Artiste européen·ne de la semaine

Tukan (BRUXELLES) - Artiste européen de la semaine

Monday Jr. Tukan (BRUXELLES) - Artiste européen de la semaine
Monday Jr.

Cette semaine nous nous intéressons à l'électro-jazz de Tukan.

  

Chapitre 1. Débuter en temps de pandémie

Le quartet bruxellois Tukan naît en 2019. Il rassemble Samuel au clavier, Nathan à la basse, Andréa à la guitare et Tommaso à la batterie. A ses débuts, le groupe niche souvent au Volta, un centre de résidence implanté dans une friche industrielle à Bruxelles. Ils y étaient allé pour répondre à un appel à projet, et aujourd'hui font partie de la maison aux côtés des Zwangere Guy, de Echt! et d'une centaine d'autres artistes. Et c'est dans la maison La Datcha, une résidence dans la campagne de Bruxelles, qu'ils peaufinent les maquettes bricolées au Volta :  « Ce deuxième endroit, c’est notre base secrète. Il s’agit d’un lieu consacré au théâtre, à la musique et à la confection de vitraux. » Un lieu idéal et presque paradisiaque si l'on en croit les photos. On comprend peut-être mieux leur musique, en sachant qu'ils ont créé dans des lieux aussi propices à l'inspiration artistique. 

Si Tukan naît en 2019, il faut toutefois attendre 2021 pour qu'il se révèle au public, à la sortie du confinement. Un début de projet chamboulé, car les musiciens ont dû attendre patiemment que les lives reprennent pour présenter leur électro-jazz explosif sur les scènes d’Europe. Ce fut donc une première tournée difficile à organiser avec des grosses dates annulées et l'impossibilité de sortir un vinyle. Mais ils n'ont pas baissé les bras, et on profité du confinement pour travailler et retravailler leur musique, afin de proposer un spectacle live et un premier EP mature et bien définit. « Faute d’autres possibilités, on s’est remis à travailler. On a peaufiné chaque détail, bossé beaucoup plus en profondeur, pour arriver avec un album bien ficelé. » raconte Nathan pour le magazine belge La Libre en 2021. Ainsi dès la fin du confinement, le groupe est paré avec un EP bien construit pour les introduire, et une trentaine de dates prévues pour l'année, témoignant du succès rapide que gagne le groupe bruxellois. 

  

  

Chapitre 2. Des racines jazz

Le quartet bruxellois Tukan est difficile à catégoriser dans un genre. Les musiciens nous présentent une musique née dans le jazz et orientée vers l'électro, puisant parfois dans le hip hop et le rock psychédélique. Nathan, le bassiste, raconte : « Plusieurs d’entre nous sont effectivement passés par le Jazz Studio d’Anvers. Diverses pointures du jazz ont appris leur métier dans cette école. Voilà sans doute pourquoi les gens nous prennent parfois pour un groupe de jazz. Dans les faits, notre seul lien à cette musique, c’est l’improvisation. Toutes nos compos partent de là. Ensuite, nous les retravaillons pour les fixer de façon définitive. ». De leur propre aveu, à leurs débuts les quatre amis n’étaient pas certains de ce qu’ils voulaient faire et de ce qu'ils voulaient raconter avec leur instrument. C'est en jouant à l'instinct qu'ils se sont trouvés. Samuel, le claviériste raconte : « On a passé des mois à faire des jams, et petit à petit une direction s’est créée. Toute musique part d’une impro. Nous aussi, on part de rien pour arriver à créer quelque chose. L’un de nous envoie un son, l’autre y répond, et de là on se met à fabriquer un son, un morceau. ». Et c'est comme ça que Tukan voit le jour : une forme d'expression singulière, une musique à la fois dansante et contemplative, qui témoigne du haut niveau des musiciens acquis par une bonne formation artistique et de l'expérience au sein d'autres projets. Il y a Saudade par exemple, un passionnant mélange de soul, de pop de d'indie rock empruntant parfois à l'électro et au jazz, dans lequel le bassiste Nathan joue. Et puis Indigo Mango, une fusion colorée de funk, de pop et d'indie, dans lequel on retrouve Samuel au clavier.

Si les musiciens s'enracinent dans le jazz et explorent d'autres langages, avec Tukan c'est plutôt dans l'électro qu'ils développent leurs branches, avec un goût prononcé pour l'expérimental...

