Tous les mercredis, retrouvez Tarinda Bak sur euradio pour sa chronique intitulée "L'européenne de demain", dans laquelle il sera question des combats menés par les femmes en Europe et partout dans le monde.
Tarinda une date : 1975. Puis une mémoire ?
La mémoire de celle qui s’est indignée pour que chacune d’entre nous puisse avoir la liberté de choisir. Simone Veil. Son histoire, liée à celle de l’avortement, a marqué la France tout entière. Mais davantage que la France, elle a marqué l’Union européenne. Entendons-nous bien. Il ne s’agissait pas d’imposer un point de vue, loin de là. Mais d’offrir la liberté aux femmes, celle de choisir, celle de contrôler leur sexualité et leur vie. Pourtant, ce message fut et fait encore polémique qu’importe l’endroit.
Parlez-vous de Malte ?
Parfaitement. Au sein de l’Union européenne, Malte est le seul État membre qui possède une législation interdisant formellement l’IVG, l’interruption volontaire de grossesse. Ainsi, l’avortement devient illégal puisque les femmes ayant avorté ou les médecins ayant pratiqué l’avortement à une patiente peuvent être sanctionné·es à hauteur de 3 ans de prison ferme.
Alors, depuis la prise en poste de Roberta Metsola en tant que présidente du Parlement européen, un débat est venu rappeler avec force la prise de position de l’État maltais. D’ailleurs, elle représente elle-même le parti conservateur de son pays. Plus qu’un reproche émis à l’égard de Malte, ce fut une crainte généralisée envers la femme politique en rappelant avec horreur que les avortements pratiqués illégalement représentent l’équivalent d’une femme morte toutes les neuf minutes dans le monde en 2018.
Alors à quoi les femmes européennes devaient s’attendre à présent ? C’est la raison pour laquelle Roberta Metsola a su rappeler et rassurer l’Union européenne en déclarant qu’elle soutiendrait, en tant que présidente du Parlement, la position de ce dernier et non celle de son pays.
Et au sein des autres États membres, les Européennes peuvent donc toutes avorter légalement ?
Permettez-moi de regrouper ce droit en trois catégories. Nous avons d’une part les États membres qui autorisent l’IVG de manière limitée. La Pologne est la seule illustration de celle-ci puisque l’avortement n'est autorisé qu’en cas de viol, inceste ou lorsque la vie de la mère est mise en danger.
Puis nous avons le cas de la Finlande, qui l’autorise sous conditions. Effectivement, l’IVG ne sera possible seulement lorsque la mère est âgée de moins de 17 ans ou de plus de 40 ans, après quatre enfants ou ayant rencontré des difficultés économiques, sociales ou de santé.
Enfin, il y a les législations de certains États membres qui autorisent pleinement l’avortement sans conditions, plus précisément 23 pays. Ainsi, les mères n’ont pas besoin de justificatif pour avoir recours à l’IVG. Toutefois, il est pertinent de signaler que le délai de ces États varie de 10 semaines pour le Portugal à 24 semaines pour les Pays-Bas.
Tarinda, vous avez dit 23 États et non 24. Vous avez omis la Hongrie n’est-ce pas ?
Exactement. La Hongrie contraint désormais les femmes souhaitant avoir recours à une IVG, à se confronter aux battements de cœur de leur fœtus avant l’opération. Cette nouvelle loi mise en vigueur le jeudi 15 septembre, portée par le parti d'extrême droite Mi Hazank et signée par le ministre de l'Intérieur Sandor Pinter, témoigne du durcissement de la Hongrie face à la question de l’avortement. Surprenant ? Je ne pense pas puisque quelques mois plus tôt, une campagne contre l'avortement avec des fonds européens avait été menée, provoquant dès lors la colère de la Commission européenne. Sans omettre bien évidemment la révocation de l'arrêt Roe V. Wade.
Y aurait-il une corrélation avec la demande de certaines femmes françaises de constitutionnaliser le droit à l’avortement en France ?
Parfaitement. La nouvelle législation a provoqué de l’horreur chez toutes les femmes européennes. Prises de craintes, et indignées, celles-ci se sont interrogées sur l’avenir d’un droit si polémique, ainsi que sur les éventuels reculs législatifs d’autres pays. Comment être sûre que nos droits ne seront pas effacés petit à petit, amendement par amendement, sans que l’on ne puisse rien y changer ?
C‘est la raison pour laquelle une proposition de loi constitutionnelle visant à protéger le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse fut déposée. Celle-ci prendrait la forme suivante, celle de l’article 66-2 : « Nul ne peut entraver le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse ».
Un mot pour la fin ?
200 000 : c'est le nombre de femmes qui ont recours chaque année à l’IVG en France aujourd’hui. Alors réfléchissons, la Constitution est-elle le seul moyen de nous protéger contre un recul législatif ?
Entretien réalisé par Laurence Aubron