Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe revient dans cette chronique hebdomadaire sur les dernières publications de son organisation, notamment de sa revue semestrielle. Énergie, numérique, finances, gouvernance européenne, géopolitique, social, les sujets d'analyse sont traités par des experts européens de tout le continent dont le travail est présenté par Michel Derdevet.
Dans son article « Pour le Triangle de Weimar, il est temps de passer à l'action », Melchior Szczepanik, responsable du bureau de Bruxelles de l'Institut polonais des affaires internationales (PISM), explore le renouveau du Triangle de Weimar, un format de coopération entre la Pologne, l'Allemagne et la France. Après une période d’inertie, ce format a retrouvé une nouvelle dynamique en 2023 avec la formation d’un gouvernement polonais pro-européen, qui a relancé les discussions autour d’un agenda ambitieux pour l’Europe. Dans ce contexte, l’auteur analyse les enjeux de cette coopération renouvelée, son potentiel pour l’intégration européenne, et la manière dont elle pourrait répondre aux défis actuels de l’Union européenne.
Quel est le principal objectif du Triangle de Weimar dans le contexte géopolitique mondial et européen marqué par le retour de Donald Trump et la poursuite de l’invasion de l’Ukraine ?
Le principal objectif du Triangle de Weimar dans cette nouvelle dynamique est de renforcer la coopération entre la Pologne, la France et l’Allemagne pour aborder les grands défis contemporains de l’UE, notamment en matière de sécurité, d’économie et de réformes institutionnelles. Après une période de stagnation, la réactivation du Triangle permet aux trois pays d’agir en concert pour soutenir des initiatives communes, telles que la défense de l'Ukraine face à l'agression russe et la promotion d’une politique climatique ambitieuse. Le Triangle se veut aussi un moteur de l’intégration européenne, en proposant des solutions concrètes pour adapter l’UE aux défis mondiaux actuels. L’un des axes majeurs de cette coopération sera de renforcer la voix de l'UE sur la scène internationale, en particulier dans la gestion de ses relations avec la Russie et les États-Unis, et de travailler sur des réformes internes pour rendre l’UE plus réactive et capable de répondre rapidement aux crises.
Quels sont les enjeux de la coopération au sein du Triangle de Weimar pour l’industrie et l’économie européenne ?
Les enjeux économiques de la coopération au sein du Triangle de Weimar sont d’une importance capitale pour l'avenir de l'UE. L’Allemagne, en raison de sa puissance économique et de ses ressources financières, est bien placée pour impulser une révolution industrielle à l’échelle européenne. De son côté, la France et la Pologne ont un rôle stratégique à jouer, notamment en raison de leur croissance dynamique et de la diversité de leurs secteurs industriels. Ensemble, ces pays pourraient développer une politique industrielle qui favorise la compétitivité tout en respectant les objectifs de décarbonisation de l'UE, un équilibre difficile à atteindre mais essentiel pour l’avenir économique du bloc. Cela pourrait inclure, par exemple, des initiatives communes pour stimuler les « champions industriels européens » tout en assurant une transition verte équitable entre les différents pays membres. En outre, une coopération renforcée sur le budget de l'UE, notamment à travers une révision du cadre financier pluriannuel, pourrait faciliter le financement des projets industriels innovants et soutenir l’investissement dans la transition énergétique. Cela permettrait à l’UE de se positionner comme un leader mondial dans l’industrie verte tout en préservant la compétitivité de son marché intérieur.
Quels obstacles pourraient entraver la pleine réalisation du potentiel du Triangle de Weimar ?
Bien que la réactivation du Triangle de Weimar semble prometteuse, plusieurs obstacles risquent de freiner son plein potentiel. Les divergences historiques et actuelles entre les trois pays sur des questions clés comme la politique énergétique, la solidarité européenne vis-à-vis de l’Ukraine ou les priorités budgétaires restent un frein majeur à la coopération. Ces désaccords, qu'ils soient liés à des intérêts nationaux ou à des visions politiques divergentes, pourraient ralentir les avancées du format. Par ailleurs, le soutien populaire croissant aux partis eurosceptiques dans chacun de ces pays constitue un autre obstacle potentiel, car il rend difficile la mise en œuvre de réformes ambitieuses et la recherche de compromis à long terme. En outre, la politique intérieure de chaque État membre peut également être un frein : les coalitions gouvernementales fragiles, les majorités parlementaires étroites et les préoccupations liées à des élections à venir peuvent rendre les dirigeants moins enclins à prendre des décisions audacieuses sur la scène européenne, préférant éviter les tensions intérieures. Enfin, les priorités nationales des trois pays, comme la protection des industries nationales ou la gestion de la transition énergétique, peuvent aussi se heurter aux impératifs d'une politique européenne commune.
Quel rôle pourrait jouer le Triangle de Weimar dans les réformes de l’Union européenne ?
Le Triangle de Weimar pourrait jouer un rôle décisif dans l’impulsion de réformes nécessaires au bon fonctionnement de l’Union européenne. En raison de son poids diplomatique, économique et militaire, le Triangle dispose des ressources nécessaires pour initier des changements structurels au sein de l’UE. Parmi les réformes les plus urgentes, l’adoption de mécanismes décisionnels plus efficaces est cruciale. Le Triangle pourrait militer pour l’abandon de l’unanimité en matière de décisions de politique étrangère et de sécurité, ce qui permettrait à l’UE d'agir plus rapidement et avec plus de cohésion. Cela inclut également une réforme du système de vote et des budgets européens afin de mieux répondre aux défis géopolitiques actuels, notamment la gestion des crises internationales, la défense de l’Ukraine et la transition énergétique. En outre, le Triangle pourrait jouer un rôle clé dans la redéfinition de la politique de défense de l’UE, en encourageant une plus grande coopération en matière de défense et en intégrant davantage les pays de l’Est, particulièrement vulnérables à l’agression russe. Une réforme institutionnelle pourrait également avoir lieu, favorisant une Europe plus forte et plus autonome, avec une meilleure capacité à concilier les intérêts nationaux et européens. Ces réformes seraient cruciales pour que l'UE reste un acteur influent sur la scène mondiale et pour qu’elle réponde efficacement aux crises mondiales.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.