"Plongée dans les océans", la chronique hebdomadaire qui vous transporte dans la faune et flore marine présentée par Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université.
Sakina, lors d’une précédente chronique, vous nous avez présenté le travail de l’ipbes, la « Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la Biodiversité et les Services Écosystémiques », parfois aussi appelée le GIEC de la biodiversité. Que nous dit l’ipbes, sur l’état de santé des océans et sur la biodiversité marine ?
Et
bien, les écosystèmes marins ne sont pas épargnés par le déclin
mondial de la biodiversité. Dans son dernier rapport global sur la
biodiversité et les services écosystémiques, qui date de 2019,
l’ipbes indique que les
activités humaines ont un impact sur tous
les écosystèmes
marins, aussi bien depuis les côtes jusqu’aux eaux les plus
profondes des océans.
Ainsi, on pense qu’en 2014, seulement 3 %
des océans n’étaient pas impactés par les activités humaines...
Ces impacts se traduisent par exemple par des pollutions,
l’exploitation non durable des ressources, les pressions exercées
par la surpopulation côtière, mais également celles engendrées
par le changement climatique.
Et on peut quantifier l’impact des activités humaines sur la biodiversité marine ?
Oui.
On estime qu’un tiers des récifs de coraux, des requins et des
mammifères marins sont actuellement menacés. Alors que la pollution
marine par les plastiques a été multipliée par dix depuis 1980,
elle affecte au moins 267 espèces, dont 86 % des tortues marines, 44
% des oiseaux de mer et 43 % des mammifères marins. Le déclin
actuel de la biodiversité marine est en particulier très rapide
près des côtes.
L’ipbes
estime ainsi que la surface des prairies sous-marines
a diminué de plus de 10 % tous les dix ans entre 1970 et 2000, et
que la surface des récifs coralliens a été divisée par deux au
cours des 150 dernières années. Or, les écosystèmes côtiers font
partie des écosystèmes les plus productifs au monde et ils
apportent un nombre important de services écosystémiques aux
populations humaines.
Comme quoi par exemple ?
Et bien ces écosystèmes sont connus pour protéger les littoraux, ainsi que les personnes et les espèces qui y vivent, contre les tempêtes par exemple ou contre l’érosion due à la hausse du niveau des mers. Ils fournissent également de la nourriture aux populations humaines. Ce sont aussi souvent des zones touristiques qui ont des retombées économiques pour les populations qui y vivent. Malheureusement, le changement climatique et le maintien des scénarios de pêche habituels devraient aggraver l'état de la biodiversité marine.
Sakina, quel est l’impact de la pêche sur cette biodiversité ?
Aujourd’hui,
on estime que 33 % des stocks de poissons sont surexploités, tandis
que 60 % font l'objet d'une exploitation maximale durable et que 7%
seulement sont sous-exploités. Par ailleurs, plus de 55 % de de la
surface des océans fait l'objet d'une pêche industrielle.
D’ailleurs, au cours des 50 dernières années, il semblerait que
ce soit la pêche qui ait eu l’impact le plus important sur la
biodiversité et les habitats marins, en allant pêcher toujours plus
loin des côtes et toujours plus profondément dans la mer.
D’ailleurs, la pêche industrielle exploite 55% des océans du
monde, principalement dans l'Atlantique Nord-Est, le Pacifique
Nord-Ouest et les régions d'upwelling au large de l'Amérique du Sud
et de l'Afrique de l'Ouest. Or, cette pêche industrielle se
concentre dans les mains de quelques pays et entreprises. Pour vous
donner une idée, un poisson sur deux est pêché par la pêche
industrielle à grande échelle.
Sakina, j’imagine il existe aussi de la pêche illégale ?
Oui,
on pense que la pêche illégale, non déclarée ou non réglementée
représentait jusqu'à un tiers du total des prises déclarées à
l’échelle mondiale en 2011. C’est pourquoi en 2018, plus d’une
cinquantaine de pays ont signé un accord portant sur des mesures
pour empêcher, limiter, et éliminer la pêche illicite, non
déclarée et non réglementée.
Le but est de remédier à
l'épuisement des pêcheries marines, de réduire les prises
accessoires, et de diminuer les dommages causés aux fonds marins. En
parallèle, une approche écosystémique de la gestion de la pêche a
été mise en place, et le nombre d’aires marines protégées a
aussi augmenté. Des solutions existent, il faut maintenant les
mettre en place de manière coordonnée et efficace.