Albrecht Sonntag, professeur à l’EU-Asia Institute de l’ESSCA Ecole de Management et membre d’Alliance Europa.
Albrecht Sonntag est professeur à l'EU-Asia Institute. Docteur en sociologie, il travaille sur les dimensions multiples du processus d’intégration européenne. Albrecht est également membre de l'Alliance Europa, consortium universitaire interdisciplinaire en Pays de la Loire.
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Quelques liens :
- Pour suivre Albrecht sur Twitter : @albrechtsonntag
- La page facebook de l’EU-Asia Institute : https://www.facebook.com/Eu.Asia.Institute/
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L’édito d’Albrecht Sonntag, de l’ESSCA Ecole de Management. La semaine dernière,
Albrecht a critiqué le flou conceptuel qui entoure le mot «Euroscepticisme ». Aujourd’hui, il
nous parle de « tribus européens ». Visiblement, Albrecht, les catégorisations, cela vous
travaille !
Je le reconnais ! En politique, les catégorisations, ce sont des raccourcis pratique qui
permettent de voir plus clair, mais comme nous avons vu la semaine dernière en
décortiquant la notion d’« eurosceptique », ce sont des terminologies par définition
instables dans le temps, utilisées en fonction des agendas idéologiques, et à terme assez
problématiques.
A une époque où beaucoup de classifications habituelles et de labels politiques bien établis
sont en pleine mutation – pensez simplement à la bonne vieille dichotomie gauche-droite
qui est en train de se faire « bulldozer » devant nos yeux – il convient de différencier.
Et c’est ce qu’a essayé de faire le Chatham House, think-tank géopolitique de renom basé
au Royaume-Uni, en introduisant le concept de « tribus européennes ».
Nous faisons donc partie de « tribus » – à l’insu de notre plein gré ! Quelles sont-elles ?
Combien y en a-t-il au juste ? Et comment les chercheurs de Chatham House ont procédé
pour les établir ?
Il est vrai que la dénomination de « tribu » fait sourire, mais c’est un travail tout à fait
sérieux. Le point de départ est que les catégories binaires du genre « pro-Européens »
contre « Eurosceptiques » sont parfaitement insuffisantes pour refléter les nuances des
attitudes envers l’intégration européenne. Là-dessus, on peut déjà être d’accord.
Ensuite, sans idées préconçues, les chercheurs ont créé une enquête relativement simple
composée de huit questions clés au sujet de la perception de l’Union européenne actuelle,
et ils ont administré le questionnaire à un échantillon de 10 000 citoyens de dix Etats-
membres européens. Et c’est à partir de l’analyse des données recueillies qu’ils ont, à
l’aide du procédé statistique savant de «l’analyse des classes latentes», fini par dégager
six « tribus » différentes.
Ils les ont affublées d’étiquettes parlantes, je vous les donne en ordre de taille :
- Un bon tiers de nos concitoyens sont des « Européens hésitants » (« Hesitant
Europeans »), plutôt indifférents à la politique en général, plutôt négatifs sur la
question de l’immigration, et assez dubitatifs envers une organisation supra-
nationale quand il s’agit de trouver des solutions à leurs problèmes quotidiens.
Plutôt féminins, d’ailleurs. Cette tribu a besoin d’être persuadée que l’Union sert à
quelque chose.
- 23 pour cent d’entre nous sont des « Européens satisfaits » (« Contented
Europeans »). Leur description se lit comme le prototype des membres d’En
Marche ! Des « sociaux-libéraux », avec un nombre disproportionné d’étudiants ou
de jeunes cadres. Pour eux, l’Europe rime d’abord avec opportunité.
- En revanche, 14 pour cent des Européens sont des « EU rejecters », joliment traduit
par « Réfractaires à l’Union », ce qui est tout de même plus précis que
« Eurosceptiques », vous en conviendrez. Souverainistes, plutôt nationalistes, anti-
immigration, en colère contre la politique en général. Surtout des hommes
d’ailleurs, d’âge moyen.
- Il y a trois tribus qui regroupent moins de 10 pour cent d’entre nous. Ce sont les
« pro-Européens déçus » (« Frustrated Pro-Europeans »), des personnes bien
ancrées à gauche et attristées par le manque de solidarité européenne ; ou encore
les « Rebelles contre l’austérité » (« Austerity Rebels »), écœurés notamment par la
manière dont l’Europe a répondu à la crise économique, et très présents dans les
pays du Sud ; et enfin, la plus petite tribu, avec 8 pour cent, les « Fédéralistes »,
pour qui la finalité de l’intégration européenne est toujours les « Etats-Unis
d’Europe » avec tout ce que cela implique.
Et alors – à quoi cela sert ? Quelles sont les implications d’une telle classification ?
Eh bien, elle a déjà le mérite de casser des catégories à tendance binaire. Et elle rend
compte du fait que les deux tribus extrêmes, les « réfractaires » et les « fédéralistes »
exercent en fait une influence disproportionnée, très polarisante, sur le débat public. Elle
démontre, enfin, que la tribu la plus large est en même temps la plus indécise.
« Hésitante », comme son nom l’indique. On comprend aussi que l’appartenance à telle ou
telle tribu n’est pas gravée dans le marbre, mais plutôt fluctuante, et que la nationalité
d’un individu n’est pas une variable explicative.
Dans l’ensemble, c’est une contribution plutôt pertinente au débat de la part du Chatham
House. D’ailleurs, ils ont mis en ligne un petit test interactif où vous pouvez, en quelques
clics, apprendre dans quelle tribu vous vous situez.
Et vous-même alors ? De quelle tribu êtes-vous ?
Eh bien, je me voyais bien dans les pro-Européens un peu déçus, mais le verdict après le
questionnaire a été sans appel : il paraît que je suis un fédéraliste, presque « malgré
moi » ! Comme quoi… En tout cas, je vous mets le lien vers le petit test en ligne sur le site
d’Euradio, rubrique « éditos ». Vous pouvez même choisir la langue dans laquelle vous
souhaitez répondre !
Lien vers le test : https://tribes.chathamhouse.org/fr/
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