Aux portes de l'UE

Suspension de l’aide américaine : quel impact sur les pays candidats à l’UE ?

© USAID - Flickr Suspension de l’aide américaine : quel impact sur les pays candidats à l’UE ?
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Chaque semaine, Lyudmyla Tautiyeva nous propose un aperçu de ce qu'il se passe aux frontières de l'Union européenne, traitant de sujets divers tels que la gouvernance, l’entreprenariat, ou encore l'innovation.

Depuis deux semaines, Donald Trump est au pouvoir aux États-Unis. Il a clairement affirmé son intention de revoir tous les programmes d’aide au développement financés par l’État américain afin de s’assurer qu’ils correspondent aux objectifs stratégiques du pays. Que pensez-vous de cette décision ?

America First est au cœur du remaniement en cours aux États-Unis, dans le souci de rendre l’administration publique plus efficace mais aussi de réduire les dépenses. Elon Musk a été chargé par Trump d’accomplir cette mission, en tant que chef du département de l’efficacité gouvernementale.

À la suite de la décision de Trump de suspendre tout programme d’aide pendant 90 jours pour les réévaluer, Musk a annoncé lundi dernier le démantèlement total de L’Agence Américaine pour le Développement (USAID), qui est selon lui dirigé par « une bande de fous extrémistes ».

L’USAID menait ses activités dans plus de 120 pays, et a dépensé près de 30 milliards de dollars en 2024, en finançant des projets qui allaient de la construction d’écoles dans des régions appauvries, à des réformes gouvernementales dans les pays en transition, ou encore des projets pour l’environnement.

L’Ukraine, la Moldavie et, jusqu’à récemment, la Géorgie bénéficiaient également de l’aide américaine via l’USAID. Quel impact pourrait avoir la révision de ces programmes sur ces pays ?

En Ukraine, à travers l’USAID, les États-Unis ont fourni un soutien budgétaire de plus de 30 milliards de dollars, qui ont permis le fonctionnement du gouvernement et des services d’État depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022. Plus encore, l’USAID a apporté une assistance aux infrastructures énergétiques ukrainiennes qui souffrent des bombardements russes. Le programme de 190 millions de dollars pour 5 ans a été lancé en 2024, et près de 200 millions de dollars en 2023 ont été dédiés aux projets de renforcement démocratique et de gouvernance en Ukraine (y compris en soutient aux réformes anti-corruption, d’indépendance des médias et de la société civile).

En Moldavie, l’aide des États-Unis était conséquente dans le domaine de l’énergie : 300 millions de dollars avaient été annoncés en 2023 pour aider la Moldavie à résoudre sa grave crise énergétique, ou encore le programme de l’assistance aux réformes institutionnelles lancé en 2022 avec un budget de 35 millions de dollars.

Avec la possible réduction des fonds américains et les besoins toujours importants dans des pays comme l’Ukraine et la Moldavie, l’Europe pourrait-elle compenser ce manque de financement ?

Les possibilités des pays européens sont beaucoup plus modestes que celles des États-Unis, ne serait-ce que de par la taille de leurs économies. Par exemple, l’Agence Française de Développement (AFD), avait des financements mobilisables à hauteur de 25 milliards d’euros en 2023, qui ont été majoritairement investis en Afrique, avec une récente augmentation de sa présence en Europe de l’Est, notamment en Ukraine.

L’Agence Suédoise de Coopération pour le Développement (SIDA) est un investisseur majeur dans les pays de l’Est, mais elle ne suffit pas à couvrir les besoins en Ukraine par exemple, avec les 122 millions d’euros investis en 2023, face à plusieurs milliards côté américain.

La réduction de l’aide américaine envers l’Ukraine et la Moldavie signifie donc la réduction des capacités des gouvernement à faire face aux défis économiques et sociaux majeurs, à l’heure où leurs propres budgets sont très limités à cause de la guerre et des problèmes structuraux. Leurs besoins ne vont pas diminuer, alors que les possibilités de financement chuteront, et l’Europe ne semble pas être en mesure de combler ce manque.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.