Entendez-vous la Terre ?

JO 2030 : rayonnement international, mais à quel prix ?

Photo de Antonio Vivace sur Unsplash JO 2030 : rayonnement international, mais à quel prix ?
Photo de Antonio Vivace sur Unsplash

« Entendez-vous la Terre ? », c’est le nom que porte la chronique réalisée par Fanny Gelin, étudiante en master Affaires Européennes à Sciences Po Bordeaux, qui décode pour vous chaque jeudi l’actualité environnementale de l’Union européenne.

Alors Fanny, quels ont été les moments verts de la semaine ?

 La Terre se tourne vers l’avenir cette semaine et nous parle de la préparation des JO d’hiver de 2030 en France. Après le triomphe des JO de 2024 à Paris, la France veut à nouveau époustoufler le monde en organisant ses premiers Jeux d’hiver depuis ceux d’Albertville en 1992. Entre Savoie, Haute-Savoie, Nice et le Briançonnais, il va falloir en construire des infrastructures olympiques !

Il est vrai que le sport est connu pour être un important instrument de « soft power » et de rayonnement international. Mais j’imagine que cet avantage géopolitique a aussi d’autres facettes…

C’est exact. Ce projet est en réalité en décalage avec la réalité économique, sociale et environnementale que vivent bon nombre de Français actuellement. Ce qui semble le plus paradoxal, c’est le coût financier qu’il va engendrer, alors même que la France peine à se doter d’un budget. Pour rappel, la Cour des comptes a estimé le coût total des Jeux de Paris 2024 et des Jeux Paralympiques à environ 8 milliards d’euros d’argent public. Pour le moment, aucune estimation du coût des JO d’hiver 2030 n’a été réalisée mais le budget sera nécessairement conséquent. A cela s’ajoute l’absurdité environnementale de ce projet.

C’est-à-dire ? Pouvez-vous nous en dire plus ?

Cela dépend quelle perspective on adopte. Si on regarde uniquement la façade verdoyante que le Comité olympique tente de brosser, le projet pourrait sembler plutôt vertueux. Ce n’est pas moins de 27 engagements que le Comité d’organisation des Jeux, la Société de livraison des ouvrages olympiques et les partenaires sociaux ont signé pour faire des JO d’hiver « un modèle social et environnemental ». Problème : ces engagements restent non contraignants. D’autant que l’objectif affiché par les organisateurs de ces Jeux est d’en faire une rampe de lancement de la transition économique et énergétique de la montagne.

Et si on regarde au-delà de la façade ?

Eh bien, quand on creuse, on trouve. Selon le Monde, « le projet modifiera inévitablement la montagne puisqu’il nécessite la construction d’infrastructures d’accueil, l’élargissement de routes ainsi qu’un stockage massif d’eau pour disposer de neige artificielle ». Ainsi, Jérôme Graefe, avocat au barreau de Paris, chiffre l’empreinte carbone du projet à près 804 000 tonnes de CO2, soit l’équivalent de plus de 473 000 vols aller-retour Paris-New York ! Mais hormis les conséquences sur les milieux naturels, qui seront certainement endommagés voire détruits par ces constructions, les JO d’hiver pose sérieusement question en matière de démocratie environnementale.

Qu’est-ce qui pose problème exactement ?

Tout d’abord, les Jeux ne respectent pas le principe de participation du public en matière environnementale. Ce principe est à la fois inscrit dans la convention d’Aarhus de 1998, ratifiée par la France et l’Union européenne, mais aussi à l’article 7 de la Charte de l’environnement. Ce principe de participation est un droit et démocratique fondamental essentiel. Car cette participation est obligatoire dans le cas de la procédure d’évaluation environnementale qui précède l’autorisation d’un projet pouvant porter atteinte à l’environnement. Cela donne l’opportunité aux citoyens de s’exprimer sur le sujet. Est-ce que ces considérations sont réellement prises en compte ? C’est malheureusement loin d’être toujours le cas mais cela permet tout de même de tendre vers davantage de démocratie participative.

Et donc, dans le cas des JO de 2030, cette consultation n’a pas été organisée, c’est bien ça ?

Effectivement. Plusieurs recours citoyens sont remontés jusqu’au Comité de contrôle de la convention d’Aarhus pour dénoncer cette absence de consultation publique. C’est justement aujourd’hui que le collectif citoyen JOP 2030 est auditionné par le Comité du respect de la convention d’Aarhus pour déterminer si le recours est recevable ou non.

A propos de réglementation olympique, une loi était examinée à l’Assemblée nationale ce lundi il me semble. Quelles mesures propose-t-elle ?

Parmi les mesures phares du texte, on retient que les constructions des JO 2030 seront exemptées du décompte du dispositif Zéro artificialisation nette qui lutte contre la bétonisation des espaces naturels et agricoles. Deuxio, les enquêtes publiques menées verront leurs délais raccourcis. Les équipements temporaires seront dispensés de l’obtention d’autorisations d’urbanisme et du respect des zones naturelles protégées. Il sera également possible de recourir plus facilement à des expropriations « d’extrême d’urgence ». Et cerise sur le gâteau, il est proposé la suppression du double degré de juridiction en cas de contestation de ces projets devant la justice administrative. Donc pas de possibilité de faire appel. Ce qui porterait gravement atteinte au droit d’accès à la justice et à un recours effectif.

On voit que l’expression latine « Du pain et des jeux ! » est encore cruellement d’actualité.

Merci Fanny. Je rappelle que vous êtes étudiante en master Affaires Européennes à Sciences Po Bordeaux.

un entretien réalisé par Laurence Aubron.