Surréalisantes

Surréalisantes #9 - Remedios Varo

©Remedios Varo / Visita inesperada  1958 Surréalisantes #9 - Remedios Varo
©Remedios Varo / Visita inesperada 1958

Retrouvez chaque semaine Zoé Neboit avec sa chronique Surréalisantes sur euradio pour découvrir le portrait d'une artiste.

Aujourd’hui avec Surréalisantes, on met le cap sur l’Espagne

Et oui, sur le pays de naissance de María de los Remedios Alicia Rodriga Varo y Uranga, dite aussi tout simplement Remedios Varo. Elle naît en 1908 à Anglès, petite ville dans les terres de Catalogne. Son deuxième prénom, Remedios, qu’elle choisira comme nom d’artiste lui est donné par sa mère Ignacia en hommage à Notre-Dame-des-Remèdes, car elle naît peu de temps après le décès de deux autres enfants. Ce lourd poids symbolique, elle le portera toute sa vie sur ses épaules, elle qui dira ne s’être jamais sentie réellement à sa place. À côté de cette mère très croyante qui l’envoie à l’école privée catholique, il y a son père, Rodrigo, un ingénieur hydraulique passionné de minéralogie et d’Esperanto qui l’encourage dans le dessin. Il lui ramène souvent de son travail des plans techniques qu’elle s’amuse à recopier. À 16 ans, elle devient l’une des premières filles à intégrer l’Académie royale des Beaux-Arts de San Fernando à Madrid.

Au contact de cet univers, Remedios veut aller plus loin

Sa priorité devient de quitter le foyer familial. En 1930, à seulement 22 ans, elle épouse Gerardo Lizarraga, peintre comme elle et de tendance anarchiste. Ils vivent brièvement à Paris puis s’installent à Barcelone. Là-bas, elle fait la connaissance des surréalistes espagnols dont Oscar Dominguez et Esteban Francès. Elle découvre les cadavres exquis et les procédés de création automatiques. En 1936, elle rejoint le mouvement catalan Logicofobista, sorte d’avant-garde de la 2e génération des surréalistes catalans, qui voulaient apporter une dimension sociale à l’art, à l’aube de la guerre civile. Quand celle-ci éclate, elle s’engage dans les rangs républicains où elle rencontre le poète Benjamin Péret au sein du POUM, la fraction marxiste révolutionnaire où militait Mary Low dont on a parlé il y a quelque semaines. Ils se marient, sans doute dans la hâte car à la victoire de Franco, ils sont contraints à l’exil. Remedios ne reverra jamais son pays.

Comme beaucoup d’Espagnols, ils trouvent refuge à Paris où Péret est l’un des membres centraux du cercle de Breton

Remedios prend goût à cette vie surréaliste, dans sa peinture où elle explore les thèmes liés à la magie et l’alchimie, comme dans la vie. Extravagante et avide de farces, elle vend des gâteaux dans la rue déguisée en toréro et envoie des lettres à des inconnus en choisissant leur nom au hasard dans l’annuaire téléphone : son « acte surréaliste préféré » selon sa biographe. Après la capitulation de la France en 1940, elle devient comme les autres exilés politiques espagnols, une suspecte. Elle est arrêtée mais parvient à s’enfuir au Mexique l’année suivante. Là-bas, elle rencontre Frida Kahlo et Diego Rivera mais surtout Leonora Carrington, peintre surréaliste anglaise qui devient sa plus chère amie.

Et c’est au Mexique que sa peinture se développe le plus

Comme Carrington, elle trouve dans ce pays nouveau, terre d’exil pour de nombreux artistes, une inspiration toute particulière. Elle quitte l’automatisme surréaliste pour des toiles plus travaillées inspirées par les motifs renaissants et le fantastique. Elle y mêle les thèmes liés aux sciences : mathématiques, cosmologie ou encore botanique, héritage de son père, et les thèmes liés au spirituel, héritage de sa mère en le passant au travers du prisme de l’occultisme. Cartomancie, astrologie, alchimie et autres rites la fascinent. Malgré son réseau et sa production prolifique d’œuvres, elle n’est jamais tout à fait parvenue à vivre de son art et a toujours accumulé pour survivre les petits jobs, notamment dans la publicité et les décors. À partir de la fin des années 1950, elle commence à se faire davantage connaître, mais elle décède brutalement en 1963 d’une crise cardiaque, elle avait seulement 55 ans. Endeuillé comme tout le groupe, André Breton écrira, « le surréalisme revendique l’œuvre toute entière d’une sorcière partie trop tôt »

Références pour aller plus loin :

Catherine Garcia, Remedios Varo, peintre surréaliste ? Création au féminin : hybridations et métamorphoses, L’Harmattan collection « Histoire et idées des Arts », 2007

Gil Antonio J. & Rivera Magnolia, Remedios Varo : el hilo invisible, Mexico, Siglo XXI Editores, Universidad Autónoma de Nuevo León, 2015

Remedios Varo, mystère et révélation, film documentaire réalisé par Tufic Makhlouf Akl, produit par Aube Elléouët et Oona Elléouët, co-édité avec Seven Doc, 2013