L'éco de Marc Tempelman

Le prochain krach boursier

Photo de Adam Śmigielski sur Unsplash Le prochain krach boursier
Photo de Adam Śmigielski sur Unsplash

Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.

Nous accueillons Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’investissement gratuite Cashbee. Nous discutons toutes les semaines de finance.

Bonjour Marc, plusieurs grands noms de la finance tirent la sonnette d’alarme sur un possible krach boursier. Jamie Dimon de JPMorgan Chase a parlé de « nombreux actifs entrant en zone de bulle ». Quel est votre avis sur cette situation ?

Effectivement, de plus en plus d’experts se méfient des marchés financiers et des niveaux de prix actuels. Quand le président de JPMorgan, une des plus grandes banques au monde, évoque une bulle, les investisseurs écoutent attentivement. D’ailleurs, cette alerte rejoint d’autres voix qui pèsent, comme celle de David Solomon, le PDG de Goldman Sachs qui dénonce « l’exubérance des marchés », ou encore celle de Jane Fraser de Citigroup qui parle d’« effervescence des valorisations ».

L’investisseur Michael Burry, connu pour avoir prédit et parié sur la crise financière de 2008 et devenu célèbre dans le film “The Big Short”, a fermé son fonds d’investissement, parie sur la chute massive des valeurs de la tech et note l’écart grandissant entre les valorisations actuelles et la réalité économique. Même la Banque d’Angleterre met en garde contre un risque accru de correction brutale, et le FMI redoute un ajustement désordonné tant les prix sont éloignés des fondamentaux.

Quelles sont les principales observations derrière ces constats alarmistes ? Les valorisations actuelles sont-elles excessives ?

Il n’y a pas de doute que les valorisations boursières ont atteint des sommets, surtout dans la tech. Par exemple, pour acheter le panier d’actions du S&P 500, les investisseurs paient aujourd’hui autour de trente fois les bénéfices moyens, un niveau comparable uniquement à la bulle Internet des années 2000. Pour l’action Nvidia ce multiple atteint 54 fois les bénéfices ! Ce niveau est à comparer avec une moyenne historique d’environ 16 fois pour le S&P 500.

Sur le marché obligataire, l’écart de taux entre les obligations d’entreprises bien notées (investment grade) et les bons du Trésor américain est à son plus bas depuis 2005. Cela traduit une prime de risque faible.

Il est donc indiscutable que les actifs risqués s’échangent aujourd’hui à des niveaux historiquement chers.

La question qui intéresse tout le monde est de savoir quand ce krach pourrait arriver…

Prédire la date exacte d’une correction est impossible. Mais on sait que la volatilité - c’est-à-dire la vitesse à laquelle les prix d’un actif change - est plutôt modeste dans des phases de hausse. C’est-à-dire que les prix ont tendance à monter de façon régulière. Mais dans les phases de baisse de marché, les chutes sont typiquement brutales. Observer la volatilité pourrait donc aider. Les modèles statistiques, y compris ceux utilisant l’intelligence artificielle, tentent d’anticiper ces changements en scrutant toutes les données macroéconomiques possibles. Mais ils restent limités face aux événements imprévisibles comme une crise géopolitique ou une faillite bancaire soudaine.

Face à ces limites, quels outils aident tout de même à surveiller les signes avant-coureurs ?

Les corrélations entre différentes classes d’actifs sont intéressantes : un signal typique d’entrée en crise est la baisse conjointe des actions et la hausse des valeurs refuges comme l’or ou les obligations d’État.

Pour améliorer la fiabilité des prévisions, les professionnels combinent d’ailleurs plusieurs modèles indépendants. Mais même ainsi, identifier le jour et l’heure précis d’une correction reste un défi immense, et - selon moi - impossible.

En conclusion, quel message donneriez-vous aux investisseurs ?

J’en aurais deux, qui peuvent paraître contradictoires. Le premier est de rester vigilants et diversifier leurs placements, en ne misant pas tout sur un scénario de marché haussier. Comprendre que les marchés peuvent rester chers longtemps, mais que les risques de correction brutale sont bien présents.

Mais dans le même temps il faut comprendre que de rester à l’écart des actifs risqués, en attendant un krach éventuel futur vient avec un coût d’opportunité réel. Être trop prudent pendant trop longtemps peut coûter très cher. En effet, en laissant son épargne sur des supports sûrs mais peu rémunérateurs - comme le Livret A par exemple qui aujourd’hui ne verse que 1,7% d’intérêts - l’investisseur passe à côté de la hausse de la bourse. Pour mémoire, l’Eurostoxx 600 est en hausse de plus de 14% depuis le début de l’année.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.