Aujourd’hui en Europe

Aujourd'hui en Europe - Mardi 10 novembre

Aujourd'hui en Europe - Mardi 10 novembre

Islam en Europe, le Conseil de l'UE propose la création d'un institut de formation pour les imams ; au Parlement, l'eurodéputé français Pierre Larrouturou entame son 14ème jour de grève de la faim, pour souligner l'importance de taxer les transactions financières; en Estonie, démission du ministre de l'Intérieur Mart Helme.

Pour cette édition, intéressons-nous à la question de l’Islam en Europe. Le président du Conseil de l’Union européenne, Charles Michel, a proposé lundi la création d’un institut européen pour la formation des imams. Selon lui, l’objectif serait de les former pour qu’ils s’approprient ? les valeurs européennes. Cette annonce s’inscrit dans le sillage de plusieurs attentats terroristes en France et à Vienne ces dernières semaines. Que pouvez-vous nous en dire sur ce projet d’institut ?

En effet, suite au choc causé par ces attentats, les Etats veulent renforcer leurs capacités en matière de sécurité mais aussi en matière de prévention et d’éducation. Le président du Conseil européen a déclaré qu’un institut de formation des imams permettrait de combattre les extrémismes qui motivent ces attaques. Selon lui, l’objectif est d’assurer la primauté du droit civil et le respect mutuel des valeurs démocratiques. Pour l’instant, il ne s’agit que d’une déclaration. Il reste à voir comment cette idée pourrait être mise en pratique.

L’idée de créer un tel institut n’est pas nouvelle. Elle est régulièrement sortie du placard à chaque fois qu’une attaque terroriste survient. Certains Etats ont d’ailleurs déjà agi dans le domaine.

Tout à fait, l’Allemagne, la Suède, les Pays-Bas et la France, par exemple, ont pris des initiatives sur le sujet. Bien souvent, les imams viennent de l’étranger et les Etats ne veulent pas qu’une parole anti-démocratique soit véhiculée dans des enceintes religieuses sur leur sol. L’Allemagne qui compte une grande communauté turque, a notamment soutenu la création d’études universitaires islamiques. Surtout que le tournant autoritaire du président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est traduit par un durcissement du discours de certains religieux. En France, où les imams viennent souvent du Maghreb, quelques écoles ont vu le jour mais il reste encore beaucoup à faire.

Il est bien entendu difficile de s’attaquer à un tel projet. Notamment en raison du fait que des religieux pourraient se montrer réticents à l’idée d’être formés par un Etat, une autorité laïque. Selon Rashad Ali, expert en dé-radicalisation, les différentes tentatives des Etats de gérer la formation des imams ont toujours mené à l’échec.

Depuis les attentats en France et celui plus récent, à Vienne lundi passé, les dirigeants européens ont multiplié les annonces dans la lutte contre l’islam radical.

En effet, Charles Michel s’est exprimé aux côtés du chancelier autrichien, Sebastian Kurz. Tous deux ont appelé les Etats à adopter une stratégie commune par exemple, pour limiter les financements étrangers d’organisations religieuses ou lutter contre les contenus radicaux en ligne. La semaine passée, le président Macron s’est prononcé en faveur d’une lutte accrue contre l’immigration clandestine,

Tournons-nous maintenant vers le parlement européen. Un eurodéputé français a décidé d’utiliser les grands moyens ! Pierre Larrouturou, du parti socialiste européen, entame aujourd’hui son 14e jour de grève de la faim. Cela fait deux semaines qu’il campe dans le parlement européen. Pouvez-vous nous dire sur quoi veut-il attirer l’attention?

Le geste de Pierre Larrouturou est très fort et a pour objectif de souligner l’importance de taxer la spéculation financière. L’eurodéputé français déplore la pénurie de moyens pour la santé, l’environnement ou l’emploi alors que des solutions existent. Selon lui, taxer les transactions financières à hauteur de 0,1% permettrait de mobiliser 50 milliards d’euros par an. Le créateur du parti français, Nouvelle Donne, estime que ces montants sont nécessaires si l’Europe veut financer la transition écologique.

Cette grève de la faim intervient à un moment clé. Cette semaine, les institutions européennes négocient le budget de l’Union pour les 7 prochaines années.

En effet, je rappelle que le plan de relance européen inclut un emprunt de 750 milliards d’euros auquel s’ajoute le budget européen pour l’instant estimé à 1080 milliards. Les eurodéputés estiment que ce budget de 1080 milliards n’est pas assez élevé. Ils réclament davantage de fonds pour la santé, l’éducation ou la recherche. Le débat porte notamment sur les ressources propres, c’est-à-dire, l’argent dont dispose l’UE qui ne vient pas des Etats membres. Par exemple, l’Union européenne prévoit une taxe sur le plastique ou une taxe carbone qui devraient rapporter respectivement 6 et 3 milliards par an.

Selon Pierre Larrouturou, la taxe sur les transactions financières doit s’ajouter aux autres pour financer le plan de relance.

L’idée d’une taxe sur les transactions financières fait son chemin déjà depuis 2011. Néanmoins, plusieurs pays européens bloquent l’adoption d’une telle mesure.

Tout à fait, le Danemark et les Pays-Bas se montrent traditionnellement réticents face à une telle taxe. A l’opposé, l’Allemagne et la France soutiennent cette idée. Pourtant, leur proposition est jugée insuffisante notamment par des eurodéputés écologistes et de gauche. Celle-ci ne propose de taxer qu’une partie des transactions. Cette question sera tranchée cette semaine par les institutions qui finalisent le budget européen.

Terminons en évoquant la démission du ministre de l’intérieur estonien. Mart Helme, du parti conservateur, qui a annoncé son départ lundi après avoir provoqué un tollé à travers la classe politique en Estonie. Il a remis en cause l’élection du nouveau président des Etats-Unis, Joe Biden, des propos jugés largement déplacés.

Tout à fait, Mart Helme a déclaré à la télévision estonienne qu’il considérait Joe Biden comme une personne corrompue qui devait sa victoire à “l’Etat profond”. Le concept d’Etat profond est associé au conspirationnisme et décrit une administration qui détient secrètement le pouvoir au détriment des élus politiques.

De manière encore plus stupéfiante, il a également exprimé son enthousiasme quant à une éventuelle guerre civile aux Etats-Unis qui permettrait à Donald Trump, de rester président.

Mart Helme, maintenant ancien ministre de l’intérieur, est connu pour une multitude d’autres déclarations polémiques. Il avait traité la première ministre finlandaise, je cite, de « caissière », et intimé aux homosexuels estoniens de s’en aller en Suède.

Victor D’Anethan - Thomas Kox

crédits photo: Erich Westendarp