Épisode 7 de notre rendez-vous Les épidémies dans l’histoire, en partenariat avec le Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique (CRHIA) des Universités de Nantes et La Rochelle.
Comme chaque semaine, nous remontons le temps sur la piste des épidémies qui ont marqué l’histoire. Aujourd’hui nous allons parler de la peste qui a touché la ville de Lyon en 1628, avec Yann Lignereux, professeur d’histoire moderne, directeur de l’UFR Histoire, Histoire de l’Art Archéologie de l’Université de Nantes.
Est-ce qu’on peut rapidement expliquer à nos auditeurs comment se propage la peste à Lyon à cette époque ?
Elle se propage de manière très classique. La peste n’a jamais disparu de l’Occident européen et elle est endémique en France. Dans la région du lyonnais, elle réapparaît à plusieurs dates et il est donc tout à fait logique de la voir réapparaître en 1628, puisqu’elle est liée à des déplacements de troupes, dont les soldats sont porteurs de plusieurs maladies. En 1628, il y a une troupe qui part de la Bourgogne pour aller en Italie. Celle-ci séjourne à proximité de Lyon et c’est à ce moment là que le fléau va réapparaître.
Quelles sont les conséquences de cette épidémie d’un point de vue économique ?
D’un point de vue économique effectivement c’est désastreux, puisqu’une ville qui est frappée par la peste voit ses riches négociants, ses riches notables s’efforcer de la quitter au plus vite et par-là même c’est tout le secteur économique d’une ville qui est en faillite. Il n’y a plus de commande, plus d’emploi et il y a un engrenage de crises qui vient ajouter aux effets morbides de la maladie, un désastre social et économique pour les plus faibles, les artisans et tous ceux qui n’ont que leur force de travail à louer à la journée pour subvenir à leurs besoins.
Comment la peste est-elle gérée à l’époque ? Est-ce qu’il y a une réelle stratégie scientifique et médicale pour pouvoir l’endiguer ou bien la maladie est-elle abordée sous un angle religieux ?
C’est un entre-deux. Il y a effectivement une pensée médicale. On a bien conscience qu’il se passe quelque chose de particulier dans l’air – d’où ces images des médecins de peste avec ces masques et ces grands appendices au bout du nez remplis de parfum pour essayer de purifier les humeurs malignes susceptibles de propager le mal. Il y a donc quand même une pensée médicale qui se réalise aussi dans la façon dont on peut traiter les malades. On se questionne : “faut-il crever les abcès?”, “de quelle manière?”… Les infectés sont mis en quarantaine. Mais ces ressources médicales se heurtent au savoir pharmacologique de l’époque, très empirique et limité. Mais c’est surtout auprès de la religion que l’on se tourne. Dans le cas lyonnais en effet, on voit apparaître des dévotions, des intercesseurs et des intercessions religieuses avec en particulier la fameuse promotion du culte de Saint-Nicolas de Tolentin.
Est-ce qu’il y a des écrits religieux qui attestent de cette période ?
A défaut des historiens qui n’existent pas encore, ce sont les clercs qui vont se charger de faire le récit de cette épidémie. Ils lisent l’événement selon leur grille de lecture, une lecture de la nécessité. Si peste il y a, elle ne peut être que l’objet d’une punition divine. Et par-là même il y a tout un discours – et en particulier de la part des jésuites qui vont essayer de faire comprendre aux Lyonnais qu’ils n’ont pas été frappés au hasard, qu’il y a derrière cette manifestation terrible l’expression d’une colère divine, contre des péchés. C’est à Dieu qu’il appartient de manier les récompenses et les fléaux. C’est Dieu qui amène les Lyonnais à se repentir de leurs fautes, et à mener une vie plus honorable. C’est une lecture très religieuse, qui interprète les signes au regard d’une lecture sacrée de l’histoire et qui se place dans une interprétation providentielle de la maladie même si cette providence est malheureuse et désastreuse.
Pour plus d’informations sur le sujet, rendez-vous sur la chaîne YouTube du Centre de Recherche en Histoire Internationale et Atlantique.
Découvrez également l’émission Les Voies de l’Histoire, une coproduction euradio – CRHIA.