Une semaine sur deux sur euradio, retrouvez la chronique « Consommateurs européens » présentée par Elphège Tignel du Centre Européen des Consommateurs France.
Vous nous parlez aujourd’hui des conséquences du DSA, la nouvelle règlementation européenne qui encadre les activités des géants du numérique et vous nous expliquez ce que cela va changer pour les consommateurs.
Oui, trois petites lettres, DSA comme Digital Services Act, mais une multitude de nouvelles mesures qui s’imposent désormais aux géants du web qui jusque-là, faisaient un peu leur loi.
Depuis le 25 août, le DSA est enfin entré en vigueur dans l’UE. Il concerne dans un premier temps, 17 plateformes en ligne et deux moteurs de recherches, parmi lesquels on retrouve bien sûr Google, Facebook, Amazon, Microsoft, Tiktok mais aussi Alibaba et Zalando.
Le point commun entre tous ces géants du numérique ? Ils réunissent chacun plus de 45 millions d’utilisateurs mensuels, soit environ 10% de la population européenne.
Pour les autres plateformes en ligne, réseaux sociaux, marketplaces ou fournisseurs d'accès à Internet, il faudra attendre le 17 février 2024 pour les voir appliquer les mesures du DSA.
Avec cette réglementation, l’Europe entend lutter contre la désinformation, la haine en ligne, ou encore l’opacité des algorithmes. Mais le DSA va avoir également des conséquences très concrètes sur nos achats en ligne.
Le CEC France le constate tous les jours dans les litiges liés au e-commerce qu’il traite : le consommateur ne sait pas toujours qui est son vendeur et surtout comment le contacter, pour demander l’application d’une garantie ou un remboursement. Et l’essor des marketplaces et des intermédiaires n’a fait qu’accentuer le problème.
Le DSA impose donc désormais aux plateformes de mieux tracer les vendeurs qu’elles mettent en ligne. Concrètement, il les oblige à vérifier au préalable leur identité, leurs coordonnées, le numéro d’enregistrement à un registre commercial ou même leur numéro de compte. Et le DSA va même plus loin : il leur impose de vérifier de façon aléatoire si les produits ou services proposés ne sont pas illégaux.
On peut donc espérer que les consommateurs seront désormais mieux informés avant d’acheter, qu’ils seront assurés de commander des produits sécurisés, qui ne sont pas contrefaits et qu’ils pourront, en cas de problème, contacter rapidement le vendeur pour exercer leurs droits.
Le DSA pourrait également mettre fin aux techniques manipulatrices qui influencent le comportement des consommateurs sur Internet
Des techniques appelées des « Dark patterns » ! Elles sont décrites comme problématiques par plus de 88% des Européens interrogés dans une récente consultation de la Commission européenne.
Alors de quoi parle-t-on ? De petits éléments mis en avant sur un site comme un compte à rebours qui vous précise les minutes restantes pour profiter de la promotion ou les « classiques » messages alarmants qui vous informent qu’il ne reste « plus que 3 articles en stock » ou que « 10 personnes consultent le même produit ». On pense aussi aux boutons « j’accepte » mis en évidence ou à une fenêtre pop-up qui s’ouvre pendant votre commande pour vous proposer des produits ou de services accessoires… Bref, les dark patterns, ce sont tous ces procédés techniques qui sont conçus pour tromper les consommateurs.
Et c’est à cela que le DSA s’attaque en interdisant désormais aux plateformes en ligne de concevoir, organiser ou exploiter des interfaces qui incitent les consommateurs à cliquer, acheter, s’abonner ou fournir des données personnelles.
Mais concrètement, comment l’Europe compte-t-elle s’y prendre pour imposer toutes ces mesures ?
En s’attaquant au portefeuille de ces multinationales ! Les amendes peuvent en effet aller jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires mondial, et même jusqu’à l’interdiction d’opérer sur le marché européen en cas de manquements graves répétés à leurs obligations.
Le respect de ce texte va prendre du temps et en cas de condamnations, il faudra s’attendre à des recours.
Mais saluons toutefois cette initiative européenne qui, pour protéger les consommateurs, s’attaque enfin au far-west d’Internet et aux dérives des géants du net !
Entretien réalisé par Laurence Aubron.