Comme tous les jeudis, nous retrouvons, juste avant le journal de 18h00, l’édito d’Albrecht Sonntag, de l’ESSCA Ecole de Management, à Angers.
Albrecht, connaissant votre intérêt pour le football, je ne serais pas surpris que vous consacriez votre édito d’aujourd’hui à l’actualité politique de ce phénomène culturel. Du racisme infect dans les tribunes de Sofia jusqu’aux hommages guerriers des joueurs turcs sur la pelouse du stade de France en soutien à l’armée de leur pays – elle a été riche et pas très réjouissante, l’actualité du foot des derniers jours.
Ce n’est pas faux. On pourrait même ajouter la peur de la ligue espagnole de voir dégénérer le « clasico » – la rencontre au sommet entre le FC Barcelone et le Real Madrid prévu pour le samedi 26 octobre – en gigantesque manifestation d’indépendance transmise en direct sur les écrans du monde entier, assortis de heurts violents dans et autour du stade.
Mais j’ai envie de prendre cette actualité du « grand » football à contre-pied et d’attirer votre attention à une facette du football européen autrement plus positive, constructive, et inclusive. Car les deux dernières semaines d’octobre, c’est traditionnellement les « #footballpeople weeks » !
Les quoi ?
Les « #footballpeople weeks » ! Deux semaines d’actions et d’initiatives chaque octobre, dans tous les coins d’Europe, loin des grands stades du football professionnel, mises en œuvre par ce qu’on appelle le « grassroots football », c’est-à-dire le « football de base » ou le « football pour tous », celui des petits clubs de banlieue ou de province, du milieu associatif, de la société civile au plus noble sens du terme.
C’est ouvert à tous. Il suffisait d’avoir une idée pour un événement quelconque lié au rôle du football dans l’intégration sociale – un tournoi d’équipes mixtes, une conférence-débat, une rencontre avec des réfugiés, une journée de sensibilisation aux stéréotypes et à l’exclusion verbale des minorités, ou tout autre action éducative qui utilise la magie du football pour faire bouger les choses – puis de soumettre une candidature assez simple avant début août.
Une fois sélectionné, on reçoit une subvention au budget – généralement dans les 500 Euros, parfois même plus en fonction de l’événement – et un soutien logistique – les inévitables T-shirts et gadgets, mais aussi un petit manuel d’organisation. Et puis on s’y colle, en mobilisant le plus de monde possible autour de chez soi.
Allez voir sur Twitter, Facebook, YouTube or Instagram – je vous mets les liens sur le site d’Euradio – vous y trouverez une célébration joyeuse de la diversité, une affirmation de l’inclusion et de la tolérance, un combat souriant contre les thèses discriminatoires.
Cette année, ce sont encore des centaines et des centaines d’actions qui toucheront plus de 150 000 personnes, dans un total de 60 pays désormais.
Franchement, si vous êtes déprimé à cause de l’actualité, regardez les photos des #footballpeople weeks et je vous garantis que cela vous fera tomber raide amoureux de notre bonne vieille Europe à nouveau.
Eh bien, cela nous fera le plus grand bien. Et j’avoue que je suis impressionné. Mais qui est derrière cette immense action ?
C’est le réseau FARE – « Football Against Racism in Europe » – F-A-R-E – qui en a eu l’idée. C’est un réseau européen né il y a une vingtaine d’années, qui réunit des organisations de supporters, des ONG engagées dans la lutte contre le racisme et la discrimination, et aussi quelques clubs amateurs individuels. Aujourd’hui, FARE représente plus de 150 organisations membres dans 40 pays européens. Le réseau est devenu un interlocuteur incontournable pour les grandes instances de la gouvernance du football, que soit la FIFA ou l’UEFA. C’est cette dernière d’ailleurs qui en est aussi l’un des plus grands bailleurs de fonds, tout comme l’Union européenne d’ailleurs, à travers des projets ERASMUS+ par exemple.
Cela a l’air d’être une grosse machine – mais en fait, le bureau de FARE, c’est une toute petite équipe. Je les ai vus à l’œuvre, ils ne comptent pas leurs heures.
La semaine dernière, j’ai exprimé mes doutes sur l’évocation insistante du « peuple » par ceux qui l’entendent toujours au singulier. Cette semaine, je vous renvoie vers un petit peuple bien réel, celui du football. Il est inclusif, transnational, et définitivement au pluriel.