L'Europe au plus près

L'Europe au plus près - Vendredi 8 mars

@Ukraine presidency L'Europe au plus près - Vendredi 8 mars
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Chaque vendredi, l'équipe d'euradio à Bruxelles décrypte l'actualité et le travail d'une institution européenne. 

Au programme :

- L'Europe se renforce sur le plan de la défense

- Un accord entre le parlement et le conseil sur l'interdiction des produits issus du travail forcé

- Statu quo sur la suppression temporaire des frais de douanes pour les produits issus de l'agriculture ukrainienne.

Ouvrons ce journal en évoquant la volonté de l’Union européenne de se renforcer sur le plan de l’industrie de la défense, alors que les craintes d’une nouvelle escalade de l’agression russe contre   n’ont peut-être jamais été aussi fortes.

Des inquiétudes renforcées par les bombardements ayant touché la ville d’Odessa depuis plusieurs jours. Le 2 mars déjà une attaque de drone avait fait 12 morts dans cette ville portuaire du sud de l’Ukraine. Puis le 6 mars, des explosions ont retenti à moins de 200 mètres de la position du président ukrainien Volodymyr Zelensky et du Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis en déplacement diplomatique. 

Un nouveau signe de potentielle escalade de la part d’une Russie qui a multiplié les bombardements ces derniers mois. Le colonel-général russe Vladimir Zarudnitski a d’ailleurs récemment déclaré que le scénario d’un débordement du conflit à une guerre de grande échelle contre l’Europe n’était, je cite “pas à exclure”. 

Face à l’urgence de la situation en Ukraine, certains États membres ont décidé ces derniers jours d'accélérer les livraisons d’armes à Kiev.

C’est une initiative de la République Tchèque qui fait particulièrement parler ces dernières semaines. Le Président Petr Pavel a déclaré, le 17 février, avoir identifié environ 800 000 obus dans le monde. L’idée serait donc de racheter ces bombes, détenues par des pays hors de l’Union européenne, pour venir en aide à une armée ukrainienne en souffrance ces dernières semaines, notamment à cause du manque de munitions.

Et autre signe de la volonté européenne d’accentuer les aides vers l’Ukraine : la France a brisé un tabou en évoquant un potentiel envoi de troupes sur le front.

Oui, le président français Emmanuel Macron a notamment déclaré que la possibilité d’envoyer des troupes occidentales en soutien directement sur le front n’était pas à exclure. Un discours qui a provoqué l’ire de Moscou.

La Commission européenne souhaite également mettre en place un plan à hauteur de 1,5 milliard d’euros pour la défense.

Oui objectif affiché : diminuer la dépendance à l’étranger sur le plan militaire. Depuis le début de la guerre en Ukraine 70% des budgets des pays européens ont été utilisés pour acheter du matériel en dehors du continent. La grande majorité de ces dépenses étant d’ailleurs au profit des États-Unis. L’Europe souhaite donc devenir productrice de la moitié de ses armements d’ici à 2030. En revanche, le montant annoncé est jugé assez faible, y compris par certains commissaires, au regard de l’ampleur des travaux à opérer pour redynamiser un secteur au ralenti depuis des décennies.

Poursuivons ce journal en évoquant un accord trouvé par le Conseil et le Parlement européen sur le bannissement des produits issus du travail forcé.

27 millions de personnes sont victimes du travail forcé dans le monde selon l’Organisation Internationale du travail. L’Union européenne souhaite donc établir une tolérance zéro sur ces pratiques. Si leur recours est prouvé, les produits qui en sont issus seront donc saisis aux frontières et retirés du marché. De même, les entreprises pourront être soumises à des amendes en cas de non-respect de ces règles.

Un État est particulièrement ciblé par ce texte : la Chine, souvent pointée du doigt pour ses nombreux manquements aux droits humains.

La loi établira d’ailleurs des zones à risques, dans lesquelles des enquêtes pourront être réalisées, et la région du Xinjiang dans laquelle sont massivement exploitées les minorités musulmanes en fera évidemment partie. Une loi similaire existe d’ailleurs déjà chez le grand rival commercial de la Chine, à savoir les États-Unis. 

Pour être appliqué cet accord doit encore être approuvé formellement par les États membres et le Parlement.

Et cela pose d’ailleurs question, car certains gouvernements pourraient potentiellement chercher à modifier ce texte. En particulier le FDP, le parti libéral allemand, qui est membre de la coalition majoritaire et qui s’est montré plutôt réticent vis-à-vis de cet accord. Une fois approuvées, les États membres auront 3 ans pour mettre en place ces mesures.

Attention toutefois, on ne parle pas ici du texte sur le devoir de vigilance, qui est lui toujours bloqué par les États membres.

Non, le texte sur le devoir de vigilance a une portée plus large puisqu’il rend les entreprises responsables pour tout manquement aux droits humains, mais également aux normes écologiques de la part de leurs filiales. Certains États membres reprochant la lourde charge administrative que cela imposerait aux entreprises.

Concluons ce journal, en évoquant la décision de la Commission du commerce international au Parlement européen de renouveler les avantages dont bénéficient les produits agricoles ukrainiens en Europe.

Une décision particulièrement controversée qui doit encore être approuvée lors de la session plénière du 11 au 14 mars. Pour rappel, ces avantages dont bénéficient les productions ukrainiennes, avec en tête de liste une suppression temporaire des frais de douane, sont une des raisons provoquant les protestations massives d'agriculteurs en Europe ces derniers mois. Les organisations syndicales Copa et Cogeca ont d’ailleurs dénoncé l’absence totale d’amendement présents dans la version actuelle du texte.

De son côté, si l’Ukraine salue le renouvellement de ce texte, elle se dit également prête à accepter certaines restrictions.

C’est ce que déclarait le Ministre ukrainien du commerce, Taras Kachka au Financial Times. Toutefois, il souhaiterait que ces nouvelles restrictions soient couplées à une interdiction totale des importations russes. Une déclaration qui rejoint les propos du Premier ministre polonais Donald Tusk qui demande des restrictions sur certains produits dont la volaille. 

La Pologne qui est un des pays les plus touchés par les manifestations d’agriculteurs. Des centaines de tracteurs se sont déplacés à plusieurs reprises jusqu’à la frontière ces dernières semaines avec l’Ukraine pour bloquer les camions et les trains transportant des produits issus de leur voisin.

Un journal de Joris Schamberger et Paloma Biessy