Chine - Europe : entre tensions et perspectives

Le 50e anniversaire des relations sino-européennes

©  European Union, 2025 - Photographer : Christophe Licoppe Le 50e anniversaire des relations sino-européennes
© European Union, 2025 - Photographer : Christophe Licoppe

Elisa Camia, consultante junior en affaires publiques, est spécialisée dans les relations entre l’UE et la Chine, notamment aux niveaux économique et géopolitique. Elle revient chaque mois sur Euradiosur les relations euro-chinoises.

Below you will find the English version of this article.

Y a-t-il eu des nouveautés entre l’Europe et la Chine pendant les vacances ?

En juillet 2025, l’Union européenne et la Chine ont célébré à Pékin le cinquantième anniversaire de leurs relations diplomatiques. Un demi-siècle de dialogue, marqué par l’expansion du commerce et la montée d’interdépendances, mais aussi par des tensions géopolitiques de plus en plus visibles. Ce sommet, réduit à une seule journée à la demande de Pékin, illustre à la fois la nécessité de coopérer et l’incapacité des deux parties à établir une relation équilibrée.

Que s’est-il passé lors de cette rencontre ?

Déjà, il est important de souligner la présence de Xi Jinping. Depuis plusieurs mois, son absence des grands rendez-vous internationaux alimentait les spéculations. Sa présence a dissipé ces doutes, mais elle n’a rien changé au fond des discussions. Le président chinois a accueilli Ursula von der Leyen et António Costa avec des mots flatteurs, plaçant l’Europe et la Chine sur un même plan de « grandes puissances ». Mais derrière les gestes de courtoisie, aucune concession n’a été faite sur les dossiers brûlants.

Et quels sont ces sujets ?

Sur la guerre en Ukraine, la ligne de Pékin reste inchangée depuis 2022 : pas de condamnation explicite de l’agression russe. Aux appels de Bruxelles à faire pression sur Moscou et à mettre fin au soutien militaire indirect apporté par la Corée du Nord, Xi Jinping a répondu que « les défis de l’Europe ne viennent pas de la Chine ». La Chine reste un soutien politique, économique et technologique de la Russie. Pékin considère que la guerre en Ukraine est un problème européen, et que Bruxelles n’a pas les moyens d’imposer sa vision.

Le commerce constitue l’autre ligne de fracture majeure. Les échanges ont explosé en cinquante ans, mais l’Europe subit un déficit de plus de 300 milliards d’euros en 2024. Les surcapacités chinoises, renforcées par la guerre commerciale avec les États-Unis, inondent le marché européen, notamment en véhicules électriques, panneaux solaires et batteries, illustrant un modèle soutenu par des subventions et pratiquant un dumping systémique.

Pourriez-vous donner quelques exemples concrets de ce modèle et comment l’Europe réagit-elle ?

Bruxelles tente de réagir : les enquêtes antidumping se multiplient, les restrictions sur l’importation de véhicules électriques se durcissent et les menaces de sanctions deviennent plus précises. Pékin, reste très calculateur : il impose des restrictions sur les exportations de terres rares, taxe les spiritueux européens et lève partiellement certaines sanctions pour mieux les rétablir ensuite. Chaque geste présenté comme une concession n’est souvent qu’un retour à la situation précédente. Même la levée des sanctions sur certains parlementaires européens au printemps n’a pas trompé Bruxelles, qui y voit surtout une diplomatie affichant la conciliation sans céder sur le fond.

Le 50ᵉ anniversaire a-t-il entraîné d’autres résultats ?

Le sommet a tout de même produit un communiqué commun sur le climat. Les deux parties y réaffirment leur engagement à coopérer dans le cadre de l’Accord de Paris, à renforcer leurs systèmes d’échange de quotas carbone et à avancer vers un traité international sur la pollution plastique. Mais là encore, la distance entre le discours et la réalité est bien visible. Car si l’Europe se veut leader de la transition énergétique, la Chine continue de miser sur le charbon. Pékin accélère dans les énergies renouvelables tout en consolidant une base fossile qui lui assure sa puissance industrielle, là où l’Europe est contrainte par ses propres engagements climatiques.

Quelle est la dynamique actuelle des relations entre l’Europe et la Chine ?

