Jeanne Gohier, aujourd’hui vous nous parlez de la finance à impact. De quoi s’agit-il ?
La finance à impact est un domaine qui commence à se développer et dont on entend de plus en plus parler, au moins dans le monde économique. À ce jour, vous connaissez sans doute la finance dite « durable », qui se caractérise par le fait qu’elle prend en compte des critères ESG, à savoir Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance, dans l’analyse des entreprises. Typiquement, un investisseur peut commencer par étudier un ensemble de sociétés et à exclure celles dont les préoccupations sur l’un de ces domaines sont trop faibles, voire inexistantes. Par exemple, cet investisseur ne cherchera pas à analyser une société dont les salariés travaillent dans des conditions déplorables, et ce quelle que soit sa rentabilité. Idem dans le domaine environnemental ou de la gouvernance.
Entre nous cela paraît être la moindre des choses, non ?
Je suis assez d’accord avec vous, et c’est d’ailleurs ce que beaucoup d’analystes faisaient depuis longtemps. Mais la généralisation de l’ESG permet de donner un cadre et des outils d’analyse de plus en plus homogènes à l’ensemble des investisseurs et de généraliser ce type d’approche. Cela va dans la bonne direction.
Mais alors quelle est la différence entre finance à impact et finance durable ?
Et bien en ce qu’elle recherche, en plus d’un objectif financier, à générer un impact positif, dans le domaine environnemental ou social. Dans le domaine de la recherche médicale, vous pouvez décider de soutenir une équipe de recherche contre la maladie d’Alzheimer, vous recherchez à avoir un impact sur cette maladie. Il en va de même en finance. Vous pouvez soutenir des sociétés dont les objectifs sont d’avoir des impacts sur un domaine donné. Je vous donne deux exemples : un fonds à impact peut avoir comme objectif de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique Un autre peut chercher à contribuer positivement à l’amélioration de la santé.
N’est-ce pas un peu flou ? On pourrait dire que toutes les sociétés ont des impacts, que l’on espère positifs, en rapport avec leur objet social, non ?
Oui vous avez raison. Et c’est la raison pour laquelle il faut être vigilant lorsque l’on vous présente des fonds à impact. Un fabricant de jouets pourrait affirmer avoir un impact positif sur le bonheur des enfants, un distributeur alimentaire sur le bien-être de tous, etc. Si une entreprise n’avait aucun impact, elle n’existerait pas. Et la question va plus loin. Mettons que vous investissiez dans un fonds d’actions où les entreprises sont championnes des énergies renouvelables. Ces sociétés devraient avoir un impact sur le réchauffement. Mais est-ce que le fonds sert réellement à quelque chose ? Et l’investisseur qui y investit a-t-il un réel impact ? Lequel ? Comment le mesurer ?
J’imagine donc que les offres de fonds à impact ne doivent pas manquer …
Oui c’est à la mode ! C’est la raison pour laquelle la place de Paris a commencé à réfléchir à la question de manière précise, afin d’éviter ce que l’on pourrait appeler « l’impact washing », à l’instar du « green washing ».
Il y a donc des textes de référence pour pouvoir qualifier un fonds de fonds à impact ?
Oui, pour prétendre vous intituler un fonds à impact, vous devez respecter et documenter trois règles : la première est l’intentionnalité, ie de décrire l’objectif a priori que vous poursuivez et comment vous comptez vous y prendre ; la deuxième est l’additionnalité, ie quelle est votre valeur ajoutée propre, à votre équipe, à votre processus d’investissement ; et la troisième est la mesurabilité, vous devez construire des données permettant de démontrer que les améliorations attendues seront bien au rendez-vous. Ce n’est qu’en respectant ces trois étapes que la finance peut prétendre être qualifiée à impact. Et s’y tenir est très exigeant ! Et nous avançons sur cette voie chez Fideas Capital.
Je comprends le principe, et je compte sur vous pour nous en dire plus sur des exemples concrets une prochaine fois ! À la semaine prochaine !
Jeanne Gohier au micro de Laurence Aubron
Jeanne Gohier est analyste sur la finance du climat chez Fideas Capital, qui propose aux Européens d’investir « Smart for Climate », c’est-à-dire de prendre en compte les enjeux du réchauffement climatique dans leurs placements.
Tous les éditos "Smart for Climate" de Jeanne Gohier sont à retrouver juste ici