La Cour de Justice de l'Union européenne limite le pouvoir de surveillance des Etats sur leurs citoyens; au Belarus, les manifestations anti-régime continuent suite à la réélection frauduleuse d’Alexandre Loukachenko; le gouvernement irlandais s'oppose à l'avis des experts qui réclamaient un reconfinement.
La surveillance de masse est un sujet très actuel. Mardi, la Cour de Justice de l’Union européenne, la plus haute juridiction européenne, a rendu un arrêt qui limite le pouvoir de surveillance des Etats sur leurs propres citoyens. Rappelons-le, la Cour de justice est notamment chargée de vérifier la conformité des lois nationales par rapport au droit européen. Pouvez-vous nous dire sur quoi portait exactement cet arrêt de la Cour ?
Cette affaire portait sur la collecte et la conservation de données personnelles sur internet pour des raisons de sécurité nationale. Soutenus par la Commission européenne, la Belgique, la France et le Royaume-Uni affirmaient que ces lois ne relevaient pas du droit européen, plus protecteur en matière de respect de la vie privée.
La Cour a conclu que la sécurité nationale des Etats ne leur permet pas de passer outre le droit à la vie privée et à la protection des données. La Belgique, la France et le Royaume-Uni, ne peuvent donc plus collecter et conserver massivement les données personnelles de leurs citoyens.
Néanmoins, la Cour a laissé la porte ouverte à certaines dérogations, notamment en matière de terrorisme. Dans ce cadre, la collecte de données devra respecter un cadre strict et rester proportionnée. (Comme disait mon ancien professeur de droit, « on ne tire pas sur une mouche avec un canon »)
Qui a porté cette affaire devant la Cour de Justice de l’Union européenne ?
Cette affaire rassemblait donc 3 procédures différentes, initiées en Belgique, en France et au Royaume-Uni. Plusieurs organisations de défense des libertés fondamentales étaient impliquées, notamment, Privacy International, la Quadrature du Net, une organisation qui milite spécifiquement pour les droits des internautes, et enfin les ordres des avocats francophones et germanophones de Belgique.
A partir du 1er janvier 2021, le Royaume-Uni ne sera officiellement plus membre de l’Union européenne. Le Royaume-Uni est-il donc encore tenu de respecter ce jugement ?
Selon les dispositions de l’accord de sortie adopté en janvier 2020 prévoit que le Royaume-Uni sera tenu de respecter les décisions de la Cour qui sont antérieures au 1er janvier 2021, jour de l’entrée en vigueur du Brexit. Le Royaume-Uni devrait donc théoriquement appliquer cette décision même si les voltes-faces britanniques ces dernières semaines invitent à la prudence.
Tournons-nous maintenant vers l’est de l’Europe. Les manifestations anti-régime continuent au Bélarus depuis le 9 août. Elles font suite à la réélection frauduleuse d’Alexandre Loukachenko, qui n’aurait récolté que quelques pourcents des voix. L’Union européenne a toujours dénoncé la répression féroce menée par les autorités, qui vise de manière indiscriminée toute personne sortie dans la rue. Pourtant, une information sortie tout récemment nous apprend que l’Union a contribué à accroître les capacités sécuritaires de la police bélarusse.
Tout à fait, c’est le média indépendant, EU observer, en français, l’Observateur de l’UE, qui a révélé l’information. La police lituanienne aurait fourni 15 drones de surveillance au Bélarus le 16 septembre, et ce alors que la répression battait son plein. Les manifestants sont régulièrement arrêtés de manière arbitraire, et de nombreux cas de torture ont été dénoncés. Le risque est que ces drones, équipés de caméras, contribuent à identifier les manifestants et donnent lieu à davantage d’arrestations ciblées.
C’est le service d’action extérieure de l’Union européenne, le « ministère » des affaires étrangères européennes, qui aurait indirectement financé ces drones. Un montant de 850.000 euros dans le cadre d’un mécanisme de coopération rassemblant la Lituanie, la Lettonie et le Bélarus.
Un sérieux couac, voire une énorme faute politique alors que les institutions européennes dénient toute légitimité à la réélection de Loukachenko et soutiennent ces manifestations qui tentent de faire tomber le dictateur.
En effet, et cela contraste aussi avec le rôle pris par la Lituanie qui s’affiche comme l’un des principaux soutiens au mouvement démocratique à l’œuvre au Bélarus.
La Lituanie s’est défendue en déclarant qu’elle n’avait pas livré les drones. Elle a affirmé avoir suspendu toute assistance financière au Bélarus. De son côté, le service d’action extérieure de l’Union a souligné le fait que ces drones n’ont pas encore été utilisés par les forces de l’ordre du Bélarus.
Terminons par un état des lieux des mesures prises par les Etats pour faire à la pandémie actuelle. Le gouvernement irlandais a pris une décision très forte, en s’opposant à l’avis des experts qui réclamaient un reconfinement ?
Tout à fait, le comité d’experts a fait une volte-face en demandant un reconfinement national suite à la recrudescence des cas. Michael Martin, premier ministre irlandais depuis trois mois, n’a pas suivi cet avis, pour des raisons économiques principalement. Le ministre des finances irlandais, Paschal Donohoe, craignait un risque élevé pour les capacités d’emprunts de l’Irlande, qui a déjà une dette publique de 20 milliards d’euros pour cette année.
En Belgique, le gouvernement a acté de nouvelles mesures restrictives à partir de vendredi. Les bars fermeront à 23 heures et seules 4 personnes pourront s’asseoir à chaque table. De manière générale, il sera permis d’avoir des contacts avec trois personnes.
En Italie, le port du masque pourrait être généralisé partout à l’extérieur. En Espagne, Madrid est en confinement partiel, les gens ne peuvent sortir que pour des besoins de première nécessité travailler, aller chez le médecin ou acheter de la nourriture.
Victor D’Anethan – Thomas Kox
Photo de Artem Podrez provenant de Pexels