Elise Bernard, docteur en droit public et enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur Euradio les implications concrètes de l'État de droit dans notre actualité et notre quotidien. Ses analyses approfondies, publiées sur la page Europe Info Hebdo, offrent un éclairage précieux sur ce pilier fondamental de l'Union européenne.
L’Etat de droit européen est remis en cause par des promoteurs de modèles de type oligarchique et cette remise en cause inquiète en Géorgie, pays candidat à l’Union européenne.
Oui Laurence, à quelques jours des élections législatives, la situation géorgienne inquiète de plus en plus intensément.
Le 9 octobre dernier, le Parlement européen a adopté une résolution « Sur le recul démocratique et les menaces au pluralisme politique en Géorgie » mais à quelle fin?
La résolution appelle à un gel des fonds de l'UE au gouvernement géorgien jusqu'à ce qu'il abroge la législation antidémocratique, des sanctions contre Bidzina Ivanishvili et une évaluation du respect par la Géorgie des critères de libéralisation des visas. Il appelle également à ce que des conditions strictes soient imposées au décaissement de tout financement futur au gouvernement géorgie.
Le Parlement essaie d’influencer le vote des Géorgiens?
Non, le Parlement dénonce la législation adoptée ces derniers mois en Géorgie pour que le parti actuel reste majoritaire à l’Assemblée. Sous couvert de droit, le parti de l’oligarque Ivanichvili empêche donc l’alternance politique.
C’est ce qu’on avait vu avec la fameuse loi sur les agents étrangers?
Oui, une enquête menée par le Forum de la société civile du Partenariat oriental a évalué l'impact de la loi sur les agents étrangers sur le secteur de la société civile du pays. 70 % des organismes interrogés ont subi un examen accru de la part des autorités, leurs membres et leurs proches ont eu à subir du harcèlement en ligne, ou des appels téléphoniques inquiétants.
Les eurodéputés font référence, dans leur résolution, à plusieurs lois antidémocratiques, qu’y a t'il d’autre d’inquiétant?
Une réforme du code pénal prévoit de la prison ferme pour toute personne coupable de dégradation matérielle. Mais pas d’obligation de réparation, juste de la prison ferme.
Pour décourager les manifestants !
C’est exactement ce qui se passe pour 2 jeunes garçons coupables d’avoir dégradé un portail devant le Parlement. Pas de réparation pécuniaire ou de travaux d’intéret général possible. Juste de la prison ferme, le Code pénal ne prévoit plus autre chose.
C’est inquiétant car il n’est même pas question de savoir quelles ambitions politiques ont ces deux jeunes ! Ils veulent peut être tout simplement l’alternance après tout ce temps au pouvoir du parti Rêve géorgien!
C’est un détail parmi d’autre mais la favorisation d’un régime ami avec le Kremlin est inquiétante. D’autant plus que la Russie se dit ouverte à un compromis qui permettrait à ses troupes, stationnées depuis 2008, de quitter les régions séparatistes de Géorgie. Donc de dégager les hommes et armements stationnés en Géorgie pour les diriger vers l’Ukraine.
Une interview réalisée par Laurence Aubron.