Tous les mercredis, retrouvez Tarinda Bak sur euradio pour sa chronique intitulée "L'européenne de demain", dans laquelle il sera question des combats menés par les femmes en Europe et partout dans le monde.
Que nous offre l’Union européenne cette semaine ?
Tout d’abord, une devinette. Si je vous dis : exorcisme, prière, viol genré, et propagande ; vous me répondez ?
Thérapies de conversion ?
Oui. Ces dernières, définies comme des pratiques qui ont pour finalité la soit-disant «guérison» de l’homosexualité ou encore la transidentité d’un·e individu sont bel et bien le sujet de cette semaine.
N’ont pas t-elles été retirées des maladies mentales par l’Organisation Mondiale de la Santé en 1990 ?
En effet. Pourtant, 69 pays considèrent encore l’homosexualité comme répréhensible pénalement. D’ailleurs, savez-vous qu’en France, en 2019, ces effroyables pratiques représentaient 4,2% « des appels sur la ligne téléphonique de l’association « Le Refuge », soit neuf à dix appels par mois.
C’est Malte qui a été le premier européen à les interdire, n’est-ce pas ?
Parfaitement.
2016 est l’année du premier pays européen, où Malte, à travers sa législation, a souhaité bannir les pratiques de conversion. L’ordre juridique maltais définit ces pratiques comme un : « traitement, pratique ou effort soutenu pour changer, réprimer et/ou éliminer l’orientation sexuelle, l’identité de genre et/ou l’expression de genre d’une personne ». Et ce n’est que plus récemment que, l’Assemblée nationale française a adopté le 26 janvier 2022, le projet de loi interdisant ces thérapies de conversions.
Pensez-vous que cette législation devrait inspirer les autres pays européens ?
Oui, et ce pour deux raisons. D’une part, la législation française vient préciser, et alourdir la peine pour toute tentative de dite « conversion ». En effet, en France, la loi punit les individus s’adonnant à de telles pratiques avec deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amendes. De plus, lorsqu’il est question de pratique sur des mineurs, cette peine se voit alourdie à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amendes.
D’autre part, cette nouvelle loi qui vient de créer un délit spécifique, vient renforcer une législation pénale d’ores et déjà existante. En effet, le code pénal permettait déjà aux victimes de saisir la justice pour les motifs suivants : harcèle- ment sexuel, harcèlement moral, violences physiques, violences psychologiques, agressions sexuelles, viols, torture, séquestration, qui, s’ils sont pris dans leur ensemble, correspondent au descriptif des infractions pénales constatées lors d’une thérapie de conversion, exercée à l’encontre d’un·e individu.
Le code pénal est-il le seul outil juridique à être renforcé ?
Non, puisque le code de la consommation, ainsi que le code de la santé publique, sont également concernés avec, pour le premier la qualification de pratiques commerciales trompeuses, ainsi que pour la guérison d’une homosexualité comme objet de poursuite pour exercice illégal de profession de santé, concernant le deuxième.
Cette nouvelle législation se résume-t-elle seulement à renforcement des lois préexistantes ?
Certes, cette nouvelle législation vient créer un fondement pénal spécifique. Mais, surtout, elle offre aux personnes concernées, la possibilité d’être reconnues comme victime du fait de leur homosexualité. Ceci participe à une meilleure acceptation de soi, en tant qu’individu et victime de violences, devant la société, et la justice. À ce propos, ce délit spécifique permet également le développement d’un régime particulier, qui in fine, faciliterait la prise en charge des victimes et permettrait la réalisation de statistiques, mettant davantage en lumière les problématiques de visibilité.
Quelles sont les limites législatives à cette avancée française et européenne ?
Malgré ces interdictions, on constate encore des limites que l’on retrouve dans la législation de Malte, d’Allemagne ou encore d’Espagne. En effet, le caractère insidieux et discret des thérapies de conversion, ainsi que leurs discours, entraîne une difficulté, celle de comprendre les véritables intentions dissimulées aux yeux du grand public. Sans omettre la pression familiale, ou celle effectuée à soi-même, qui agit de manière générale à travers un prisme hétéronormé, rendant encore plus difficile la poursuite judiciaire de telles pratiques.
Un mot pour la fin ?
Un appel, un appel à nos amis européens et européennes, à un appel à nos citoyens et citoyennes. Si nous vivions dans une Europe où l’on s’inspire des meilleures législations de chaque État membre, quels seraient nos droits ? Quelle serait notre vie ? Quelle serait l’Union Européenne ?
Entretien réalisé par Laurence Aubron.