L'état de l'État de droit - Elise Bernard

Survols de drones au-dessus de l’espace aérien européen

Image par Bernd Thomas de Pixabay Survols de drones au-dessus de l’espace aérien européen
Image par Bernd Thomas de Pixabay

Elise Bernard, docteur en droit public et enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur Euradio les implications concrètes de l'État de droit dans notre actualité et notre quotidien. Ses analyses approfondies, publiées sur la page Europe Info Hebdo, offrent un éclairage précieux sur ce pilier fondamental de l'Union européenne.

L’Etat de droit c’est le droit à la sûreté mais face aux incursions répétées de drones, comment l’Union européenne peut-elle sécuriser son territoire ?

Alors Laurence, en ce qui concerne les intrusions dans l’espace aérien, on parle d’un “mur anti-drones” dans le cadre d’une opération de surveillance du flanc oriental de l’Union, en coordination avec l’Otan et l’Ukraine. Concrètement, cela se manifesterait par un bouclier aérien combinant radars, systèmes de brouillage, capteurs acoustiques, drones intercepteurs, pour ne citer que ces outils.

Mais il est difficile d’imaginer, qu’à l’heure actuelle, tous les États membres soient d’accord avec cette manifestation claire d’Europe de la défense !

C’est ce qu’on a vu à Copenhague, à l’occasion de la présidence danoise du Conseil de l’UE. On constate une pression qui souligne un besoin urgent d’une coordination militaire et d’un renforcement des capacités européennes. Cependant, la Hongrie explique que la Russie n’est pas une menace. Les obstacles budgétaires et le flou institutionnel autour de la compétence de l’Union en matière de défense n’arrangent évidemment rien.

Le Premier ministre Viktor Orban affiche une position de non‑alignement vis‑à‑vis du conflit en Ukraine, prônant un rôle neutre.

Cette posture est cohérente avec son discours public mais dans les faits, en cas d’attaque avérée, ses armées seront mobilisées en vertu de ses engagements atlantistes.

Donc pour l’instant, chaque Etat reste souverain dans son action anti-drone.

Voilà, le France a annoncé avoir arraisonné un navire au large de ses côtes, soupçonné de faire partie de la flotte fantôme russe. Il s’agit de navires russes avec pavillon et équipage étranger, permettant à la Russie de pouvoir vendre ses hydrocarbures et contourner les sanctions. Le navire en question est surtout soupçonné d’avoir participé aux lancements des drones ayant survolé le Danemark ces derniers jours.

A ce jour, les pays concernés par ces survols sont le Danemark, la Pologne, la Roumanie, l’Allemagne, la Belgique, la Suède, la Norvège, la Lituanie et possiblement la France.

Ce qui est inquiétant est non seulement le nombre d'États concernés, de plus en plus chaque jour, mais aussi le fait que ce sont des survols d’aéroports, bases militaires ou industries de défense.

Cette façon de faire entretient le flou sur notre état de guerre ou de paix, donc les outils institutionnels sont en pause.

Exactement ! pas de conflit ouvert donc, a priori, pas de mise en œuvre de l’alliance atlantique. C’est pour cela que de plus en plus de voix poussent une véritable réponse européenne face à ses intrusions qui semblent nous tester car, sans aucun doute dans ce domaine, les Etats ne sont pas tous aussi bien lotis et capables de réagir.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.