Au fond, c’est bien une logique de rapport de force qui structure cette relation : la Chine refuse tout désengagement et l’Europe, dépendante de ses minerais, batteries et technologies vertes, dispose de marges limitées. Cinquante ans après le début du partenariat, la Chine impose sa puissance industrielle et énergétique, tandis que l’Europe, avec peu de résultats, tente de préserver ses intérêts stratégiques et son autonomie.

Pour Xi Jinping, ce sommet européen n’est qu’une étape, une préparation à une éventuelle rencontre avec Donald Trump avant la fin de l’année. À ses yeux, l’Europe apparaît divisée et reléguée à un rôle secondaire, tandis que la Chine affiche confiance et cohérence dans ses positions.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.

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English version :

Junior consultant in public affairs, Elisa Camia specializes in EU-China relations, particularly in the economic and geopolitical sectors. She provides a monthly update on Euradio about EU-China relations.

Have there been any new developments between Europe and China during the holidays?

In July 2025, the European Union and China marked in Beijing the 50th anniversary of their diplomatic relations. Half a century of dialogue, characterised by expanding trade and growing interdependence, but also by increasingly visible geopolitical tensions. This summit, shortened to a single day at Beijing’s request, reflects both the necessity of cooperation and the inability of the two sides to establish a balanced relationship.

What happened during this meeting?

First of all, it is important to highlight Xi Jinping’s presence. For several months, his absence from major international gatherings had fuelled speculation. His attendance dispelled these doubts, but it did nothing to alter the substance of the discussions. The Chinese president welcomed Ursula von der Leyen and António Costa with flattering words, placing Europe and China on the same level as “great powers”. Yet behind the gestures of courtesy, no concessions were made on the most contentious issues.

So, what are these issues?

Regarding the war in Ukraine, Beijing’s position has remained the same since 2022: no explicit condemnation of Russia’s aggression. In response to Brussels’ calls to put pressure on Moscow and to halt the indirect military support channelled through North Korea, Xi Jinping remarked that ‘Europe’s challenges do not come from China’. China continues to back Russia politically, economically and technologically. Beijing sees the war in Ukraine as a European problem, and believes Brussels lacks the means to shape its outcome.

Trade stands out as the other major source of tension. Exchanges have surged over the past fifty years, but Europe faced a deficit of over €300 billion in 2024. Chinese overcapacity, reinforced by the trade war with the United States, is flooding the European market—particularly in electric vehicles, solar panels and batteries—highlighting a model supported by subsidies and engaging in systemic dumping.

Could you provide a few concrete examples of this model, and what is Europe doing in response?

Brussels is trying to respond: anti-dumping investigations are multiplying, restrictions on electric vehicle imports are being tightened, and threats of sanctions are becoming more precise. Beijing remains highly calculating: it imposes restrictions on rare earth exports, taxes European spirits, and partially lifts certain sanctions only to reinstate them later. Every gesture presented as a concession is often merely a return to the previous situation. Even the lifting of sanctions on certain European parliamentarians in the spring did not fool Brussels, which saw it primarily as diplomacy aimed at showing conciliation without yielding on substance.

Did the 50th anniversary lead to any other outcomes?

The summit nevertheless produced a joint communiqué on climate. Both sides reaffirmed their commitment to cooperate under the Paris Agreement, to strengthen their carbon trading systems, and to move towards an international treaty on plastic pollution. Yet once again, the gap between rhetoric and reality is clear. While Europe seeks to position itself as a leader in the energy transition, China continues to rely on coal. Beijing is advancing in renewable energy while consolidating a fossil fuel base that secures its industrial power, whereas Europe is constrained by its own climate commitments.

How are relations between Europe and China evolving at present?

At its core, this relationship is structured by a logic of power: China refuses to disengage, while Europe, dependent on its minerals, batteries and green technologies, has limited room for manoeuvre. Fifty years after the start of the partnership, China asserts its industrial and energy power, whereas Europe, achieving few results, is trying to safeguard its strategic interests and autonomy.

For Xi Jinping, this European summit is merely a stepping stone, a preparation for a possible meeting with Donald Trump before the end of the year. In his view, Europe appears divided and relegated to a secondary role, while China projects confidence and consistency in its positions.

An interview by Laurence Aubron.