhicules sont-ils vraiment écologiques ? Après tout ils sont fabriqués pour grande partie en Asie en émettant énormément de CO2.
Il y a beaucoup de fantasmes autour de l’empreinte carbone, c’est-à-dire, les émissions produites pour la fabrication d’un véhicule électrique. Il est vrai que cette empreinte carbone n’est pas nulle, et que simplement passer à l’électrique ne résoudra pas le changement climatique, mais c’est un pas dans la bonne direction. Cette durée varie en fonction de la provenance de l’électricité qui sert à recharger votre véhicule électrique. Evidemment, si celle-ci provient d’une centrale au fioul, on ne fait que déplacer le problème, mais si l’électricité vient d’énergies renouvelables ou de centrales nucléaires, elle est alors quasiment nulle en termes d’émissions de CO2.
Au vu de notre dépendance aux énergies fossiles, et en particulier au gaz, révélée par la guerre en Ukraine, sommes-nous donc encore loin de verdir le transport routier ?
Vous avez raison, le mix énergétique dans l’UE, bien qu’il varie en fonction des pays, repose encore énormément sur les énergies fossiles. Et on ne peut imaginer de transport routier zéro carbone sans un accroissement des sources de productions d’électricité décarbonées. Il faut donc une approche plus large du problème. C’est l’idée derrière le Green Deal européen, avancer dans tous les domaines pour qu’aucun ne bloque un autre dans sa transition au zéro émissions nettes. C’est dans ce cadre qu’a été adoptée la taxonomie verte de l’Union européenne qui prévoit de soutenir les investissements dans les énergies renouvelables dans l’Union. Cependant, le gaz naturel a été inclus comme « énergie de transition » dans cette taxonomie verte, freinant ainsi les efforts pour verdir la production d’électricité en Europe, et donc celle du transport routier.
Ce n’est pas le seul problème, la question du respect des normes environnementales lors de la conception des batteries ainsi que la provenance des matériaux est centrale pour assurer une empreinte carbone aussi basse que possible des véhicules électriques. En effet, celles-ci sont en majorité construites en Asie et les matériaux proviennent de pays aux normes environnementales et sociales désastreuses comme la République Démocratique du Congo. Un règlement révisé de l’UE sur les batteries vient d’être adopté en décembre dernier pour compléter l’arsenal législatif et assurer le verdissement du transport routier en Europe.
La dernière question est celle de la stratégie industrielle qu’adoptera l’UE. Alors que l’industrie automobile est l’une des dernières présentes sur le sol européen et représente 2.6 millions d’emplois directs, il est essentiel de s’assurer que le passage à l’électrique ne se fera pas au détriment des entreprises et emplois européens en délocalisant la production hors de l’UE. Ce risque est d’autant plus important que le marché est pour le moment dominé par les géants asiatiques du secteur et que les États-Unis pourraient accaparer les créations d’emplois du secteur avec l’Inflation Reduction Act qui vient d’être voté. Certains États membres appellent déjà la Commission à soutenir l’industrie européenne.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.