  

  

Chapitre 3. De l'électro sans machine

Plutôt difficile à classer dans un genre, Tukan a développé ses racines jazz pour aller naviguer sur divers styles musicaux. Mais c'est surtout vers l'électro qu'ils se sont orienté. Tukan s'inscrit ainsi dans la vague électro-jazz qui remue la scène européenne, et qui est particulièrement foisonnante en Belgique avec des groupes comme Echt !, The Brums et Black Flower. Pourtant au début le groupe n'est pas très sur de ce qu'il veut proposer. C'est sur scène qu'il se trouve : « On a réalisé qu’on arrivait à établir une connexion très intense avec le public quand on se rapprochait de l’électro, quand on faisait danser les gens. » raconte le guitariste Andrea. Un électro-jazz donc, avec une spécificité puisque c'est un groupe uniquement analogique qui ne fait pas appel aux machines. « S’orienter vers des sonorités électroniques avec de vrais instruments, c’est notre manière de dépasser les limites induites par les logiciels. Nous sommes des humains, pas des machines. D’ailleurs, quand nous évoquons notre travail, nous parlons toujours de musique organique, jamais de production électronique. » raconte le groupe. Andréa, le guitariste ajoute : « C’est un nouveau genre qui émerge, d’arriver à transformer les sonorités acoustiques en un son très proche de ce que font les machines. Avec nos performances en live, on s’est rendus compte que notre musique pouvait être festive, que ça fonctionnait très bien ». 

  

 

Chapitre 4. Belgique, terre du nu-jazz

Tukan fait parti des nombreux groupes nourrissant la scène nu-jazz de Belgique, qui aujourd'hui s'affirme mondialement comme un haut lieu de ce genre musical. Mais, qu'est-ce que le "nu-jazz" ? Cette dénomination est apparue à la fin des années 90 pour désigner des styles qui marient jazz, funk, électro et improvisation. Ainsi Tukan avec son électro-jazz psychédélique, se retrouve totalement sur cette scène qui connaît en ce moment en Europe une période de foisonnement. Si les racines du nu-jazz se trouvent dans des groupes réformateurs anglo-saxons, tels que Alfa Mist et son jazz hiphop, The Comet is Coming avec sa fusion de jazz électro funk, ou encore les canadiens BadBadNotGood, et les londoniens GoGo Penguin, cette musique résonne dans le monde entier, et surtout en Europe. Et il trouve en Belgique une terre d'accueil très curieuse et abondante, notamment à travers l'électro-jazz qui rayonne avec des groupes comme Tukan. On peut également citer STUFF., les liégeois The Brums, et les bruxellois ECHT!, Glass Museum et Black Flower. « Bruxelles fait en effet partie des grands pôles européens du jazz, c’est une ville musicale foisonnante et qui favorise les rencontres interculturelles. » raconte Kostia Pace, directeur de Jazz Station. Bruxelles, ville cosmopolite, est réputée depuis longtemps pour la richesse de son jazz, et se retrouve en ce moment sous les feux des projecteur. Et le quatuor Tukan, que nous avons exploré durant les trois derniers chapitres, fait parti de ces groupes qui façonnent cette scène contemporaine, ce nu-jazz qui brise les frontières musicales, qui se nourrit de la diversité et qui a pour mot d'ordre l’éclectisme. 

  

    

Chapitre 5. Dans les profondeurs de l'océan

Des débuts chamboulés par la crise sanitaire, le groupe s'affirme toutefois rapidement sur la scène bruxelloise en s'inscrivant dans le courant électro-jazz qui fait fureur en Europe. Le groupe publie un premier EP en 2021, puis un premier album en novembre 2022, qui précise la direction artistique du groupe : Atoll est un album instrumental qui abolit les frontières entre le jazz et l'électro. Une musique électronique qui, rappelons le, est purement analogique, donc sans machine. C'est un album très travaillé qui a été un véritable défi pour ce groupe live qui se retrouve en studio, avec cette question : « comment transposer l'énergie des concerts en studio ? ». La musique a donc été enregistré dans les conditions du live, puis post-produite. « Nous avons donc conçu le nouvel album en nous projetant un maximum sur scène, comme si nous étions face au public. », raconte Tukan. Un défi réussi pour le groupe, car Atoll est une parfaite invitation à danser, en nous transmettant autant d'énergie que si nous étions en club.

  

  

Atoll est aussi une exploration dans les profondeurs de l'océan, avec des titres choisis dans le champ lexical océanique : « Scuba », « Beluga », « Lagoon » et « Black Pearl ». Pour ce dernier, le groupe affirme ses origines bruxelloise en invitant rappeur SVDU, un autre explorateur sonore de la ville, qui tend vers l’expérimental tout comme Tukan. Ce dernier titre qui clôt l’album s'ouvre au hip hop, témoigne de la curiosité musicale du groupe, mais préserve son caractère planant qui est propre au groupe.

  

  

Une émission proposée par Mari le Diraison.