Aujourd'hui, nous retrouvons Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université, pour sa chronique "Plongée dans les Océans" sur euradio.
Aujourd'hui vous allez nous parler d'une motion votée par une société savante.
Oui, en effet. Du 21 au 25 novembre 2022, s'est tenue à Metz, dans l'Est de la France, une conférence internationale d’Écologie scientifique et d’Évolution regroupant près de 1000 scientifiques venant de 28 pays. Cette conférence avait pour thème « Écologie et Évolution, nouvelles perspectives et défis pour la Société » et elle était co-organisée par la Société Française d’Écologie et d’Évolution (la SFE2), la Société d’Écologie d'Allemagne, d’Autriche et de Suisse (la GfÖ), et la Fédération Européenne des Sociétés d’Ecologie (la EEF). Les travaux présentés par les scientifiques portaient donc sur la dynamique des écosystèmes et leurs réponses au changement global. Tous les écosystèmes étaient représentés, aussi bien marins, que d'eau douce, ou terrestres. Et cette conférence scientifique s'accompagnait d'un certain nombre d'événements à destination du grand public, comme une conférence de la climatologue Valérie Masson-Delmotte du GIEC (le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) ou encore des expositions croisant le regards d'artistes et de scientifiques.
Avant de continuer, pouvez-vous nous expliquer comment se déroule un congrès scientifique et pourquoi les scientifiques s'y rendent ?
Pour une conférence comme celle organisée par la Société Française d’Écologie et d’Évolution (la SFE2), un appel est ouvert environ 6 mois avant la conférence pour que les personnes qui souhaitent y présenter leurs travaux, comme les derniers résultats de leurs expériences, soumettre un résumé. Le comité d'organisation de la conférence est ensuite chargé de lire tous ces résumés et de sélectionner ceux qui seront les plus pertinents. C'est un sacré travail de lecture et de sélection, pour lequel le comité d'organisation, qui est composé de chercheuses, chercheurs, enseignantes-chercheuses, et enseignants-chercheurs, demande aussi de l'aide auprès de la communauté scientifique. Puis, une fois les présentations sélectionnées, soit pour une présentation orale, sous pour une présentation sous forme de poster, le comité d'organisation se charge d'organiser le programme de la conférence. Pour une conférence comme celle de la SFE2, il y a traditionnellement le matin des conférences plénières d'une quarantaine de minutes, données par des chercheuses et des chercheurs reconnu·es et invité·es par le comité d'organisation, puis il y a ensuite des sessions thématiques de par exemple 2 h pendant lesquels les participantes et les participants présenteront leurs travaux en une dizaine de minutes, suivies de quelques minutes de question par l'audience. Dans les grosses conférences, il y a plusieurs sessions parallèles, parfois même une dizaine, les participants choisissent donc les sessions auxquelles ils vont assister. Et en fin de journée, il y a traditionnellement les sessions posters, pendant lesquels les chercheuses et des chercheurs présentent leurs travaux sous la forme d'un poster et en engageant des discussions avec les personnes venues voir leurs posters. Et toutes ses présentations sont le plus souvent données en anglais, pour qu'un maximum de personnes puissent y participer. Parmi les travaux présentés à Metz, certains portaient sur les écosystèmes marins et les océans, mais d'autres portaient sur les sols, les forêts, les agro-écosystèmes, ou encore les lacs et les rivières.
Donc les scientifiques participent surtout à ces congrès ou conférences pour présenter leurs travaux et se renseigner sur les travaux de leurs collègues ?
Oui, exactement. En présentant ses travaux, ça permet d'avoir des retours de la communauté scientifique et de faire se connaître ainsi que de promouvoir ses travaux. Et assister aux présentations des collègues permet de savoir ce qu'ils font, quelles sont les dernières découvertes et les méthodes récentes. Et puis, rencontrer ses collègues permet aussi de nouer des liens et ainsi tisser des collaborations avec des personnes issues d'autres laboratoires en France et dans le monde. De telles conférences sont aussi l'occasion de voir ses collègues et de "réseauter", c'est-à-dire se construire un réseau, pour de futures collaborations ou encore, en particulier pour les jeunes chercheuses et jeunes chercheurs, pour trouver un contrat comme chercheuse post-doctorante ou chercheur post-doctorant.
Et donc, lors de ce congrès scientifique international organisé à Metz par la Société Française d'Écologie et d'évolution, une motion a été votée. De quoi s'agit-il ?
Et bien, il s'agit d'un texte, rédigé et approuvé par les différentes sociétés savantes qui ont co-organisé ce congrès, et qui vise à faire entendre leurs voix, et à travers elles, la voix des scientifiques qui étudient les écosystèmes.
Je vais vous lire ce texte :
"Les écologues et évolutionnistes, par leurs travaux et leur suivi de la littérature, sont informé·es et informent des causes et des conséquences de l’érosion toujours plus sévère du tissu vivant et des processus écologiques. Ils ont montré comment nos impacts sur ces processus affectent la viabilité de la planète pour les vivants non-humains et humains. Les mécanismes sous-jacents sont parfaitement connus : la dégradation des processus écologiques et des écosystèmes résulte des demandes sans cesse croissante en énergie et de ses conséquences sur le climat. Cette avidité en énergie est alimentée par les demandes d’une économie construite sur un modèle productiviste avec une injonction de croissance sans limite. Cependant l’étude des systèmes biologique nous a appris qu’une croissance infinie est tout simplement impossible sur une planète aux ressources finies. La situation actuelle (forte diminution de nombreuses espèces animales et végétales, jusqu’au risque d’extinction, dégradation des sols, des ressources en eaux, de ressources minérales ...) impose une mutation radicale du modèle économique en cours vers une économie au service du bien vivre (santé, logement, culture et relations sociales) et du respect des dynamiques de la vie sur Terre.
Les écologues, évolutionnistes rassemblé·es par ce congrès réitèrent l’urgente nécessité d’actions immédiates destinées à restaurer l’état du monde vivant et du climat planétaire. Ils et elles déplorent que les mesures politiques prises à ce jour n’esquissent pas les changements ou les mutations sociales et économiques que la situation exige alors que des solutions possibles existent et ont été proposées. En conséquence, nous demandons que soit initiées et développées les transformations radicales nécessaires vers une économie décarbonée sobre et vers la restauration de la biodiversité. Devant la somme de connaissances accumulées, l’ignorance ne peut plus être convoquée et l’action politique s’impose. La protection et la restauration des ressources naturelle n’est pas un luxe mais une nécessité incontournable pour l’avenir de l’humanité sur Terre."
Ce texte, rédigés par des scientifiques qui étudient les écosystèmes, leur évolution, et leurs changements face au changement global, qui regroupe le changement climatique et l'ensemble des perturbations générées par les activités humaines, souhaitent ainsi alerter le grand public. Il m'a dont paru important de vous en parler aujourd'hui et de porter cette voix.
Merci,
on espère que ce message sera entendu. Un message tout à fait à
propos alors que se
tient du 7 au 19 décembre la 15e
COP de la Convention sur la Diversité Biologique, qui a pour
ambition d’adopter un cadre mondial pour protéger la biodiversité.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.
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