Échos d'Europe

Le retour de Donald Trump

© Gage Skidmore from Surprise, AZ, United States of America - Wikimedia Commons Le retour de Donald Trump
© Gage Skidmore from Surprise, AZ, United States of America - Wikimedia Commons

Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe revient dans cette chronique hebdomadaire sur les dernières publications de son organisation, notamment de sa revue semestrielle. Énergie, numérique, finances, gouvernance européenne, géopolitique, social, les sujets d'analyse sont traités par des experts européens de tout le continent dont le travail est présenté par Michel Derdevet.

Cette semaine, Michel Derdevet, président de Confrontations Europe, présente un article signé par Alexandra Huet, consultante en relations internationales, intitulé « Le retour de Donald Trump à la présidence : défis et implications pour l’Union Européenne ». Dans cet article, elle analyse les défis que ce retour pourrait poser pour les relations transatlantiques, notamment en matière de défense.

Donald Trump a une attitude particulière sur la scène internationale. Quelles seront les conséquences de sa réélection sur les relations internationales ?

Sur le plan diplomatique, les États-Unis sous Trump ont montré une tendance à minimiser le rôle des organisations multilatérales et à favoriser des solutions bilatérales ou unilatérales. L’UE pourrait donc se retrouver face à une nouvelle marginalisation sur la scène mondiale, ce qui l’obligerait à accentuer ses efforts pour défendre ses intérêts à travers d’autres forums, ou à renforcer ses propres capacités de décision et d’action, en particulier dans des domaines comme la politique de défense et la gestion des crises internationales. Donald Trump a ainsi annoncé le départ des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat (pour la deuxième fois) et de l’Organisation mondiale de la santé.

En revanche, cette situation pourrait aussi avoir des effets positifs pour l'UE en l'incitant à renforcer son autonomie stratégique, notamment dans les domaines de la défense, du climat et du commerce. Le retour de Donald Trump pourrait donc conduire à un renforcement de la coopération intra-européenne et un renforcement des capacités de l'UE à se défendre seule.

Comment Trump pourrait-il influencer la défense européenne et les relations avec l'OTAN ?

Donald Trump a toujours eu une vision très critique de l’OTAN, estimant que l’Europe n’assumait pas suffisamment de responsabilités dans la défense collective. Sous son mandat précédent, il a ouvertement exprimé ses préoccupations concernant les contributions financières inégales au sein de l'Alliance, et a même suggéré que les États-Unis pourraient réduire leur engagement envers l’OTAN si les alliés européens n’augmentaient pas leur budget de défense. Cette position a provoqué une forte tension au sein de l'Alliance, avec des conséquences pour les relations transatlantiques.

Trump continuera à exercer cette pression sur l'UE pour qu'elle assume une plus grande part du fardeau militaire, ce qui pourrait accélérer les efforts de l'UE pour se doter de capacités de défense propres. En effet, des initiatives comme la Coopération Structurée Permanente (CSP) et la Stratégie Globale de l'UE pour la sécurité et la défense pourraient gagner en importance, car elles visent à améliorer la coordination des États membres en matière de défense.

Cependant, la volonté de Trump de réduire l’engagement américain pourrait aussi inciter l'UE à s'autonomiser davantage, en renforçant ses capacités militaires, tout en poursuivant une relation constructive avec l’OTAN. L’UE pourrait ainsi se retrouver dans une position où elle doit naviguer entre renforcer sa propre défense tout en maintenant une coopération efficace avec l’Alliance atlantique, qui reste un pilier stratégique majeur pour l’Europe.

En quoi la réorientation stratégique des États-Unis vers l’Asie affecte-t-elle l’Europe ?

Le pivot des États-Unis vers l'Asie, notamment en réponse à la montée en puissance de la Chine, représente un bouleversement majeur dans les priorités géopolitiques américaines. Cette réorientation pourrait marginaliser l'Europe dans la politique étrangère américaine, les États-Unis se concentrant davantage sur la compétitivité avec la Chine et d'autres défis régionaux en Asie. Pour l'UE, cela signifie qu’elle pourrait avoir à jouer un rôle plus actif pour défendre ses propres intérêts dans des domaines tels que le commerce, la sécurité et la gestion des crises mondiales, notamment en Afrique et au Moyen-Orient.

Cette réorientation vers l’Asie pourrait également accentuer la pression sur l'Europe pour qu’elle prenne davantage en charge les enjeux géopolitiques dans sa propre sphère d'influence. L'UE devrait non seulement renforcer ses relations avec ses voisins immédiats, mais aussi développer de nouvelles stratégies pour maintenir sa place sur la scène mondiale.

Quel rôle l’Union Européenne pourrait-elle jouer face à la politique étrangère de Trump ?

L'UE devra naviguer avec pragmatisme face à la politique étrangère de Donald Trump, tout en maintenant une relation constructive avec les États-Unis. Toutefois, face à l’incertitude politique qu’entraîne une nouvelle présidence de Trump, l’Union européenne pourrait choisir de renforcer son autonomie stratégique, en particulier dans les domaines où les intérêts américains ne coïncident pas avec ceux de l’Europe. Cela pourrait inclure la défense, le climat et les relations commerciales.

Sur le plan de la défense, l’UE pourrait chercher à développer ses propres capacités militaires et renforcer des initiatives comme la PESCO (Coopération Structurée Permanente) ou la défense européenne autonome. Concernant les enjeux climatiques, l'UE, qui a été un leader dans la lutte contre le changement climatique, pourrait poursuivre ses efforts indépendamment des États-Unis, en intensifiant les partenariats avec d'autres grandes puissances mondiales, tout en réaffirmant son rôle de moteur dans la mise en œuvre des accords de Paris.

Enfin, sur le plan commercial, l’UE pourrait se concentrer sur le renforcement de ses partenariats avec d'autres puissances économiques comme la Chine et l'Inde, tout en cherchant à maintenir un dialogue avec les États-Unis sur des questions bilatérales telles que les normes commerciales, les tarifs douaniers et les chaînes d'approvisionnement mondiales. En somme, même si la politique étrangère de Trump pourrait entraîner des divergences avec l'UE, l'Union Européenne pourrait également voir cette situation comme une occasion de s’affirmer davantage sur la scène internationale, en adoptant une posture plus indépendante dans des domaines clés de la politique mondiale.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.