Échos d'Europe

Les ressources gazières offshores de la mer Méditerranée orientale : un potentiel énergétique pour l’Union européenne ?

Photo de Vicko Mozara sur Unsplash Les ressources gazières offshores de la mer Méditerranée orientale : un potentiel énergétique pour l’Union européenne ?
Photo de Vicko Mozara sur Unsplash

Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe revient dans cette chronique hebdomadaire sur les dernières publications de son organisation, notamment de sa revue semestrielle. Énergie, numérique, finances, gouvernance européenne, géopolitique, social, les sujets d'analyse sont traités par des experts européens de tout le continent dont le travail est présenté par Michel Derdevet.

Le 10 octobre dernier, Confrontations Europe publiait un article de Léah Ktorza, analyste en stratégie et relations internationales, traitant d’un un sujet à la croisée des enjeux économiques, des stratégies énergétiques et des conflits géopolitiques : les ressources gazières offshores de la mer Méditerranée orientale. Dans cet épisode, nous allons nous intéresser à cet espace clé pour la sécurité énergétique du continent.

Quel est le potentiel des gisements gaziers offshores de la Méditerranée orientale et pourquoi ils revêtent un intérêt particulier pour l’Europe ?

L’article rappelle que, dès le début du XXIᵉ siècle, d’importantes découvertes de gaz naturel offshores ont été réalisées au large des côtes de la Méditerranée orientale, dans le bassin du Levant. Cela a conféré à la région un regain d’intérêt sur les marchés énergétiques mondiaux, parce que, bien qu’étant une ressource fossile, le gaz naturel occupe une place centrale dans les mix énergétiques nationaux. Il complète les énergies renouvelables, il participe à la résilience des systèmes énergétiques et peut favoriser la croissance économique.

La région est particulièrement stratégique car elle se situe à l’intersection de trois continents, et elle est traversée des voies maritimes et énergétiques majeures comme le canal de Suez et les détroits turcs. Pour l’Union européenne, qui a besoin de diversifier ses approvisionnements, notamment pour réduire la dépendance au gaz russe après la guerre en Ukraine, ces ressources apparaissent comme une alternative potentielle.

Mais l’exploitation de ces ressources reste limitée par des infrastructures insuffisantes et une rentabilité incertaine. En résumé : oui, il existe bien un potentiel pour l’Europe dans la région, mais elle ne peut pas non plus attendre un miracle. Tout dépendra des investissements réalisés, de la capacité des États à coopérer et des infrastructures mises en place.

Quelles sont les principales barrières qui freinent l’exploitation de ce potentiel ?

L’article met en évidence trois types de blocages. Tout d’abord, le cadre juridique : la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer établit des règles pour la délimitation des zones économiques exclusives jusqu’à 200 milles nautiques. Mais dans la région, plusieurs États côtiers, notamment Israël, la Turquie, la Syrie et la Libye, ne l’ont pas ratifiée ou l’appliquent de manière divergente, ce qui crée des chevauchements de revendications maritimes.

Ensuite, la géopolitique : la région est traversée par des rivalités historiques et des conflits en cours, notamment entre la Turquie, la Grèce, Chypre, Israël, le Liban et l’Égypte. Le projet de gazoduc EastMed, qui vise à relier les gisements israéliens et chypriotes à la Grèce puis à l’Italie, est un exemple parlant : il a été confronté à des obstacles financiers, techniques et géopolitiques tout au long de son développement.

Enfin, les infrastructures : malgré des découvertes de gisements comparables à ceux de la Norvège, l’absence d’un maillage interconnecté de pipelines, de terminaux GNL ou de hubs d’exportation freine fortement l’accès aux marchés internationaux.

Quelle est la portée pour l’Union européenne ? En d’autres termes, comment et dans quelle mesure l’Europe peut-elle bénéficier de ces ressources ?

L’Europe est confrontée à une double logique : elle doit répondre à une demande énergétique croissante tout en diminuant sa dépendance à la Russie. Les gisements de la Méditerranée orientale sont donc perçus comme un levier stratégique de diversification. La coopération trilatérale UE-Israël-Égypte de 2022 illustrate de cette dynamique.

Mais l’auteure nuance : ce gaz méditerranéen est coûteux et, à court terme, il ne peut pas remplacer massivement le gaz russe.

Pour l’Europe, ces ressources représentent une opportunité stratégique : elles peuvent renforcer la sécurité énergétique, soutenir la transition bas-carbone (le gaz étant vu comme une énergie de transition) et diversifier les flux.

Mais le bénéfice dépendra d’un cadre politique commun, d’investissements massifs, d’un renforcement des infrastructures, et d’une stabilité géopolitique dans la région. Sans cela, les gisements de la Méditerranée orientale resteront sous-exploités.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.