L'état de l'État de droit - Elise Bernard

Sanctions et gel des avoirs russes

Image par Kerstin Herrmann de Pixabay Sanctions et gel des avoirs russes
Image par Kerstin Herrmann de Pixabay

Elise Bernard, docteur en droit public et enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur Euradio les implications concrètes de l'État de droit dans notre actualité et notre quotidien. Ses analyses approfondies, publiées sur la page Europe Info Hebdo, offrent un éclairage précieux sur ce pilier fondamental de l'Union européenne.

L’Etat de droit européen apparaît de plus en plus nettement comme une arme, même si son effet n’est pas aussi éclatant qu’on le souhaiterait à l’égard de la Russie. Si les 18 trains de sanctions peuvent décevoir, que peut-on espérer du gel des avoirs russes en euros ?

C’est vrai Laurence que la présidence danoise du Conseil de l’Union européenne s’est ouverte avec cette “arme” de l’Etat de droit, avec le 18e train de sanctions à l’encontre de la Russie depuis son invasion de l’Ukraine. Des mesures qui visent les « revenus pétroliers essentiels au financement de son effort militaire, afin « d’asphyxier la capacité financière du Kremlin ». Plus les banques, déjà exclues du système Swift, ajoutées à la liste des institutions interdites de transaction. A la rentrée, les 27 ministres des Affaires étrangères ont pu se replonger dans l’épineux dossier du gel des avoirs.

C’est difficile de déterminer l’efficacité des sanctions !

C’est un travail au long cours. Si l’on en croit les estimations du gouvernement britannique, les sanctions imposées par le Royaume-Uni et ses alliés ont eu un impact significatif sur l’économie russe. Puisque, depuis février 2022, plus de 400 milliards de dollars, soit l’équivalent de quatre années de dépenses militaires russes, sont perdus pour Moscou.

Oui, rappelons que les sanctions ont pour objectif de ralentir voire pousser à la fin de l’invasion militaire.

Exactement. Et pour donner un second coup d'accélérateur, à Bruxelles et à Londres, ré-émerge l’idée d’utiliser les avoirs russes en euros gelés, en faveur de l’Ukraine.

C’est ce que dit Ursula von der Leyen dans son discours sur l‘état de l’Union. « C’est la guerre de la Russie. Et c’est la Russie qui doit payer », « Les contribuables européens ne devraient pas être les seuls à en supporter le poids. »

Voilà. La guerre et les sanctions affectent l’économie européenne, les Européens sont solidaires avec les Ukrainiens fuyant les combats. Ils ont déjà beaucoup donné pour un combat illégal et illégitime pour lequel ils ne sont pas responsables.

Quel serait le plan pour les avoirs russes en euros gelés ?

C’est la société Euroclear, dépositaire central basé à Bruxelles, qui gère la grande majorité des actifs russes immobilisés dans le cadre des 18 trains de sanctions. Ces actifs, initialement détenus sous forme d’obligations, se sont progressivement transformés en une réserve de liquidités. Ces liquidités sont actuellement déposées sur un compte à la Banque centrale européenne.

Si je comprends bien, en droit, les titulaires de ces comptes auprès d’Euroclear le sont toujours, c’est juste qu’ils ne peuvent plus en faire usage conformément aux sanctions.

C’est tout à fait ça ! La société Euroclear n’a pas non plus à souffrir de la situation, la Commission s’endetterait auprès d’elle. Donc l’idée, telle qu’elle est exposée à ce jour, serait de transférer ces liquidités à la Commission, qui les utiliserait ensuite pour accorder un prêt à taux zéro à l’Ukraine.

Oui les avoirs ne vont pas disparaître, les sanctions prévoient que les actifs soient simplement gelés jusqu’à ce que la Russie mette fin à la guerre d’agression et indemnise l’Ukraine pour les dommages causés.

Voilà, on répond au premier besoin de l’Ukraine d’obtenir des liquidités et comme ces liquidités seraient transférées, les bénéfices de ces avoirs russes cesseraient d’être générés. Plan auquel le Royaume-Uni semble aussi favorable. Les avoirs seront donc récupérables le moment venu.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron. 

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