Comme toutes les semaines, nous retrouvons Albrecht Sonntag, professeur à l’ESSCA Ecole de Management, à Angers.
Cette semaine, Albrecht Sonntag menace la directrice d'euradio Laurence Aubron d'un test en direct à l'antenne....
J'espère que je serai à la hauteur. Il consiste en quoi, votre test ?
Un genre de « questions pour une championne ». Pour une journaliste à l’ouverture internationale comme vous, cela ne devrait pas être trop difficile. Voici les règles du jeu : je décris une situation et vous me dites de quel pays je parle. Prête ?
Ai-je seulement le choix ? Allons-y…
1ère question : Je suis un Etat de 9 millions d’habitants, dirigé par un dictateur à l’ancienne depuis 27 ans, mais secoué par une énorme vague de protestations depuis des élections présidentielles d’août 2020 qui, comme d’habitude, étaient frauduleuses à souhait et qui, comme d’habitude, s’étaient soldées par un score de 80% du vote en faveur du maître des lieux.
C’est facile, c’est la Biélorussie, nous en avons parlé encore récemment dans nos programmes.
Bien ! 2ème question : Je suis l’un des pays avec les plus grosses réserves de pétrole de la planète, mais en faillite économique et en proie à une inflation galopante depuis des années déjà. Sur mes 28 millions d’habitants, plus de 5 millions – un sur six ! – ont quitté le pays pour fuir cette misère. Rien n’y fait : ni le désespoir populaire, ni les sanctions internationales, ni même l’auto-proclamation d’un contre-président « par intérim », le régime autoritaire et pseudo-socialiste reste en place.
Pas très difficile non plus, il s’agit du Venezuela. C’est également un dossier que nous avons suivi sur euradio.
On continue. 3ème question : Je suis un petit Etat d’environ 7 millions d’habitants, situé dans une zone compliquée sur le plan géopolitique et tourmenté par une crise autant monétaire que morale qui n’en finit plus. Sans gouvernement depuis l’été dernier, chassé par une population exaspérée, l’Etat et ses élites semblent pourtant comme paralysés, incapables de se réformer ou renouveler, malgré les revendications populaires et les pressions de l’extérieur.
C’est bon, cela doit être Le Liban. Quel gâchis. Nous y avons consacré une heure de notre émission « Fréquence citoyenne » en janvier dernier.
4ème question. Je suis un Etat aussi peuplé que la France, mais autrement plus compliqué sur le plan ethnique, qui a subi un putsch militaire suite à des élections récentes favorables à un renforcement du régime démocratique. Depuis, les manifestations virulentes mais pacifiques d’une grande partie de la population ont poussé les militaires vers une répression des plus sanglantes qui a déjà fait des centaines de victimes.
Vous parlez de la tragédie birmane que nous regardons de loin, indignés mais impuissants.
Je m’arrête là alors. Mais j’aurais pu continuer. On aurait pu évoquer la Thaïlande, le Tchad, l’Ouganda, l’Algérie, la Tunisie, le Hong Kong, l’Iran, et bien sûr toujours et encore la Syrie, et j’en passe. Les Talibans attendent déjà leur tour, après l’annonce du retrait américain. Le tour du monde de la répression autoritaire, il est sans fin. L’avez-vous remarqué ? En l’espace de deux minutes, et en seulement quatre questions, je vous ai baladée sur quatre continents différents.
Vous avez raison, Laurence, en Europe, notre indignation n’a d’égale que notre impuissance. Les condamnations n’ont qu’une valeur symbolique, les sanctions économiques ciblées ne semblent guère avoir d’impact.
Jouons un peu à la cérémonie des Oscars : dans la catégorie « résolution de conflits entre dictatures autoritaires et aspirations à une vie dans la dignité », ont été nommés la diplomatie, le multilatéralisme, la négociation, et la puissance de l’idée des droits de l’homme. And the winner is … la répression brutale !
Le grand moment du « Wind of change » (1) de 1989/1990 nous avait fait miroiter que la démise pacifique de régimes non-respectueux des droits de l’homme était dans la logique de l’histoire. En Europe de l’Est, ou en Afrique du Sud, avec un espoir de propagation ultérieure. Trente ans plus tard, le XXIème siècle nous réveille assez douloureusement de nos rêves.
Que peut faire l’Europe ? C’est l’une des grandes questions qui nous occupera pendant les années à venir. Pas grand-chose pour l’instant. Si ce n’est que miser sur les autres candidats nommés aux « Oscars » des relations internationales : la diplomatie patiente, le multilatéralisme laborieux, la négociation têtue, la puissance des idées. Sait-on jamais s’ils ne gagneront pas un jour.
(1) Scorpions - Wind Of Change
Laurence Aubron - Albrecht Sonntag
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Image par Gerd Altmann de Pixabay