Aujourd'hui en Europe est un journal consacré aux actualités européennes du jour, réalisé par la rédaction d'Euradio à Bruxelles. Avec Thomas Kox, Baptiste Maisonnave, Paul Thorineau et Ulrich Huygevelde.
Au programme :
- Des armes européennes au Soudan ; situation
- Allemagne : baisse des prix électricité pour sauver industrie
- GreenPeace dénonce livraison uranium français vers la Russie
On ouvre ce journal au Soudan, où la guerre est partiellement entretenue par des armes de manufacture… européennes. L’ambassadeur du Soudan auprès de l’UE a récemment lancé l’alerte, attirant l’attention sur la guerre civile qui ravage son pays depuis plus de deux ans.
Oui, la nouvelle peut surprendre mais les faits sont bien là : dans cette guerre d’une rare violence qui a déjà entraîné la mort de plus de 160 000 personnes, les mortiers tirent des explosifs bulgares, les grenades fumigènes libèrent des fumées françaises, et les véhicules armés de tourelles portent de lourds canons mitrailleurs anglais.
Le lien n’est pas direct, bien sûr, l’Europe a signé une série de régulations qui interdisent la vente d’armes au Soudan, mais pas auprès des Emirats arabes unis. Quel rapport ? Un soutien commercial et militaire d’Abu Dhabi aux Forces de Soutien Rapides, les RSF, l’une des deux principales puissances engagées dans la guerre au Soudan. Indirectement, la milice fait donc l’acquisition d’armes made in Europe.
L’ambassadeur soudanais Abdelbagi Kabeir appelle donc les institutions européennes à mettre fin à ses ventes d’armes aux Emirats qui entretiennent ce que l’ONU décrit comme l’une des plus graves crises humanitaires au monde, avec plus de 25 millions d’individus en risque de famine.
Si les récentes affirmations de Abdelbagi Kabeir remettent la question au premier plan, la présence d’équipement militaire européen au Soudan, elle, n’est pas nouvelle.
Non, plusieurs enquêtes publiées au fil de l’année ont permis de retracer ce marché indirect : en avril, France 24 pistait les munitions jusqu’aux manufactures bulgares, pourtant soumises à un embargo de longue date au Soudan. Amnesty International révélait en novembre dernier que plusieurs véhicules blindés étaient équipés de technologies françaises. Le gouvernement britannique a même confessé le mois dernier que des objets militaires made in UK sont utilisés sur place.
“L’Europe devrait privilégier l’équilibre moral à la balance commerciale” a affirmé l’ambassadeur Abdelbagi Kabeir au média Politico, dans un article qui rappelle par ailleurs que les Emirats arabes unis ont commandé pour plus de 21 milliards d’euros d’armes à la France entre 2015 et 2024. Tous ces accords inquiètent et la réaction de l’UE est encore timide, alors que le président du conseil Antonio Costa s’est justement rendu à Abu Dhabi fin octobre.
Les Emirats arabes unis rejettent toute accusation de soutien à la milice des RSF.
L’Europe est-elle investie au Soudan ?
Oui, le pays de 44 millions d’habitants, dont un quart a été déplacé par le conflit, reçoit tout de même des aides de l’Union européenne. La semaine dernière, la porte-parole de la Commission, Eva Hrncirova, annonçait justement une nouvelle enveloppe d’un million d’euros pour l’aide humanitaire au Soudan. Au total, en 2025, le soutien de l’UE s’élève à plus de 273 millions d’euros.
L’Europe a, par ailleurs, dès le début de la guerre, mis en place des sanctions à l’égard de la milice de RSF et de celle des Forces Armées Soudanaises, bloquant leurs comptes. Le pays est d’ailleurs sous embargo de l’UE depuis plus de 30 ans, “une erreur” pour l’ambassadeur soudanais, qui considère que lever cet embargo, c’est ouvrir le marché du Soudan à un engagement plus constructif avec l’UE.
On poursuit ce journal à Bruxelles, où la Commission européenne a publié hier ses prévisions de croissance - des résultats plutôt satisfaisants, sans être exceptionnels, mais qui témoignent d’une certaine robustesse européenne face à l’instabilité internationale.
Oui, entre les droits de douane américains, la guerre commerciale liée aux importations chinoises ou la poursuite de la guerre en Ukraine, les résultats auraient pu être bien pires. La Commission a tout de même revu ses prévisions à la baisse pour 2026, alors que le PIB des trois plus grandes économies de l’UE - l’Allemagne, la France et l’Italie - peine à augmenter de plus de 1% par an.
Comme expliqué par le commissaire à l’économie, Valdis Dombrovskis, “l’environnement externe” est “hostile” et “les barrières commerciales ont atteint des sommets historiques”. Pour rappel, depuis août, une vaste gamme de biens européens est taxée à hauteur de 15% aux frontières américaines, en parallèle d’une dépendance toujours plus grande aux terres rares chinoises, que Pékin ne se prive pas de réguler pour entretenir son marché.
Dans ce contexte, ajoute le commissaire, “l’Europe doit redoubler d’efforts [...] et libérer son potentiel de croissance”.
Le bilan reste globalement positif, notamment grâce à l’Allemagne, première industrie de l’UE, qui semble réussir à relancer son économie.
Oui, après deux ans de récession, Berlin redémarre lentement mais sûrement - 0,2% de croissance cette année, 1,2% prévu en 2026. D’immenses subventions dans le domaine de l’électricité ont été accordées aux entreprises, et plusieurs centaines de milliards d’euros ont été investis dans la défense et les technologies vertes pour permettre à l’économie du pays de repartir.
Un modèle que n’a pas pu suivre la France, nettement plus endettée et entravée par ce que la Commission qualifie d’incertitude politique. L’activité de l’Hexagone ne devrait pas dépasser les +0,9% en 2026, le chômage, lui, devrait, selon les prévisions, remonter jusqu’à 8%.
Et on termine ce journal en France, où l’ONG Greenpeace a dénoncé dimanche la reprise du commerce nucléaire avec la Russie. L’organisation parle d’une “intensification” de ces échanges avec Moscou, en plein contexte d’invasion de l’Ukraine.
Oui, plusieurs membres de Greenpeace ont observé et filmé, samedi, un chargement d’uranium dans le port de Dunkerque - une dizaine de conteneurs sont visiblement chargés à bord du cargo Mikhail Dudin. Un nom qui, explique l’ONG, est rattaché à un pavillon de complaisance immatriculé au Panama, qui fait régulièrement des aller-retour à Dunkerque pour décharger de l’uranium enrichi et repartir avec de l’uranium naturel chargé, vers Saint-Pétersbourg.
La reprise de ces activités, Baptiste, marque une dépendance de Paris face à la Russie dans ce secteur.
Oui même s’il s’agit de la première exportation du genre depuis plus de trois ans, explique Greenpeace, l’activité n’est pas illégale. Sauf qu’en plus de ce commerce, EDF est en contrat avec Rosatom. Le premier fournisseur d'électricité en France a signé pour 600 millions d’euros un contrat en 2018 pour que Rosatom recycle de l'uranium traité.
Le domaine n’est pas limité par les sanctions à l’encontre de la Russie, mais il témoigne d’une véritable dépendance : Rosatom possède le seul site au monde à pouvoir réaliser une étape spécifique de traitement de l’uranium, dont a besoin la France.
Un journal de Baptiste Maisonnave, Ulrich Huygevelde et Paul Thorineau.