Toustes en Allemagne : c’est à Berlin est qu’est née et que vit depuis 1985 Nichtseattle, alias Katharina Kollmann, notre artiste européenne de la semaine ! Mais ce n’est pas le seul nom derrière lequel Katharina prend son micro-guitare pour créer des chansons pop-folk électro-accoustique : Nichtseattle a aussi été “Lake Felix”, et a sorti cinq projets entre 2012 et 2017. Alors aujourd’hui, je vous propose qu’on les traverse pour poser le paysage sonore de Nichtseattle.
NB : ma LV2 étant l’espagnol, ce qui s’entend déjà, j’ai décidé de vous épargner mon accent wish/aliexpress : c’est Luzie Fonke, ma collègue munichoise, qui fera les play-back cette semaine !
Chapitre 1 : Au bord de l'eau
Le titre Turtle circles est un des titres de son premier EP Haunted Room sorti en 2012 ! Il fait parti de ses trois compo préférés de ses débuts, d’après une interview avec le média Super World Indie Tunes, trois compo que je vais suivre aujourd’hui pour poser le décor de Katharina Kollmann ! Le premier, le cercle des tortues donc, une métaphore peut-être de sa propre vie qu’elle déclame sur sa guitare-compagnonne : “je suis une tortue mais la plus lente de toutes de toute façon je marche, [...] je suis toujours en route, foutu raid de changement, c'est peut-être vers la mer mais je ne suis pas sûr”
Car c’est à 14 ans que Katharina écrit sa première chanson, après avoir maîtrisé 3 accords à la guitare ! La musique l’aide alors je cite à : “ faire face à mes problèmes intérieurs. Pour donner à mes pensées une forme plus belle que le désordre qui règne en moi. Et une motivation importante est de me réconforter avec de la musique”. Mais pour que, de ce qui était une passion, un exutoire aussi, devienne son activité principale, Katharina a dû faire des choix : à 25 ans, au sortir de l’université, elle renonce au salariat, et se lance dans la musique, avec l’objectif je cite de “garder un espace de préférence généreux et spacieux pour la musique dans ma vie et de le défendre contre de prétendus besoins de statut et d'argent, afin d'être moi-même le plus possible dans le capitalisme”.
Je vous propose le deuxième titre choisi par Katharina, “Hidden With a Kid”. Un de ses préférés de son EP Felix lake and the Pappkameraden, sorti en 2015. Un titre de + de 7 minutes; qui est un peu la marque de fabrique de Katharina, cette longueur de compo, et qui contient toute l’identité pop-folk de notre artiste européenne de la semaine, entre mélancolie, introspection et expiation, aux sonorités parfois intimistes, parfois épiques, qui n’est pas sans nous faire penser à la musique des Pixies, le groupe étasunien des eighties (c’est d’ailleurs un de ses groupes préférés).
Le troisième titre choisi par Katharina, c’est "Leash My Elephant", qui figure sur son album de 2017 Kick It To Taka Tuka Land.
Je vous propose que l’on se quitte aujourd’hui avec lui !
Demain, nous écouterons le premier album que Katharina sort sous le nom de Nichtseattle, Wende kid, “enfant de la réunification”, une réflexion sur son pays de naissance, la RDA, Berlin-Est, un pays qui n’existe plus.
Chapitre 2 : Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Cette semaine nous sommes aux côtés de Katharina Kollman, alias Nichtseattle, une guitariste hors-pair qui plaque sous ses doigts un punk-folk-rock épuré et simple pour retraduire ce qui l’est moins. Hier, nous avons écouté ses débuts sous le nom de “Lake Felix” dans les années 2010, aujourd’hui, je vous propose qu’on écoute son premier album en allemand, pour lequel elle prend le nom de Nichtseattle, l’album de 2019, Wendekid, “enfant de la réunification”, un album sur sa propre histoire : Katharina vient d’un pays qui n’existe plus : elle avait 4 ans lors de la chute du mur de Berlin, et la fin de la RDA.
Sur le titre “Zuhausestadt”, “ville d’origine”, Nichtseattle chante sur une guitare épurée et solitaire quelque chose comme : “la maison partie, et personne n’y peut rien / c’est comme ça pour toujours ici /on fuit sans cesse vers l’avant, lourd et unijambiste ”.
L’impression de marcher sur une jambe, c’est comme ça que Katharina perçoit le fait d’être un “enfant de la réunification”. D’être passée d’une forme de communisme au capitalisme, d’un côté de l’histoire à un autre, et peut-être, d’être confrontée aux tabous et silences autour de l’histoire allemande.
