"Plongée dans les océans", la chronique hebdomadaire sur euradio qui vous transporte dans la faune et flore marine présentée par Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université.
Sakina, aujourd’hui vous allez nous parler de l’extraction de sable marin
En effet, en septembre 2023, le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (le PNUE) a tiré la sonnette d’alarme pour alerter sur les problèmes causés par l’extraction massive de sable dans les océans à l'échelle de la planète.
De quelle quantité de sable parle-t-on ?
D'après les Nations Unies, on extrait 6 milliards de tonnes de sable et autres sédiments marins par an, soit un million de camions benne par jour ! Le sable est la deuxième ressource la plus utilisée après l’eau et 10% de ce sable provient des océans.
Et comment le Programme des Nations Unies pour l'Environnement a pu quantifier cette extraction massive ?
Il a mis en ligne une nouvelle plateforme de données qui suit et surveille les activités d'extraction de sédiments marins à l'échelle mondiale. Cette plateforme, appelée Marine Sand Watch, permet de surveiller l'extraction de sédiment marin en utilisant le système d'identification automatique des bateaux de dragage. On peut ainsi suivre, quasiment en temps réel, leurs positions et leurs caractéristiques et ainsi mesurer leur activité.
Que font ces bateaux au juste ?
Et bien ils sont équipés de dragues pour récolter les sédiments marins, en particulier le sable, mais aussi l'argile, le limon, ou les graviers qui sont présents au fond des océans et à proximité des côtes. Il existe deux types de dragues, les dragues mécaniques qui raclent le fond à la manière de grosses pelleteuses sous-marines, et les dragues hydrauliques qui sont plutôt des aspirateurs géants. On excave aussi régulièrement le sable des ports ou des canaux où ils sédimentent naturellement. On appelle ceci du dragage d'entretien.
A quoi serviront les sédiments récoltés ?
Principalement à la construction dans le secteur du BTP, puisqu’il faut du sable pour fabriquer du béton et ainsi construire des immeubles ou des routes. On utilise aussi les sédiments récoltés pour apporter du sable sur les plages victimes de l’érosion.
D'après les Nations Unies, quels sont les endroits du monde où il y a le plus d'activité de dragage ?
Et bien il s’agit de la mer du Nord, de l’Asie du Sud-Est et de la côte Est des États-Unis. Et les pays qui ont le plus de bateaux de dragage sont la Chine, les Pays-Bas, les États-Unis et la Belgique.
En quoi l’extraction massive de sable pose problème ?
On sait que les littoraux ont besoin de 10 à 16 milliards de tonnes de sédiments par an pour leur maintient face à l'érosion. Avec une extraction entre 4 à 8 milliards de tonnes de sables par an, on s'approche dangereusement du taux de reconstitution naturelle, qui est nécessaire aux écosystèmes côtiers pour maintenir leur structure et leur fonctionnement. D’ailleurs, là où le dragage est le plus intense, l'extraction dépasse déjà de très loin la quantité de sédiments apportés chaque année par les rivières.
Et quels sont les impacts de cette extraction massive de sable ?
Et bien il s'agit d'une pression supplémentaire sur les écosystèmes marins côtiers, qui sont déjà menacés par la hausse du niveau des mers et par des tempêtes de plus en plus fréquentes en raison du changement climatique.
L'extraction de sédiments modifie la turbidité de l'eau et la disponibilité en nutriments, ce qui peut affecter la productivité de ces écosystèmes. Les activités d’extraction causent aussi de la pollution sonore pour la faune marine, et qui s’ajoute aux autres sons produits par les activités humaines en mer. L'extraction de sable à proximité des côtes peut aussi conduire à la salinisation des aquifères, fragilisant encore plus la ressource en eau potable pour les populations humaines qui vivent sur le littoral. Enfin, l’extraction de sable peut impacter le développement du tourisme littoral.
Mais, il n'existe pas de lois pour réguler l'extraction de sable marin ?
Et bien les lois varient énormément selon les zones. Dans certains pays d'Asie du Sud-Est (comme la Thaïlande, la Malaisie, le Vietnam ou encore le Cambodge), l'exportation de sable marin est totalement interdite depuis 20 ans. D'autres pays en revanche n'ont aucune législation pour réguler ces activités, ni aucun programme de surveillance permettant de suivre ces activités de manière efficace, d’où l’intérêt de la plateforme Marine Sand Watch, puisqu’elle permet de suivre les activités des bateaux de dragage dans tous les océans du monde.
Selon les Nations Unies, il est plus que jamais nécessaire de stopper l’extraction de sable sur les plages et à proximité, mais aussi de définir des normes internationales pour encadrer l’extraction des sédiments des océans. Le sable marin doit maintenant être considéré comme une ressource stratégique, à la fois pour la construction, mais aussi pour la protection de l’environnement, et cette ressource n’est pas infinie.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.