L'œil sur l'Europe - Joséphine Staron

La coalition des volontaires peut-elle sauver l’Ukraine ?

© Number 10 de Flickr La coalition des volontaires peut-elle sauver l’Ukraine ?
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Retrouvez chaque semaine sur euradio l'analyse d'une actualité européenne avec Joséphine Staron, Directrice des études et des relations internationales du think tank Synopia.

Aujourd’hui, vous souhaitez revenir sur un événement hautement symbolique : la visite à Kiev d’Emmanuel Macron, Friedrich Merz, Keir Starmer et Donald Tusk pour participer au sommet de la « coalition des volontaires ». Quelle en est, selon vous, la portée ?

C’est un moment fort, à la fois symbolique et stratégique. Le fait de voir ensemble à Kiev Macron, Merz, Starmer et Tusk n’est pas anodin : ce sont quatre figures clés du soutien occidental à l’Ukraine. Leur présence simultanée envoie un message clair de solidarité, mais aussi de leadership européen. Ce sommet intervient dans un moment charnière : alors que les négociations de paix piétinent, que les États-Unis sont de plus en plus ambivalents, les Européens cherchent à reprendre l’initiative. Il s’agit moins d’un tournant décisif que d’un sursaut diplomatique indispensable.

Cette « coalition des volontaires » est présentée comme un moteur du soutien militaire à l’Ukraine. Mais que recouvre réellement ce concept ?

Cette coalition est avant tout une réponse à la fragmentation du soutien occidental. Tous les pays européens ne sont pas prêts à s’engager au même niveau. Cette formule permet donc une action différenciée : ceux qui veulent faire plus — France, Royaume-Uni, Pologne — peuvent avancer ensemble, sans être freinés par ceux qui hésitent. Cela dit, la vraie question est celle de la crédibilité militaire. Sans l’appui sécuritaire des États-Unis, de nombreux pays européens restent réticents à envoyer des forces sur le terrain, même pour des missions de stabilisation. La coalition existe, mais son efficacité dépendra d’un filet de sécurité américain qui, pour l’instant, n’est pas garanti.

Un projet de cessez-le-feu, soutenu par Washington et les capitales européennes, est évoqué. Est-ce une réelle avancée vers la paix ?

C’est une tentative intelligente de reprendre le contrôle diplomatique. Proposer une suspension des hostilités de 30 jours, assortie de menaces de sanctions si la Russie refuse ou trahit l’accord, permet de renverser la charge de la preuve : ce n’est plus à l’Ukraine de faire des concessions, mais à Moscou de montrer sa bonne foi. Mais attention, ce n’est pas encore un plan de paix. C’est une étape, une séquence. La crainte, côté européen, c’est que ce cessez- le-feu ne soit utilisé par la Russie pour réorganiser ses forces. Il faut donc des garanties, et surtout, une capacité de suivi sur le terrain.

Que se passera-t-il si les États-Unis réduisent leur implication, comme le laisse entendre Donald Trump ? L’Europe est-elle prête à prendre le relais ?

C’est la question à un milliard d’euros, et la réponse est malheureusement non — pas encore. La plupart des pays européens conditionnent leur engagement à une couverture sécuritaire américaine. Friedrich Merz l’a rappelé à Paris : sans Washington, pas de paix durable en Ukraine. Cela montre bien la dépendance persistante de l’Europe. Pourtant, si Trump poursuit sa politique d’alignement sur Poutine, l’UE n’aura pas le choix. Il faudra accélérer l’autonomie stratégique. Mais ce qu’on voit se dessiner aujourd’hui, c’est une vraie exaspération voire une frustration de Donald Trump face à l’attitude de Vladimir Poutine. Comme avec Xi Jinping, le Président Chinois, le Président Américain était persuadé qu’il parviendrait à s’entendre avec ces dirigeants et à négocier. Or, l’un comme l’autre s’inscrit dans un rapport de force que Donald Trump n’avait pas anticipé. Ni la Russie ni la Chine ne peuvent montrer qu’elles se soumettent à la volonté américaine.

En parallèle de la diplomatie et du soutien militaire, les Européens ont annoncé la création d’un tribunal pour juger les crimes d’agression russes. Est-ce une étape importante ?

Absolument. Cela rappelle que la paix ne peut pas être uniquement un rapport de forces. Elle passe aussi par la justice. En lançant ce tribunal, les Européens envoient un message fort : la guerre en Ukraine ne sera pas soldée par l’oubli. La reconstruction ne pourra se faire sans réparation, ni sans responsabilisation des agresseurs. Ce tribunal, adossé au registre des dommages mis en place par le Conseil de l’Europe, complète l’approche militaire par une approche juridique et morale. C’est ce qu’on pourrait appeler une "stratégie de paix durable". Mais on est encore loin de parvenir à une paix entre l’Ukraine et la Russie et donc de voir des dirigeants russes comparaitre devant ce tribunal…

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.