Comme toutes les semaines, nous retrouvons Albrecht Sonntag, professeur à l’ESSCA Ecole de Management, à Angers.
Ce weekend, vous regarderez sûrement la finale de la Ligue des Champions, non ?
Au risque de vous surprendre, c’est peu probable. Pourtant, j’en ai écrit des choses sur la Ligue des Champions et son ancêtre, la Coupe d’Europe des clubs champions. Mais là, le cœur n’y est plus.
Ah bon, mais qu’est-ce qu’il vous arrive ?
Il m’arrive que malgré un demi-siècle de passion pour le football, je suis moyennement intéressé par cette finale opposant deux clubs anglais dont les propriétaires – un richissime oligarque russe qui a trouvé refuge à Londres, et un richissime cheikh du Golfe respectivement – ont investi plus d’un milliard d’Euros chacun sur la dernière décennie. Deux clubs qui, il y a quelques semaines seulement, faisaient partie des fondateurs de la fameuse SuperLeague, avant de se rétracter piteusement en demandant pardon à leurs supporters.
Ce sont deux clubs qui sont représentatifs pour un football professionnel européen qui se montre incapable de mettre en question son modèle économique. Qui n’a pas su ni voulu saisir la crise sanitaire pour réfléchir collectivement à un avenir plus durable dans tous les sens du terme. Qui est en train de perdre ce qui lui reste de son âme.
Quelle liste de doléances ! Cela sent la fin d’une histoire d’amour…
Rassurez-vous, Laurence, l’amour pour le jeu est intact. J’ai même une bonne nouvelle pour vous et tous ceux qui partagent mes sentiments mitigés, car j’ai eu la chance de retrouver l’âme du football européen !
Et où l’avez-vous trouvé ?
Partout où m’a mené, ces deux dernières années, un projet transnational sur la contribution du football amateur à l’inclusion des réfugiés dans leur société d’accueil.
Entre Glasgow et Bucarest, Louvain et Varsovie, Madrid et Mayence, j’ai rencontré des hommes et des femmes, bénévoles dans des clubs de quartier, de banlieue ou de campagne, qui ont lancé des initiatives à l’intention de ces populations vulnérables tassées dans des centres d’hébergement en attendant que l’administration statue sur leur demande de protection.
C’est bien au ras des pâquerettes, aux « grassroots » comme on dit si bien en anglais, que les valeurs du football ont leurs racines. Et pour les individus déracinés qui participent à un petit tournoi, à un entraînement régulier, à la vie du club, c’est un grand bol de liberté, d’égalité et surtout de fraternité. Franchement, sans vouloir tomber dans le pathétique, l’engagement de cette communauté transnational du football, ça vous touche au cœur.
Et en quoi consistait exactement votre projet ?
Notre consortium, coordonné par le think-tank Sport et Citoyenneté, et composé de fédérations nationales de football, d’ONG, et de l’ESSCA Ecole de Management, a dans un premier temps dressé un inventaire des besoins de ces bénévoles du football amateur.
Puis, à l’intention de tous ceux qui se tâtent, qui aimeraient bien lancer un projet de foot pour des réfugiés, des demandeurs d’asile ou d’autres groupes vulnérables, mais qui se demandent comment s’y prendre concrètement, nous avons élaboré un MOOC complet.
Tout un cours en ligne, avec de nombreuses vidéos – à la fois explications d’experts et témoignages de bénévoles – et une variété d’exercices d’application. C’est un MOOC qui permet de mieux comprendre la population des réfugiés, d’anticiper et de surmonter des difficultés de communication, d’acquérir des compétences en management de projets, et de solliciter des partenaires potentiels. C’est désormais en ligne, c’est gratuit – grâce au soutien du programme ERASMUS+ – et si vous avez envie, vous pouvez m’admirer dans un « teaser » de deux minutes (1) qui vous explique tout cela en détail.
Je n’y manquerai pas ! Je présume que c’est en anglais ?
Effectivement, pour l’instant, mais d’autres versions verront le jour au fur et à mesure.D’ailleurs, jeudi prochain, dans la matinée du 3 juin, nous organisons notre conférence de clôture du projet. Inscription libre – je vous mets le lien sur le site ! Cette année, ce sera ça, ma finale de la Ligue des Champions.
Laurence Aubron - Albrecht Sonntag
(1) FIRE MOOC - Teaser