Quelle est cette société que beaucoup vont sans doute découvrir ?
Orsted est une société danoise qui produit de l’électricité, elle est majoritairement détenue par l’Etat danois. C’est un peu leur EDF à eux, mais sans nucléaire. Pour schématiser, il y a 20 ans, elle produisait de l’électricité essentiellement avec du charbon. Aujourd’hui, après une transition volontariste, elle est devenue le leader mondial de l’éolien en mer. Elle produit très peu d’électricité à partir d’énergies fossiles et mène une politique de croissance sur les énergies renouvelables dans le monde entier.
Et cette transition a donc été réalisée dans le giron de l’Etat danois ?
Oui dans les premières années, l’Etat danois actionnaire a donné l’impulsion à cette transformation. Orsted a accéléré sa transition en vendant des actifs fossiles. Aujourd’hui elle a un mix électrique principalement constitué d’énergies renouvelables : en 2021, l’électricité était produite par de l’éolien en mer à 37%, de l’éolien sur terre à 20%, de la biomasse à 30%, et du charbon à 8%. La transformation est impressionnante, puisqu’en 2006, l’électricité était produite à plus de 50% avec du charbon.
Comment l’entreprise et l’Etat danois ont-ils réussi à financer cette métamorphose ?
En 2016 la société a été introduite en bourse, l’Etat danois demeurant l’actionnaire principal, à un peu plus de 50%. Être actionnaire majoritaire signifie que l’Etat possède la majorité des votes aux assemblées générales, il peut donc orienter les activités de l’entreprise et c’est lui qui contrôle la stratégie. A titre de comparaison, l’Etat français est propriétaire d’EDF à 80%. L’introduction en bourse a servi à financer la forte croissance de l’entreprise, mais également à lui donner de la visibilité et un statut de chef de file de l’éolien en mer. Orsted souhaitait se positionner pour faire valoir ses savoir-faire dans ce domaine, mais aussi dans l’éolien sur terre et la biomasse.
En quoi Orsted vous intéresse particulièrement ?
Le premier point est qu’elle montre que la transition du fossile vers les renouvelables est possible si on le veut. Au début, ils ont échoué sur leurs premières tentatives d’éolien en mer qui ne fonctionnaient pas vraiment, sous les remarques amusées de leurs collègues qui produisaient de l’électricité au charbon. 15 ans plus tard, cela se révèle être un véritable succès industriel. J’ai trouvé que cet exemple était éclairant dans le contexte actuel de tensions géopolitiques fortes et de dépendance aux matières premières.
Donc Orsted est d’après vous un bon exemple d’une société en transition.
Oui, c’est l’un des leaders de la transition énergétique. Et Orsted a pris la mesure des défis liés à l’éolien en mer, en montant des projets ambitieux avec ses partenaires pour recycler les pales, ou la question de la biodiversité marine, les premières études montrant plutôt des effets bénéfiques à ce jour. Et puis bien sûr la question du stockage de l’électricité produite pour les périodes sans vent.
Il faut donc acheter ses actions ?
Le but de cette chronique n’est en aucun cas de donner des conseils en investissement. Je ferais juste remarquer que les performances boursières d’Orsted, à l’instar d’autres champions de la transition énergétique, ont été mouvementées : + 80% en 2020, année Covid, -33% l’an dernier, alors que les marchés remontaient, et déjà – 21% depuis le début de l’année ! Le cours est revenu à celui de mi-2019.
Ce n’est pas parce qu’une entreprise semble faire du bien à la planète qu’il faut se précipiter pour acheter ses actions ! Ce sont bien deux choses différentes. Et qu’en est-il d’EDF à laquelle vous faisiez allusion ?
Si l’on regarde les performances sur le moyen terme, l’action Orsted a presque triplé depuis son introduction en bourse en 2016. Sur la même période, celle d’EDF a perdu 27% et même 72% depuis son introduction en bourse fin 2005 ! Ce sont des entreprises qui sont dans le même secteur, beaucoup d’éléments expliquent les divergences de performance. Un constat toutefois : on voit bien à travers Orsted qu’un Etat actionnaire peut avoir des résultats. Ce qui est frappant entre Orsted et EDF, c’est l’absence de stratégie claire pour notre champion national, notamment sur le cadre nucléaire, qui n’a pas permis à EDF de se déployer dans de bonnes conditions.
On verra s’il est trop tard ou si la transition française permettra que cela change.
Jeanne Gohier au micro de
Jeanne Gohier est analyste sur la finance du climat chez Fideas Capital, qui propose aux Européens d’investir « Smart for Climate », c’est-à-dire de prendre en compte les enjeux du réchauffement climatique dans leurs placements.
Tous les éditos "Smart for Climate" de Jeanne Gohier sont à retrouver juste ici