Le bloc-notes d’Albrecht Sonntag

L'édito d'Albrecht Sonntag · Une élection parfaitement secondaire

L'édito d'Albrecht Sonntag · Une élection parfaitement secondaire
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Albrecht Sonntag, professeur à l’EU-Asia Institute de l’ESSCA Ecole de Management et membre d’Alliance Europa.

Albrecht Sonntag est professeur à l'EU-Asia Institute. Docteur en sociologie, il travaille sur les dimensions multiples du processus d’intégration européenne. Albrecht est également membre de l'Alliance Europa, consortium universitaire interdisciplinaire en Pays de la Loire.
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Quelques liens :

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L’édito d’Albrecht Sonntag. Après trois mois d’absence, Albrecht est de retour avec un édito sur une élection qu’il appelle « parfaitement périphérique ». Bonjour à tous. Je suis ravi de vous retrouver et je n’en reviens pas que vous m’ayez gardé bien au chaud mon petit créneau le jeudi matin ! Oui, j’ai envie de vous parler d’une élection qui a eu lieu la semaine dernière, et dont personne n’a parlé parce qu’elle s’est déroulée à la fois dans un domaine très périphérique et dans un pays à la périphérie de l’Europe. Le domaine, c’est le football, et le pays, c’est la Roumanie. Il s’agit en fait de l’élection à la présidence de la fédération roumaine de football, la FRF. Il est vrai que c’est assez à la marge de nos préoccupations habituelles. Dites-nous donc en quoi cette élection doit nous intéresser. Car vous avez une idée en tête, non ? Bien entendu. L’intérêt que revêt la réélection, à une large majorité, du président Razvan Burleanu est qu’elle est symptomatique pour l’état d’esprit dans le pays. C’est aussi une histoire qui rend optimiste sur l’avenir de l’Europe orientale à un moment où les inquiétudes semblent dominer. Enfin, c’est une illustration de que des programmes d’ouverture comme ERASMUS peuvent apporter concrètement. A sa première élection à la présidence de la fédération roumaine, il y a quatre ans, Razvan Burleanu n’avait que 29 ans. Il fallait oser s’attaquer aux réseaux en place, pour lesquels l’adjectif « mafieux » est bien le plus approprié. L’un de ses concurrents les plus en vue a été écroué à quelques jours du scrutin pour fraude fiscale et blanchiment d’argent. Cela vous donne une idée de l’état dans lequel se trouvait le football dans le pays. Razvan Burleanu a eu le culot de se présenter, et il a soumis aux 230 clubs de football qui votent pour leur président de fédération, un plan stratégique qui représentait une rupture totale avec le passé, tant dans son professionnalisme que dans sa transparence et son intégrité. Je lui ai demandé quelles étaient ses motivations pour se frotter à des gens en place parfois plus que douteux, et sa réponse était très simple : « C’est à nous, à notre génération, de comprendre qu’il faut nettoyer notre société. Nous avons besoin d’un nouveau leadership, non seulement dans la politique, mais aussi dans les entreprises et les organisations de la société civile, un leadership qui ne pense pas d’abord à ses propres avantages, mais qui est basé sur une motivation intrinsèque de changer les choses pour le mieux. » Pour lui, la Roumanie a même le potentiel de devenir un « pays modèle pour la lutte contre la corruption ». Bien entendu, le football, comme je l’ai souvent écrit, ne résout pas les problèmes de la société, mais il peut être une formidable illustration de ce qui est possible. Et il possède le potentiel d’avoir des répercussions sur d’autres sphères de la société. Quand il parle de « sa génération », à quoi fait-il référence ? Eh bien, la génération de Razvan Burleanu est la génération née dans les années 1980, ces jeunes gens qui ont eu la chance énorme que leurs années d’études tombent sur l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne. Tout d’un coup, tout était possible. Lui-même en a drôlement profité. Déjà diplôme en sciences politiques et administration publique de l’Université de Bucarest, il a étudié par la suite au Collège d’Europe à Bruges. Alors, a-t-il réussi à faire bouger les choses ? Absolument. Sur le plan économique, il a réussi, avec son équipe toute neuve, à assainir les finances de la fédération. Il a su attirer des entreprises partenaires qui avaient eu de bonnes raisons de prendre leurs distances avec le football, comme la Banque postale roumaine ou T-Mobile, Penny Market et même Mercedes-Benz. Et l’argent ainsi recueilli ne disparaît pas dans des canaux louches, mais est investi dans des projets concrets : création de deux académies de football, soutien aux équipes de jeunes, initiatives pour la ré-introduction du football dans le sport scolaire ou développement du football loisir pour tout le monde. Il va chercher de bonnes idées dans d’autres « petits pays », comme le Danemark et les Pays-Bas, où il organise des stages et des hospitations. Il s’assure le soutien actif de fondations politiques comme la Konrad-Adenauer-Stiftung pour proposer des formations de management professionnel et durable aux responsables des clubs dans le pays entier. Il met en place des séminaires pour combattre le racisme et la discrimination à la base. Et ça marche ! Sinon, il n’aurait pas été réélu massivement il y a tout juste une semaine, malgré la contre-attaque souvent diffamatoire des anciens dirigeants en soif de revanche. L’histoire de Razvan Burleanu est une histoire parfaitement périphérique. Il y a sûrement des thèmes plus importants dans l’actualité européenne. Mais elle me paraît emblématique pour les effets à long terme de ce qu’on appelle le « capacity building » par des opportunités de formations et d’échanges universitaires, justement pour des ressortissants de pays périphériques. Une bonne étude de cas aussi pour ce qu’on peut nommer le « empowerment » d’une société civile qui change un pays du bas vers le haut. Et elle est pressée, cette société civile ! « Il y a tant à faire », me dit Razvan, « nous ne pouvons nous permettre de perdre davantage de temps ! » J’ai envie de lui dire : Bon courage, et bien du succès ! Qu’il sache qu’il a un fan en France !
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