Chaque mercredi sur euradio, Patricia Solini nous partage sa passion pour la culture contemporaine sous toutes ses formes. Théâtre, danse, littérature, peinture... À consommer sans modération !
Vous êtes allée faire un tour des galeries nantaises, ce samedi, racontez-nous ?
Trois visites dans trois lieux de natures différentes, l’Atelier, géré par le service culturel de la Ville de Nantes depuis 2008, Paradise, un centre d’art contemporain privé créé en 2013 et les Ateliers de Bitche créé en 2008, lieu associatif autogéré.
Trois lieux, trois ambiances mais la même passion de l’art guide leurs animateurs.
« Celui qui prenait sa tête pour un chapeau », c’est le titre de l’exposition de l’Atelier, expliquez-nous.
Cetteexposition « Celui qui prenait sa tête pour un chapeau » fait une espèce d’état des lieux non exhaustif du dessin sous toutes ses formes et ses techniques, crayons, peintures, collages, vidéo et même sculptures. Si le titre fait écho aux écrits du neurologue Olivier Sacks : « L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau » pour raconter les affections les plus bizarres de ses patients comme celle de cet homme qui savait reconnaître la forme simple d’un chapeau, mais pas celle de son propre visage, j’ai personnellement pensé au délicieux Petit Prince de Saint-Exupéry, dont le tout premier dessin semble représenter un chapeau mais en fait dit le petit Prince « il représentait un serpent boa qui digérait un éléphant. J’ai alors dessiné l’intérieur du serpent boa afin que les grandes personnes puissent comprendre. Elles ont toujours besoin d’explications »
Je ne vous donnerai pas d’explications sur les œuvres d’Anne Brégeaut, Frédéric Mallette et Eric Gouret mais sachez qu’on s’y promène entre dessins oniriques, surréalistes, psychanalytiques, architecturaux, floraux mais aussi politiques ou de nature enfantine, encadrés ou muraux. Chacun des artistes déplie son univers et nous emporte au-delà des réalités dans des espaces où toutes les combinatoires sont possibles, où tout est dessin comme le dit le médiateur Billy, lui-même dessinateur. Un mur collectif très riche proposé par Stéphanie Airaud, commissaire d’exposition et conservatrice du patrimoine, rassemble des photos et des œuvres des trois artistes réagissant à ses propres propositions d’images.
Bref une exposition de grande qualité et à savourer tranquillement, tant pour la qualité de l’accrochage que la beauté des œuvres.
À Paradise, il ne s’agissait pas d’exposition mais de performance ?
Un grand artiste, Joël Hubaut, grossiste en art comme il se définit, de la Rabbit generation : du mixage epidemik au lapin semiotik, vous l’avez compris, cet artiste fait un pas de côté depuis les années 70 et ne fait pas partie du main stream, c’est-à-dire des artistes adoubés par le marché de l’art et les grands collectionneurs. Son site web est d’ailleurs passionnant à dérouler.
Bref Joël Hubaut c’est un sacré morceau et il nous a offert un 33 tours physique tournant dans une boucle sans fin, autour d’une galette en bois noir, posée au sol, découpée de dessins et des mots « Records of the Paradise », dans une lumière rouge portant une petite enceinte sur le sommet du crâne et « borborygmant » dans un micro, accumulant les couches de sons amplifiés, accompagné des Miaou de l’auditoire. On assistait à un rituel extatique, hommage au son, à la musique, à quel dieu de l’art ?, jusqu’au bout de sa fatigue. Une artiste a évoqué une cérémonie des Indiens Hopis à laquelle elle avait assisté en Arizona. Et voilà avec deux bouts de ficelle et une sono, notre artiste nous emportait ailleurs dans des sphères qui nous dépassaient. Comme un Indien Hopi ou comme un prêtre vaudou ou comme un grand artiste.
Enfin les Ateliers de Bitche vernissaient une exposition avec de la poésie. Une autre ambiance donc ?
Des poupées à l’inquiétante étrangeté, dessinées XXL aux crayons et à la peinture fluorescente, tapissaient les murs noirs du local d’exposition. D’autres peintes sur des tapis s’affalaient comme privées de vie sur des chaises, rassemblées autour d’un foyer fait de guirlandes lumineuses. Marie Laure Dupont, nous invitait dans son exposition intitulée Black Light, fort réussie, tandis qu’un duo composé d’un joueur de didgeridoo, cet instrument de musique à vent en bois australien accompagnait les textes magnifiquement incarnés par leur auteur, le poète Olivier Bardoul. Semaphore X, c’est le nom du duo sublimait ce moment entre chien et loup, entre lumière noire et nuit blanche.
Cela se passe à Nantes et c’est gratuit :
« Celui qui prenait sa tête pour un chapeau ». À l’Atelier, 1 rue Chateaubriand, du mardi au samedi de 13h à 19h et le dimanche de 11h à 13h30 et de 14h30 à 18h. Fermé le lundi et les jours fériés.
« Records of the Paradise », pour fêter les 10 ans d’existence de cette maison- résidence d’artistes créée par deux artistes et deux architectes, 6 rue Sanlecque, à venir Graham Dunning & Sam Underwood : Performance samedi 3 juin et Antonin Gerson : Performance vendredi 23 juin à 19h.
Enfin précipitez-vous aux Ateliers de Bitche, 3 rue de Bitche, le finissage, c’est ce vendredi 18 mai à partir de 18h avec des performances et encore de la poésie. Mais jusqu’à dimanche 21 mai, vous pouvez voir l’exposition Black Light, accueillis par l’artiste elle-même de 15h à 20h.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.