Nous accueillons Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee. Nous discutons toutes les semaines de finance. Marc, de quoi allons-nous parler aujourd’hui ?
Cela fait maintenant plusieurs semaines que l’Ouest impose des sanctions draconiennes à la Russie. Je pensais qu’il pouvait être intéressant d’analyser jusqu’à quel point ces punitions économiques ont impacté l’économie russe.
Il serait peut-être bon de venir brièvement sur l’étendue des sanctions imposées par les États-Unis et l’Europe.
Oui, car elles sont de diverses formes. Il y a d’une part des décisions unilatérales, prises par de grandes sociétés comme LVMH, McDonald's et Nike par exemple de se retirer de la Russie ou au moins de fermer temporairement leurs magasins. Puis il y a l'interdiction imposée aux entreprises par les gouvernements de ne plus y vendre certains produits. Auquel il faut ajouter des mesures financières qui ont notamment permis de geler la majorité des réserves internationales de la banque centrale russe. Et pour finir, les avoirs à l’étranger d’une liste de plus en longue d'oligarques et de proches de Poutine ont également été saisis.
L’objectif était donc bien de disrupter l’économie russe dans son ensemble, et de punir le président Poutine pour avoir envahi l’Ukraine. Ces mesures ont-elles eu l’effet voulu ?
Initialement, oui. Dans la semaine qui a suivi l’invasion de l’Ukraine, le rouble a perdu plus d’un tiers de sa valeur contre l’Euro et le Dollar américain. La valeur des sociétés russes cotées à la bourse de Moscou s'est effondrée. Mais plus récemment la situation s’est stabilisée. Le rouble a rebondi et s’approche à nouveau de ses niveaux d’avant guerre. La dégringolade de la bourse de Moscou s’est arrêtée. L’État russe continue de payer les intérêts qu’il doit sur sa dette. Enfin, les retraits massifs de dépôts bancaires par des déposants, qui craignaient un défaut généralisé du système bancaire, se sont inversés. La plupart des Russes retournent déposer l’argent qu’ils ont retiré il y a quelques semaines.
Comment expliquer cette stabilisation ?
Le gouvernement russe et sa banque centrale ont mis en place toute une série de mesures pour stabiliser l’économie. Cela a commencé par une augmentation massive des taux directeurs, de 9,5% à 20%, pour encourager les investisseurs à détenir des actifs russes. Puis le gouvernement a obligé les exportateurs de biens de convertir 80% de devises étrangères reçues en roubles. Ensuite, ils ont interdit la vente à découvert à la bourse.
Tout cela a même permis de réduire modestement les taux directeurs, de 20 à 17%.
D’accord donc le marché financier russe résiste. Mais dans l’économie réelle, les sanctions ont dû faire leur effet également.
Oui, mais là aussi, de façon inégale et peut-être moins impactante qu'initialement attendue. L’inflation a fortement augmenté, car les importations sont devenues bien plus onéreuses, à cause de la devise plus faible. Et certains biens ont tout bonnement disparu des étagères.
Mais les produits locaux, dont la vodka par exemple, ne coûtent pas nécessairement plus chers aujourd’hui qu’au début de l’année. Le prix de l’essence notamment ne s’est pas envolé, la Russie produisant son propre pétrole.
Qu’est-ce qui pourrait rendre nos sanctions plus punitives ?
Soyons clairs. L’économie russe connaîtra une récession cette année. Mais trois éléments distincts pourraient en influencer la gravité. Premièrement, est-ce que les Russes vont réduire leur consommation, au fur et à mesure que la guerre se prolonge ? Deuxièmement, est-ce que la production industrielle russe va être obligée de s’arrêter, faute de pièces et matériaux qui ne sont plus importés de l’Ouest ?
Mais le troisième facteur est sans doute le plus important. La Russie continue de vendre pour 10 milliards de Dollars de pétrole par mois à des acheteurs étrangers, malgré les sanctions. Ajoutés aux revenus en provenance des ventes de gaz naturel, cela constitue une source importante de revenus en devises étrangères. Avec lesquels la Russie peut acheter ce qui lui manque. Tant que ces revenus continuent d’affluer, l’économie russe pourra probablement tenir.
Marc Tempelman au micro de Cécile Dauguet
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