Alors, avez-vous passé une bonne semaine ?
On peut le dire, car – après des années de flottement et de non-décision – on est enfin parvenu vendredi à un accord sur la gestion par l’UE des flux migratoires. C’est la nouvelle, dont la difficile gestation aura dominé toute la semaine dernière, et qui mérite un retour en arrière pour la bien comprendre.
Alors, allons-y…
Traditionnellement, depuis les années 1950, l’immigration vers les pays européens revêtait deux formes : d’une part, les réfugiés fuyant un conflit armé ou la persécution, situations bien codifiées par les Nations-Unies, et, d’autre part, les travailleurs dont l’essor économique de l’ouest du continent avait grand besoin, souvent dans le cadre d’accords officiels avec les pays fournisseurs de main-d’œuvre.
Les décolonisations des années 1960 devaient amplifier ce dernier aspect.
Cependant, peu à peu, les Européens, par laxisme ou par générosité, ont laissé filer la quenouille, pour s’apercevoir depuis une vingtaine d’années qu’ils ne géraient plus les flux migratoires qu’à la marge.
Mais comment en est-on arrivé là ?
D’abord, parce qu’un grand nombre de candidats au statut de réfugié ne sont en réalité que des migrants économiques à la recherche d’une vie plus confortable que dans leur pays d’origine, où ils ne sont nullement menacés.
Mais le temps nécessaire à instruire leur dossier est tellement long que, le pot-aux-roses découvert, les dirigeants politiques rechignent à les renvoyer – sans compter que, régulièrement, leurs pays d’origine refusent sous des prétextes divers de les reprendre.
L’autre raison, c’est qu’au nom de la souveraineté nationale, la gestion de l’immigration relève de chaque pays, alors que, de toute évidence, le phénomène est paneuropéen.
Constatant que les migrants, dont la candidature se trouvait rejetée par un pays, traversent une frontière intérieure de l’UE et réintroduisent leur dossier dans le pays voisin, les Européens ont voulu mettre le holà à ce tourisme migratoire : ce sont les Règlements dits de DUBLIN. Ceux-ci disposent notamment que seul le premier pays européen où débarque le candidat à l’immigration est compétent pour statuer sur sa demande.
Cela n’a marché qu’un certain temps, semble-t-il…
En effet, car ces règlements ne tenaient pas compte de la réalité ; c’est que sur un petit nombre de pays du sud de l’Europe : Italie, Malte, Grèce, Espagne, se concentrent les principaux points d’entrée de l’immigration, et que leurs possibilités d’accueil temporaire et de constitution des dossiers individuels ne parviennent pas à en digérer la masse.
Mais on a bien tenté de corriger cela, non ?
A peine arrivé à la présidence de la Commission européenne, Jean-Claude JUNCKER avait proposé en 2015 un plan de répartition des migrants entre pays de l’UE, en fonction de leur population, de leurs moyens, et du nombre d’immigrés déjà accueillis. Ce projet de simple bon sens a été aussitôt torpillé par les cris d’orfraie de nombre de pays-membres de l’UE, de sorte qu’il a fallu attendre jusqu’à cette année pour qu’on s’attelle à nouveau sérieusement à la régulation des flux migratoires – alors qu’entre temps, le phénomène s’est amplifié et dégradé, au point d’occuper le centre du débat politique national dans tous les pays de l’UE.
Alors, quelle est la nouveauté centrale de l’accord ?
En gros, ou bien chaque pays accepte son quota d’immigrés, ou bien il verse au pot commun une contribution de 20.000 Euros par migrant non-accueilli par lui. Parallèlement, seront considérablement renforcés les contrôles aux frontières et accélérés, les renvois dans les pays d’origine.
Les deux volets de cette nouvelle orientation politique seront maintenant débattus au Parlement européen, où la majorité devrait s’y montrer favorable, avant d’être adoptés en Conseil des ministres de l’Intérieur de l’UE, où les voix dissonantes de la Hongrie et de la Pologne ne pourront bloquer le projet, puisque le vote à l’unanimité n’est pas requis.
Merci, de ces explications détaillées, qui ne nous laissent que peu de temps pour évoquer le reste de l’actualité de la semaine…
C’est vrai, mais ce dossier de l’immigration, on l’aura compris, éclipse le reste – on aura l’occasion d’y revenir.
Alors, terminons sur une information tout autre : les cas de harcèlement moral et/ou sexuel et de détournements de fonds, ayant entraînés la suspension de députés britanniques de leurs différents partis à Westminster, ont, selon mes calculs, atteint le nombre de quinze élus, lesquels siègent désormais en indépendants. Ils pourraient donc à eux seuls former un groupe politique des harceleurs-détourneurs, qui compterait même un siège de plus que le groupe des libéraux-démocrates. Simple hypothèse.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.