Mais plus que l’aspect politique de son histoire, cet album, c’est d’abord une capsule de son enfance ; la pochette représente une enfant -peut-être elle?- qui crapahute dans un jardin. Jardin dont elle parle dans le titre “Im Garten” : depuis ses yeux d’enfant, Katharina observe le comportement des hommes qui traînent dans son jardin, des amis et sa famille, et fait l’expérience de la masculinité et de ses travers, je cite : “ils rigolent quand moi je pleure d’avoir écrasé un oiseau”.
Ces logiques patriarcales, Katharina les aborde largement, notamment parce qu’elle en fait l’expérience très tôt, entourée de ses 6 frères avec qui, de fait, elle ne partage pas la même conception de la vie. Dans le titre “WarnixGrube”, quelque chose comme “la fosse du flop”, en gros la fosse des nazes selon notre linguiste de la semaine Luzie Fonke : Nichtseattle jette dans la fosse tous les hommes aux comportements nazes, blessants et antipathiques.
Je vous propose que l’on se quitte aujourd’hui avec ce morceau live, pour mieux se retrouver demain : au programme l’écoute de son second album, Kommunistenlibido, “libido d’un communiste”, dans lequel Nitchtseattle continue d’approfondir ses origines, cette fois d’un point de vue plus politique !
CHAPITRE 3 : RÉVOLUTION ET SOCIALISME
Folk, punk, rock, c’est la musique que l’on branche dans nos oreilles depuis lundi ! Et cette musique, c’est celle de Katharina Kollmann, alias Nichtseattle, un bébé de 1985 née à Berlin-Est, qui se met à la composition à 14 ans, aussitôt qu’elle maîtrise les accords de base. Ses influences d’alors ? La pop de Juliane Werding qu’écoute sa mère, le rock des Rolling Stones que passe son père, le punk-rock des étatsuniens Pixies. Influences qui résonnent à un moment ou un autre dans ses accords ! Hier nous avons écouté son premier album sous ce nom, le Wendekid, aujourd’hui je vous propose que l’on écoute son deuxième, le Kommunistenlibido de 2022, “libido d’un communiste”, dans lequel Nichtseattle continue de creuser ses origines berlinoises-est ! Cette fois-ci, avec le communisme comme point de départ d’une réflexion politique, économique, mais aussi sociale, et émotionnelle, alors forcément, il y en a des choses à dire !
le titre « NachtVater », une chanson dans laquelle Nichtseattle parle du suicide de son père, qu’elle relie à l’histoire allemande et la période post réunification, à ceux qui n’ont pas su se faire à la vie post chute du mur : “Avec toutes les voix dans ta tête / Avec la corde dans la forêt / Tu as mal partout à force de trébucher sur le nouvel asphalte occidental / Avec tous les gens sur ta conscience / D'eux, certains manquent / certains manquent toujours / J'espère que tu vas bien maintenant”.
Si les féministes de la deuxième vague ont réussi à montrer que le “privé est politique”, Nichtseattle l’illustre et l’exploite à merveille dans cet album, montrant l’imbrication entre le privé et le politique en partant de sa propre expérience. Cet album, c’est alors un examen musical de son père communiste qui a je cite “reconnu la fin de l’expérience socialiste le coeur brisé [...] il a dit des choses comme “les gens sont égoïstes”” et de son propre désir d'un monde juste.
Je vous propose le titre Die Idee, en version live avec le Magnetic Ghost orchestra qui met en avant la musicalité des titres de l’album.
Le titre “Ein freund”, “un ami”, questionne lui, les normes amoureuses, et demande qui est à blâmer, après une rupture ; un des conjoints, les parents des conjoints ou le système socio économique qui nous déforme ? Pour Kathi, prendre au sérieux je cite “la psychologie humaine, l’inconscient et les sentiments” est la seule façon de “développer un monde meilleur” ; d’où peut-être ce qui explique le titre de l’album, le souhait d’ajouter le désir à la politique !
Chapitre 4 : Eve, lève toi
Nichtseattle, alias Kathi Kollmann, c’est le nom de notre artiste européenne de la semaine, venue tout droit de la capitale allemande ! La guitariste en cheffe fan -parait-il, selon ses propres mots- du jeu folk de l’anglais Richard Dawson crée une musique rock-punk mélancolique, profonde, et introspective, que nous branchons dans nos oreilles depuis lundi ! Hier, nous avons écouté son deuxième album sous ce nom, le Kommunistenlibido ; aujourd’hui, je vous propose son album Carry Us Through It sorti en 2023, un album pour lequel elle troque la guitare contre la basse, l’allemand contre l’anglais, et un seul nom de scène pour deux : Katharina signe Nichtseattle et Lake Felix.
Dans le titre “The One Thing”, vous pouvez entendre Kathi chanter : “je voulais seulement être/endormie avec toi à côté de la mer”. Le tout, sur des accords de basse -qui dans cet album, représente l’instrument principal-, créant un paysage sonore clairsemé, comme un ciel entre nuages et rayons de lumière.
