L'éco de Marc Tempelman

Le greenwashing est notamment américain

Le greenwashing est notamment américain

Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.

De quoi allons-nous parler aujourd’hui ?

Bonjour. Les placements verts et socialement responsables ont gagné énormément en popularité. De plus en plus d’investisseur·euses souhaitent que leur épargne soit déployée pour générer du rendement, certes, mais de façon responsable. Il est donc normal que de plus en plus de gestionnaires proposent ce type de fonds labellisés. Sauf qu’une récente analyse accuse de nombreux·euses gestionnaires de survendre et d’exagérer le côté responsable des placements qu’ils proposent.

C’est ce qu'on appelle le "green-washing", n’est-ce pas ?

Exactement. Mais l’Union Européenne est de plus en plus regardante à ce sujet. En novembre, Amundi, la société de gestion la plus importante en Europe, a ainsi déclassé la plupart des fonds “verts” du statut Article 9, qui est le niveau le plus exigeant des standards de durabilité, à Article 8. Ce qui correspond à des investissements plutôt vert pâle.

L’Union Européenne impose des critères très stricts sur ce qu’un·e gestionnaire a le droit d’appeler investissement socialement responsable ou pas.

Exactement. Et depuis que ces règles ont été durcies en juillet dernier, près de 10% de tous les fonds classés Article 9 ont quitté la catégorie. Mais aux États-Unis les règles sont moins uniformes et l’analyse dont je vous parlais en introduction, publiée dans le prestigieux Review of Finance suggère que là-bas, les exagérations et mensonges au sujet du caractère responsable de certains placements sont très répandus.

Comment les chercheur·euses sont-ils arrivé·es à cette conclusion ?

Pour mesurer le niveau de mensonge, les auteur·rices du rapport ont analysé l’ensemble des fonds qui disent adhérer aux Principes pour l’Investissement Responsable, tels que rédigés par les Nations Unies. En adhérant à cette charte, les gestionnaires certifient qu’ils·elles prennent en compte des principes de protection de l’environnement, d’équité sociale et de saine gouvernance dans leurs décisions d’investissement. Il faut savoir que 2000 investisseur·euses professionnel·les, gérant ensemble 135 trilliards de Dollars, ont signé ces principes.

Et qu’est-ce que les économistes ont pu observer en analysant cette population d’investisseur·euses éco-responsables ?

En analysant leurs investissements de 2003 à 2017, les chercheur·euses ont observé que les portefeuilles des gérant·es signataires aux US n’avaient pas un meilleur score ESG que ceux de gérant·es non-signataires. Alors qu’en Europe, cette différence existe et est significative.

Est-ce que cela ne pourrait pas s’expliquer par des approches différentes des deux côtés de l’Atlantique ? Par exemple, les gérant·es américain·es pourraient investir dans des entreprises peu vertueuses sur le plan écologique, afin de les forcer à changer de stratégie. Là où les investisseurs·euse européen·nes auraient pu faire le choix de ne simplement pas investir dans ces sociétés polluantes.

Oui, cela aurait pu être une piste possible. Sauf que nous aurions alors dû trouver des preuves que ces investisseur·euses américain·es responsables aient engagé le dialogue avec les directions d’entreprises, et exercé de la pression pour faire changer les choses. Les auteur·rices du rapport ont malheureusement constaté que les gérant·es signataires des principes des Nations Unies ne le faisaient pas.

Donc qu’est-ce qui explique ce niveau de greenwashing bien plus élevé aux US qu’en Europe ?

Il semblerait que ce soit un sujet de réglementation. En Europe, les règles définissant l’investissement responsable sont lourdes et parfois complexes. Mais au moins elles donnent des lignes directrices claires et uniformes sur ce qui définit un investissement durable et socialement responsable. Ce qui permet à ceux qui s’y soumettent de mettre en avant leurs placements comme étant éco-responsables. Par contraste, aux US, ce sont souvent les gestionnaires elles·eux-mêmes qui définissent ce qu’ils·elles qualifient d’investissement responsable. Et cela peut dériver très vite. Ainsi, les auteur·rices du rapport démontrent que les fonds dont les performances sont faibles ont plus de chance de se déclarer comme adhérant aux Principes vertueux des Nations Unies que les fonds qui délivrent des rendements élevés.

Entretien réalisé par Laurence Aubron.