La guerre des étoiles

L'histoire de l'ISS

© ESA L'histoire de l'ISS
© ESA

Tous les mercredis, écoutez Iris Herbelot discuter d'un sujet du secteur spatial. Tantôt sujet d'actualité ou bien sujet d'histoire, découvrez les enjeux du programme européen Hermès, de la nouvelle Ariane 6, ou encore de la place de l'Europe dans le programme Artémis. Ici, nous parlons des enjeux stratégiques pour notre continent d'utiliser l'espace pour découvrir, innover, et se défendre.

Il y a deux semaines, nous avons débunké l’idée que Butch Wilmore et Sunita Williams y étaient coincés, mais outre les astronautes qui l’habitent, qu’est-ce que c’est que l’ISS ?

L’ISS, International Space Station en anglais, d’où son acronyme, c’est une station en orbite basse terrestre, donc entre 100 et 2000 kilomètres au-dessus du sol. Elle orbite autour de la Terre seize fois par jour, à environ 400 kilomètres d’altitude, et fait la taille d’un terrain de football !

Ça semble trop grand pour rentrer dans la coiffe d’une fusée, un terrain de football…

Oui, l’ISS est très particulière à plein d’égards, et sa caractéristique première, c’est qu’elle est un agrégat de plein de stations nationales, de modules de différents pays qui ont été assemblés, ou amarrés on pourrait dire, en orbite, dans l’espace, en orbitant à presque huit kilomètres par seconde autour de notre planète.

Une idée complètement folle dit comme ça, qui en est à l’origine ?

L’idée d’une station internationale est venue après les idées d’une station nationale dans différents pays. Dans les années 80, les Etats-Unis voulaient construire la station spatiale Freedom, qui a n’a pas été jusqu’au bout du développement mais a été transformée en le module orbital américain de l’ISS. Au même moment, les deux autres puissances spatiales de l’époque, l’Europe et l’URSS, voulaient aussi construire leurs propres stations, respectivement MTFF et MIR.

MIR est un nom que l’on a déjà entendu à l’antenne !

Oui, c’est le fameux module sur lequel ont coopéré l’ESA et ROSCOSMOS après la chute de l’URSS. Contrairement à Freedom, MIR a été une véritable station spatiale opérationnelle, qui a orbité la Terre pendant 15 ans, elle a été désorbitée en 2001. Et de nombreux astronautes européens ont effectué des missions dedans. Et le successeur à MIR, MIR-2, a été intégré à l’ISS, en étant relié à la version de Freedom qui a été mise en orbite. C’est la détresse financière de la Russie après la chute de l’URSS et les restrictions budgétaires de la NASA qui ont permis que Russes et Américains se serrent littéralement la main depuis 26 ans dans l’espace !

Une coopération efficace comme on aimerait en voir plus sur Terre.

Il n'y a hélas aucun équivalent. Des décennies de cohabitation entre cosmonautes et astronautes, un assemblage en orbite qui a duré plus de 10 ans, des équipages mixtes lancés sur une Soyouz et ravitaillés par une navette américaine… C’est ce qui fait de l’ISS un symbole de coopération internationale réussie. Et n’oublions pas les Européens, les Japonais et les Canadiens, qui ont aussi contribué aux modules de l’ISS et aux équipages des missions !

Outre sa valeur symbolique, quel est le but de l’ISS ?

L’idée de coopérer sur une station internationale, c’est d’abord de réduire les coûts. L’ISS a coûté plus de 150 milliards de dollars, c’est la construction la plus chère de l’histoire de l’humanité. Et répartir les dépenses, ç’a permis de la faire exister.

L’ISS a été conçue pour effectuer des expériences scientifiques et d’observation, et d’autres missions se sont rajoutées au fil des années. Les modules sont de véritables laboratoires, et des appareils comme l’AMS, qui est docké à la station et cherche à détecter de la matière noire dans l’univers, ne pourraient pas fonctionner sans l’ISS, parce que les immenses panneaux solaires qui alimentent la station en énergie sont incomparables avec les dimensions beaucoup plus modestes des autres satellites.

C’est un budget énorme pour un laboratoire quand même.

C’est un gros investissement, mais qui a permis pendant la durée de vie de l’ISS de faire des recherches applicables sur Terre, voire ailleurs. Et de faire des découvertes très enthousiasmantes pour nous en tant qu’espèce humaine, par exemple en observant qu’une bactérie terrestre pouvait survivre pendant trois ans dans le vide spatial. Quand l’étude est parue en 2020, on a fait un premier pas vers la preuve que la vie existe ailleurs que sur notre planète.

Le mot de la fin, quel est l’avenir de l’ISS ?

Toutes les bonnes choses ont une fin. Le coût d’entretien de la station dont les modules sont très vieillissants, l’émergence de la Chine comme acteur indépendant avec sa propre station, de l’Inde comme puissance spatiale qui n’est pas un pays actif sur l’ISS, les tensions géopolitiques entre l’Europe et la Russie, vont avoir raison de la station spatiale internationale. A priori, l’ISS sera désorbitée en 2030. Elle aura à ce moment-là passé plus de trente ans en orbite terrestre, en étant quasi constamment habitée. Ce sera la fin d’une grande épopée, mais il faut garder en tête que le projet d’origine prévoyait que l’ISS soit opérationnelle 15 ans, et que des projets publics et privés sont dans les tuyaux pour prendre la relève !

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.

Épisodes précédents