Elise Bernard : Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur euradio les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.
L’Etat
de droit européen c’est une société inclusive donc qui admet des
droits au plus grand nombre. C’est en ce sens que l’on peut
comprendre la légalisation du mariage pour tous en Grèce le 15
février 2024?
Tout à fait Laurence! Je précise même : mariage pour tous et droit à l’adoption pour tous les couples.
C’est étonnant de la part de « Nouvelle Démocratie » le parti plutôt conservateur qui est au pouvoir.
A priori oui, surtout que c’est lePremier ministre Kyriakos Mitsotakis qui a porté la réforme, qu’il a fait adopter au Parlement et dans son discours, il dit porter un tournant pour les droits humains en Grèce.
Malgré les désaccords de l’Eglise orthodoxe?
Absolument. L’archevêque d’Athène l’accuse de vouloir corrompre la cohésion sociale du pays. Mais on dirait que Mitsotakis lui y voit une opportunité de cohésion sociale.
C’est vrai, on l’a vu plusieurs fois, il ne s’est pas présenté ces dernières années comme un fervent défenseur d’un Etat de droit exigeant.
Oui peut être que cette avancée est une solution pour adoucir son image. Mais la vie en société et ses évolutions sont ainsi faites : on perd d’un côté, on gagne de l’autre, on lâche du lest. En ce qui me concerne, je retiens essentiellement une chose : il s’agit du premier pays de culture chrétienne orthodoxe à légaliser le mariage pour tous.
Ca c’est un signal sérieux pour les Balkans.
Oui et la Russie aussi. L’Estonie aussi en janvier est devenu le premier État de l’ex-Union soviétique à reconnaître le mariage pour tous dans sa législation.
Ce sont les circonstances, la guerre des valeurs qui font évoluer les législations?
Oui ça me semble évident, avec une évolution socio-culturelle convergente liée à la libération de la parole, à la “normalisation” de certaines situations.
Mais on parle bien quand même d’une extension de la garantie des droits au sein de l’UE ? Oui, mais elle n’est pas récente non plus!La Cour européenne des droits de l’Homme condamne comme une inégalité le traitement différencié entre les couples homosexuels et hétérosexuels depuis presque 20 ans. Le Parlement européen avait demandé, il y a plus de 20 ans, aux États membres d’abolir les discriminations contre les homosexuels « notamment en matière de droit au mariage et d’adoption d’enfants ». Cette discrimination, en droit, n’a jamais vraimentpu se justifier, à part des blocages liées à des paniques morales.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.