Chaque semaine, la série de podcasts "L'Europe vue de Bruges" propose un éclairage original sur l’actualité européenne, vue depuis Bruges. Par Filomena Ratto.
Dans son « Rapport sur la mise en œuvre et l'application de la politique commerciale de l’Union » de décembre 2023, la Commission européenne souligne que dans le contexte commercial mondial très complexe d’aujourd’hui, les chiffres montrant l’augmentation des volumes d’échanges entre l’UE et ses partenaires commerciaux sont remarquables...
Dans la préface du rapport, le vice-président de la Commission, Valdis Dombrovskis, met en exergue les résultats obtenus dans la mise en œuvre des accords, en précisant qu’« aujourd'hui plus que jamais, il est nécessaire de travailler ensemble à tous les niveaux pour gérer les relations commerciales et d’investissement de l’UE avec une série de partenaires dans un environnement économique et géopolitique de plus en plus difficile ».
Pourquoi les accords commerciaux de l’Union sont-ils décisifs ?
Ils concernent les questions essentielles de la sécurité économique et de la réduction des risques. D’une part, ils contribuent à accroître la résilience de ses exportations face aux chocs géopolitiques et, d’autre part, du côté des importations, ils consolident les chaînes d’approvisionnement et diversifient les sources. Cela réduit la dépendance globale de l’Union à l’égard des Pays tiers, en particulier dans les domaines des matières premières essentielles et des produits énergétiques.
Comment les choses ont-elle évolué durant les derniers mois de la Commission von der Leyen ?
Après plus de cinq ans de négociations intensives, l’UE et l’Australie ont décidé, le 29 octobre 2023, de suspendre les discussions sur un accord commercial bilatéral, le « Free Trade Agreement ».
Le naufrage du « Free Trade Agreement » est un signal d’alarme pour la crédibilité de l’UE en tant qu’acteur global, de plus sur le terrain de confrontation où elle peut déployer ses meilleures armes pour s’affirmer et faire valoir ses valeurs.
Mais l’UE s’est également rapprochée des pays d’Amérique latine…
Oui, et c’est devenu l’une des priorités de la politique étrangère européenne. Pour les Européens, l’Amérique latine est cruciale pour garantir l’accès aux matériaux critiques nécessaires à la transition écologique.
Les négociations entre l’UE et le bloc commercial Mercosur (composé du Brésil, de l’Argentine, de l’Uruguay et du Paraguay) ont débuté en 2000 et se sont achevées avec succès en 2019.
Cet accord n’a toutefois jamais été ratifié. Il s’est notamment bloqué après que l’Union a exigé des garanties supplémentaires, principalement sur la déforestation de l’Amazonie et l’engagement du Brésil à prendre des mesures contre le changement climatique.
Et ce revers est un défi, pour la politique étrangère de l’UE...
Tout à fait, car en Amérique latine, l’UE est fortement concurrencée. Les États-Unis tentent de regagner le terrain perdu, tandis que la Chine, forte de sa position de premier partenaire commercial de nombreux Pays de la région, cherche à conclure un accord de libre-échange avec l’Uruguay, qui lui servirait de tremplin vers le Mercosur.
Pour l’Union, en particulier, ce serait une occasion manquée de renforcer son influence dans cette région stratégique.
La conclusion de l’accord avec le Chili est, par exemple, considérable. Le Chili est la cinquième économie d’Amérique latine et le troisième partenaire commercial de l’UE dans la région. Dans le même temps, l’UE est le deuxième marché d’exportation de marchandises du Chili.
Outre son contenu purement économique et commercial, l’accord réaffirme également des valeurs communes, accompagnées d’engagements substantiels et de dispositions spécifiques, dans les domaines des droits de l’homme, du commerce durable et de l’égalité des genres.
Le Chili devient ainsi le premier Pays de la région à conclure un accord de nouvelle génération avec l’UE, outil avec lequel l’Union parvient à partager des valeurs et des règles ainsi que la promotion et la réglementation des intérêts commerciaux. Il s’agit là d’un exemple clair de la force du « Brussels effect », c’est-à-dire de la capacité de l’UE à façonner l’ordre international à son image.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.