Elisa Camia, consultante junior en affaires publiques, est spécialisée dans les relations entre l’UE et la Chine, notamment aux niveaux économique et géopolitique. Elle revient chaque mois sur euradio sur les relations euro-chinoises.
Below you will find the English version of this article.
Elisa, vous allez nous parler aujourd'hui des exportations d’acier
chinois vers l’Europe. La surcapacité de production d'acier en
Chine a des répercussions considérables sur le marché mondial, et
notamment sur l'Union européenne.
Donc quelles sont les causes et les conséquences de la surcapacité de production d'acier en Chine ?
La Chine est le premier producteur mondial d'acier, représentant environ 55% de la production mondiale en 2023. En raison d'une baisse de la demande intérieure, notamment due à la crise du secteur immobilier, la Chine se retrouve avec une surcapacité de production estimée à 400 millions de tonnes, soit plus du double de la demande totale du marché européen de 155 millions de tonnes.
Pour écouler cette surproduction, la Chine a commencé à exporter massivement son acier à des prix inférieurs aux coûts de production.
Quel est donc l’impact en Europe ?
L'afflux d'acier chinois à bas coût exerce une pression énorme sur les producteurs européens, qui doivent faire face à des coûts de production plus élevés, notamment en raison de normes environnementales strictes et de coûts énergétiques plus importants. Cette concurrence déloyale a conduit à la fermeture de plusieurs sites de production en Europe, entraînant des pertes d'emplois significatives.
Et est-ce que l’acier joue un rôle dans la stratégie géopolitique chinoise ?
L’acier n’est pas seulement un produit industriel : pour la Chine, il constitue un outil géopolitique. Depuis les années 2010, Pékin exploite sa surcapacité sidérurgique pour influencer les relations commerciales mondiales. En inondant les marchés, notamment européens, elle renforce sa présence économique, crée une forme de dépendance stratégique et affaiblit les industries locales.
Cette stratégie s’inscrit dans une politique plus large, illustrée par les Nouvelles routes de la soie, où la sidérurgie joue un rôle clé dans la construction d'infrastructures servant l’expansion de son influence.
Cette domination sur le marché européen fait peser un risque de sécurité économique : en cas de tensions diplomatiques, Pékin peut utiliser ses exportations comme levier, tandis que la dépendance accrue de l’UE réduit sa capacité à négocier sans subir de pressions. Si d’autres marchés comme les États-Unis se ferment, l’Europe pourrait devenir le principal débouché des surplus chinois.
Comment l’Europe réagit à cette surproduction qui arrive sur le marché intérieur ?
L’Union européenne a réagi tardivement et de manière fragmentée face au dumping chinois dans le secteur de l’acier. Depuis 2016, les mesures antidumping ont été affaiblies par des divisions internes : les pays de l’Est craignent de perdre l’accès à de l’acier bon marché, tandis que l’Allemagne hésite entre défendre sa sidérurgie et préserver ses exportations vers la Chine.
Cette faiblesse stratégique menace la souveraineté industrielle de l’UE, notamment dans la transition énergétique, très dépendante de l’acier. Ce n’est qu’après l’annonce de nouveaux droits de douane américains que Bruxelles a envisagé de limiter les importations chinoises.
Quels leviers l’Union européenne peut-elle mobiliser pour renforcer sa souveraineté industrielle face aux pressions exercées par la Chine dans le secteur de l’acier ?
Bien que moins frappante qu’une guerre commerciale directe, comme celle opposant les États-Unis à la Chine, la stratégie chinoise dans le secteur de l’acier crée un climat d’instabilité qui affaiblit le projet de souveraineté industrielle de l’Union européenne.
Pour relever ces défis, l’UE devrait adopter une approche plus proactive et coordonnée. Cela passe par un renforcement des mesures antidumping, un soutien accru à l’innovation et une réduction de sa dépendance aux importations chinoises. Parallèlement, l’Union devrait intensifier ses efforts diplomatiques pour résoudre les différends commerciaux avec Pékin et promouvoir des règles de concurrence équitables.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.
--
English version :
Junior consultant in public affairs, Elisa Camia specializes in EU-China relations, particularly in the economic and geopolitical sectors. She provides a monthly update on Euradio about EU-China relations.
Hello Elisa, today you will talk about Chinese steel exports to Europe. The overcapacity in steel production in China has significant repercussions on the global market, particularly on the European Union. So, what are the causes and consequences of China’s steel production overcapacity ?
China is the world’s largest steel producer, accounting for about 55% of global production in 2023. Due to a decline in domestic demand, notably caused by the crisis in the real estate sector, China is facing a production overcapacity estimated at 400 million tons, more than twice the total demand of the European market, which is 155 million tons. To dispose of this overproduction, China has started to export its steel massively at prices below production costs.
What is the impact in Europe ?
The influx of low-cost Chinese steel puts enormous pressure on European producers, who face higher production costs, particularly due to strict environmental standards and higher energy costs. This unfair competition has led to the closure of several production sites in Europe, resulting in significant job losses.
Does steel play a role in China’s geopolitical strategy ?
Steel is not just an industrial product: for China, it is a geopolitical tool. Since the 2010s, Beijing has exploited its steel overcapacity to influence global trade relations. By saturating markets, especially in Europe, China bolsters its economic influence, fosters strategic dependency, and undermines local industries.
This strategy is part of a broader policy, illustrated by the Belt and Road Initiative, where the steel industry plays a key role in building infrastructures that serve the expansion of China’s influence.
This dominance in the European market poses an economic security risk: in the event of diplomatic tensions, Beijing can use its exports as leverage, while the EU’s growing dependence reduces its ability to negotiate without facing pressure. If other markets, such as the United States, adopt protectionist measures, Europe could become the main outlet for China's surplus.
How is Europe responding to this overproduction entering the domestic market ?
The European Union's response to Chinese steel dumping has been delayed and lacked cohesion. Since 2016, anti-dumping measures have been weakened by internal divisions: Eastern European countries fear losing access to cheap steel, while Germany hesitates between protecting its steel industry and preserving its exports to China.
This strategic weakness threatens the EU's industrial sovereignty, particularly in the energy transition, which is highly dependent on steel. It was only after the announcement of new American tariffs that Brussels considered limiting Chinese imports.
What tools can the European Union use to strengthen its industrial sovereignty in response to the pressure exerted by China in the steel sector ?
Although less striking than a direct trade war, such as the one between the United States and China, China’s strategy in the steel sector creates a climate of instability that undermines the European Union’s goal of industrial sovereignty.
To meet these challenges, the EU should adopt a more proactive and coordinated approach. This would involve strengthening anti-dumping measures, increasing support for innovation, and reducing its dependence on Chinese imports. At the same time, the Union should intensify its diplomatic efforts to resolve trade disputes with Beijing and promote fair competition rules.
An interview by Laurence Aubron.