L'Europe et le monde

À Belém, l’Europe défend son leadership climatique

Photo de Nico Roicke sur Unsplash À Belém, l’Europe défend son leadership climatique
Photo de Nico Roicke sur Unsplash

L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde » sur euradio cherche à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.

La COP30 se déroule cette semaine à Belém, au Brésil. Que se joue-t-il concrètement pour l’Union européenne ?

Oui, Laurence, cette COP est un moment clé pour l’Europe. D’abord parce qu’elle y arrive avec un dossier brûlant : la taxe carbone aux frontières. C’est un mécanisme européen qui impose un prix du carbone aux produits importés, comme l’acier, le ciment ou l’aluminium. On paye pour pouvoir polluer. L’idée, c’est de ne pas pénaliser les entreprises européennes qui paient déjà pour leurs émissions de CO2.

L’Inde et la Chine ne doivent pas être ravis…

Exactement. Ces deux géants la voient comme une barrière commerciale déguisée. L’Inde estime qu’elle pourrait perdre jusqu’à 0,5 % de son PIB, et la Chine dénonce un système injuste. Pour eux, l’Europe outrepasse les principes de l’accord de Paris : les « responsabilités communes mais différenciées ». En clair, les pays du Nord, historiquement plus pollueurs, devraient en faire plus que ceux du Sud.

Laurence : Et du côté européen, on défend cette taxe comment ?

L’Europe dit qu’elle veut éviter les “fuites de carbone” — que ses industries polluantes ne délocalisent pas leur production vers des pays où les règles sont plus laxistes. Bruxelles présente le mécanisme comme un levier vertueux, pour pousser les autres à adopter des normes plus strictes. Mais cette mesure crispe les négociations à Belém. Certains pays veulent même l’inscrire à l’ordre du jour officiel pour la contester.



Donc, dès le début, l’Europe arrive avec un climat diplomatique tendu…

Oui, et en plus, elle doit défendre son ambition climatique interne. La semaine de dernière, après 20 heures de négociations, les 27 se sont enfin mis d’accord : ils visent une réduction des émissions de 90 %, par rapport au niveau de 1990, d’ici 2040. C’est un compromis difficile, obtenu dans la douleur entre les pays très ambitieux, comme la France et le Danemark, et ceux plus réticents, comme la Pologne, la République Tchèque ou la Hongrie.

Donc, malgré les divisions, l’Europe veut montrer l’exemple ?

Tout à fait. Elle veut prouver qu’elle reste la locomotive climatique du monde, surtout alors que les États-Unis, la Chine et l’Inde n’ont pas envoyé de délégations de haut niveau à Belém. L’Europe, elle, est là, avec la Commission, les États membres, et Ursula von der Leyen en première ligne. Elle promet de maintenir ses financements et de soutenir les pays du Sud à travers des investissements verts via le programme Global Gateway.



Mais sans les trois plus grands pollueurs, à quoi bon ces efforts ?

C’est tout le paradoxe. L’Union européenne ne représente que 6 % des émissions mondiales, contre près de 50 % pour la Chine, les États-Unis et l’Inde réunis. Et pourtant, c’est elle qui met le plus d’argent sur la table : plus de 42 milliards d’euros en 2024 pour le financement climatique international. À la COP30, elle se retrouve un peu seule à tenir la flamme de la diplomatie climatique.

Et comment le reste du monde perçoit cette position européenne ?

C’est mitigé. D’un côté, beaucoup saluent son engagement. De l’autre, certains dénoncent une « croisade verte » trop coûteuse. Des eurodéputés conservateurs affirment que ces politiques fragilisent l’industrie européenne et font le jeu de la Chine et de l’Inde. Mais les ONG rappellent que sans l’Europe, la lutte climatique perdrait sa colonne vertébrale.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.