Cet album c’est ça, un accent mis sur les émotions et l’introspection, les désirs, les envies, et les tristesses ; après le précédent anglé sur les systèmes politiques. La pochette met en scène trois générations, dans une scène quotidienne : une grand-mère marchant avec sa fille et son petit enfant. Pochette qui vient en écho avec le titre de l’album Carry Us Throught it, “soutiens-nous dans la traversée”, interrogeant alors les transmissions, les communautés. Dans le titre “Me with a Sunflower”, elle parle des liens de fratries : son frère l’appelle, raconte-t-elle, il vient de se faire larguer, et apparemment, ça va pas fort.
Des titres sensibles, qui retraduisent aussi l’état d’esprit de Lake Felix, je cite : “J'espère sincèrement qu'il existe une société plus juste dans laquelle il y aura de la place pour le simple être, pour l'amour, pour la justice. C'est si simple qu'on ose à peine le dire. C'est peut-être pour ça que je pense que c'est juste un sentiment. Mais c'est un sentiment très fort, peut-être même une envie”.
Je vous propose que l’on se quitte aujourd’hui avec le titre “This love”, dans lequel Kathi fait le point sur une de ses relations, et je cite : “je suis reconnaissante que tu aies au moins essayé d’être sympas, mais tu n’es toujours pas sympa envers moi [...] ton rire n’est pas suffisant pour moi”. Peut-être l’occasion de faire le point sur nos envies et nos limites ? Je vous laisse potasser sur les accords de notre artiste de la semaine, et on se retrouve demain, toujours à ses côtés !
Chapitre 5 : Country Road, take me home
Cette semaine, nous sommes à Berlin aux côtés de Katharina Kollmann, alias Lake Felix ou Nichtseattle selon les périodes, selon la langue qu’elle utilise et peut-être selon ses envies. Celle qui plaquait les accords comme personne compose depuis les années 2010 des titres folk-rock-punk chanté, ou slamé, intimiste, ou épique. Une artiste qui réussit, en ce que pour elle, le succès je cite “c’est le privilège de faire ce que l’on veut, d’exprimer ce que l’on veut exprimer, de la façon dont on le souhaite et que les gens comprennent à peu près”. Chic! Après avoir remonté sa carrière au fil des productions cette semaine, je vous propose aujourd’hui que l’on se cache dans les coulisses de son prochain album, Haus, “maison” en français, prévu pour avril prochain ; quelques titres sont déjà sortis, alors c’est parti.
Le titre “Frau Sein”, “être une femme”, un titre dans lequel Nichtseattle dénonce les dynamiques sexistes et les carcans encore enfermant des conditions féminines, toujours soumises à des injonctions à la maternité, au couple, à la jeunesse et au care.
Cette dénonciation, c’est le projet de ce futur album, je cite “des chansons sur la précarité, sur la nécessaire solidarité, des clans et du nécessaire abri [qui] sera la plus belle chose que mon cœur brisé ait jamais révélée. Aussi grâce à toutes les personnes qui ont travaillé dessus et à tous les moments de joie”. L’idée de communauté et de solidarité est très importante pour notre artiste de la semaine : pour ses précédents albums, plutôt que des professionnels, elle avait emmené en tournée la chorale de quartier dans laquelle elle chante.
Je vous passe un extrait live de “Frau Sein” chanté au Hamburger Küchensessions, un lieu de concert berlinois type tiny-desk actif depuis 2010
Nous arrivons à la fin de notre artiste européenne de la semaine !
Nous disons au revoir à Katharina Kollmann, mais aussi à Lake Felix et Nichtseattle, à leurs chansons de folk, punk, qui liaient le simple et le beau, faisant à l’inverse des Shadocks, du simple à partir du compliqué.
Nous disons au revoir à Notre artiste elle-même fan des Pixies [extrait] mais aussi de l’indie de l’australien Tame Impala (son titre “feels like I only go Backwards” est d'ailleurs sa Happy Song]) et du socialisme.
Et rien de mieux que le titre “Fleissig” “appliqué” qui sera présent sur son prochain album pour finir en beauté. Nichtseattle questionne le travail, d’application, l’investissement, je cite “je suis toujours si appliquée, pourtant, quelque part, ça ne suffit pas”. Et si la recette était ailleurs ? Peut-être dans le faire ensemble ? C’est ce que suggère le clip, que je vous invite à regarder : on y voit des scènes de chantiers collectifs sous un soleil d’été, ça sent bon la joie !
Bon week-end à vous, bon week-end à elle, et un grand Merci à Luzie pour sa voix, et je vous dis à la semaine prochaine, sur les pas d’un ou une nouvelle artiste sur euradio.
Une émission proposée par Hannah Tesson.