Plongée dans les océans - Sakina Ayata

Un état des lieux des populations de poissons en Europe - Plongée dans les océans #30

Un état des lieux des populations de poissons en Europe - Plongée dans les océans #30

Nous retrouvons Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université pour sa chronique "Plongée dans les océans".

AUDIO A METTRE

Sakina, cette semaine vous allez nous parler de l'état des lieux des populations de poissons en Europe.

Oui, car l'IFREMER, L'Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer, et plusieurs de ses partenaires français et européens viennent de dresser un état des lieux des populations de poissons exploités en Europe pour l'année 2022. Le but est de déterminer comment se portent les populations de poissons qui sont pêchés en Europe pour vérifier l'impact des politiques de pêches et les adapter si besoin.

Alors, tout d'abord, la bonne nouvelle c'est que la surpêche diminue.

Oui, en effet ! Chaque année, la commission européenne demande au Conseil scientifique, technique et économique des pêches, le CSTEP, de faire un rapport sur l'état de santé des populations de poissons en Europe. Et cette année, dans la lignée de ce qui est observé en Atlantique depuis une vingtaine d'années, il semblerait que la surpêche diminue et que les poissons exploités sont plus abondants dans les eaux européennes. C'est donc en effet une bonne nouvelle. Ceci dit, il y a encore d'importants contrastes selon les régions.

C'est à dire ?

Et bien, par exemple, on a observé une augmentation continue des stocks de poissons exploités dans le Golfe de Gascogne, la Mer du Nord, la Mer Celtique, et la Mer de Norvège. Et dans ces régions, la pression engendrée par la pêche est stable ou diminue. Par contre, dans d'autres régions, comme la Mer Méditerranée occidentale ou centrale, ou encore la Mer Baltique, la pression due à la pêche demeure supérieure aux objectifs fixés. Et dans certaines régions, la pression de pêche continue à augmenter, comme la Mer Méditerranée occidentale.

Et donc, que peut-on dire sur les stocks de poissons exploités en Europe ?

Quelques chiffres pour vous donner une idée : en Atlantique, moins de 30 % des populations de poissons sont surexploitées, tandis que c'est le cas 86% des populations de poissons dans la partie européenne de la Méditerranée, ce qui représente 29 des 34 populations de poissons évaluées qui sont surexploitées. On est donc encore loin de l’objectif fixé par la Politique Commune de la Pêche qui vise à avoir 100 % des poissons pêchés issus de populations exploitées durablement en 2020…

En effet. Et on sait combien de poissons sont pêchés dans les eaux européennes ?

Selon le parlement européen et le rapport économique annuel de 2021 de l'Union Européenne sur la pêche, on récence en Europe près de 74.000 bateaux de pêches et environ 130.000 pêcheurs dans l'Union Européenne. Au total, plus de 4 millions de tonnes de poissons sont pêchés et ramenés à terre, ce qui représente plus de 6 milliards d'euros de recette ! Selon les chiffres de 2018, ceci représente en moyenne 19kg de poissons par européen et européenne.

Mais en plus de la surpêche, les populations de poissons sont également menacées par le changement climatique.

Oui, en effet. On sait qu'aujourd'hui l'océan est plus acide (de 0.1 unité pH) et plus chaud (d'environ 1°C) par rapport à l'époque préindustrielle, et que le réchauffement a pour conséquence un moins bon mélange des eaux, ce qui entraine une diminution de la biomasse planctonique, à la base des réseaux alimentaires, et une diminution des teneur en oxygène. On voit déjà que certaines espèces se reproduisent plus tôt à cause de ces modifications. Pour les petits pélagiques, comme l'anchois ou la sardine, ceci conduit à des adultes plus petits et plus maigres le long des côtes françaises. La taille de la sardine par exemple a diminué de 15 à 11 cm en moyenne, tandis que son poids a baissé de 30 à 10 grammes par individu, tandis que les poissons âgés de 2 ans semblent avoir disparus. Face à la hausse des températures, d'autres poissons se déplacent pour suivre des températures moins chaudes. Ainsi, on retrouve maintenant de maquereau et du merlu jusque dans les eaux Islandaises. On assiste à ce que l'on appelle la
“tropicalisation” des communautés de poissons. Et dans un article scientifique paru en 2021 dans la revue Nature Climate Change, les travaux d'un groupe international de chercheuses et de chercheurs suggèrent que, en réponse au changement climatique, la biomasse des animaux marins pourrait diminuer de 30 à 40 % dans certaines régions
de l'océan. Pour faire face à ces perturbations, ne serait-ce que partiellement, il est donc important d'avoir une gestion raisonnée de la pêche. C'est ce que l'on essaie de faire en Europe en adaptant nos pratiques de pêches pour les rendre plus durables.

Sakina Ayata au micro de Laurence Aubron

Tous les épisodes de "Plongée dans les océans" sont à retrouver ici