Consommateurs européens - Elphège Tignel

Turbulences sur les droits des passagers aériens

Photo de Longxiang Qian - Pexels Turbulences sur les droits des passagers aériens
Photo de Longxiang Qian - Pexels

Voyage, transport, e-commerce, protection des données personnelles… Les 3/4 des droits des consommateurs qui s’appliquent en France comme dans les autres pays européens sont issus de directives et règlements européens. Dans cette chronique, Elphège Tignel, du Centre Européen des consommateurs France, vous explique sur euradio comment l’Europe protège les consommateurs dans leur vie quotidienne et quels sont vos droits si vous voyagez, déménagez, achetez, payez, étudiez, téléphonez… en Europe.

Elphège, aujourd'hui, vous nous parlez des droits des passagers aériens en Europe qui sont menacés par une révision du règlement européen.

Oui ! C’est le ciel qui nous tombe sur la tête. L'Union européenne veut revoir la législation sur les droits des passagers aériens, sur le principe, c’est un grand oui. Sauf qu’au lieu d'améliorer la protection des voyageurs, certaines des propositions qui sont faites risquent, au contraire, de revenir sur certains acquis. Voire, pire, de réduire leurs droits !

En quoi les passagers pourraient-ils être perdants ?

D'abord sur les indemnisations en cas de retard ou d'annulation. Depuis le règlement de 2004, vous le savez, un retard de trois heures à l'arrivée ouvre droit à une compensation de 250 à 600 euros. Le montant dépend de la distance du vol. Or, la proposition de révision pourrait repousser ce seuil à cinq heures ! Avec une telle modification, on estime que 85 % des passagers impactés par des retards ne seraient plus indemnisés.

Et en cas d'annulation, ce ne serait pas mieux non plus. Ces 20 dernières années, les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne ont clarifié, précisé, ce que sont des "circonstances extraordinaires". Des évènements qui s’imposent aux compagnies aériennes et qui les dispensent de payer une compensation aux passagers si elles annulent le vol. Cela peut être, par exemple, des conditions extrêmes ou un problème technique sur l’avion.
Mais là où le bât blesse, c’est que la proposition de révision ne prévoirait pas d’inscrire noir sur blanc ces exemples dans le nouveau règlement. Les passagers, et on le déplore, seraient donc à nouveau dans une incertitude juridique concernant leurs droits.

D'autres points semblent également oubliés dans cette proposition de cette révision ?

Oui, notamment les intermédiaires de vente de billets d'avion.

On le sait, de plus en plus de passagers réservent leur vol via des plateformes en ligne. Et ce qu’on sait aussi, c’est que ces intermédiaires ne sont pas soumis aux mêmes obligations que les compagnies aériennes.

En cas de problème, les consommateurs ne savent donc pas à qui s'adresser. Ils se retrouvent souvent ballottés entre la plateforme et la compagnie. Voilà pourquoi, il est urgent d'établir une réglementation claire pour protéger les passagers et garantir des délais de remboursement raisonnables.

Les bagages sont aussi un vrai casse-tête pour les voyageurs et ça ne semble pas parti pour s’améliorer.

Malheureusement non. Aujourd'hui, et vous l’avez probablement déjà vécu Laurence, il est très difficile de s'y retrouver entre les différentes règles des compagnies. Quel(s) bagage(s) emmener en avion ? Combien cela va-t-il coûter ? Le bagage cabine est-il compris dans le billet ? etc. Pour clarifier tout ça, il est plus que jamais nécessaire d’harmoniser les dimensions des bagages en cabine. Il conviendrait aussi d’obliger les compagnies à inclure certaines prestations de base - comme un bagage à main et l'enregistrement - dans le prix du billet. Cela permettrait ainsi aux consommateurs de pouvoir réellement comparer les prix.

Quant aux bagages perdus ou endommagés, là encore, l'indemnisation varie actuellement selon la compagnie. C’est la source de grandes inégalités entre les passagers. Une règle de calcul commune garantirait donc un traitement équitable des voyageurs.

En résumé, les propositions annoncées vont-elles dans le bon sens ?

Pour l’instant non ! Les lacunes de la législation actuelle et les acquis forgés par la Cour de Justice de l’UE ne semblent pas être pris en compte.

Le réseau des Centres Européens des Consommateurs reste donc vigilant. Et ne reste pas inactif. Dans une récente prise de position adressée aux autorités européennes, de nombreuses propositions concrètes sont formulées pour que la législation européenne allie transparence et protection des consommateurs.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.